Journée des droits de l’homme: nos droits fondamentaux sont-ils respectés ?

Ce 10 décembre, le monde célèbre la Journée mondiale des droits de l’homme. Que peut-on dire sur leur respect à Maurice ? Les citoyens mauriciens jouissent-ils des droits fondamentaux, comme l’égalité devant la loi et la liberté d’opinion et d’expression ?

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Parvez Dookhy, juriste et avocat exerçant à Paris, constate que notre Constitution « a besoin d’une réelle mise à jour ». Il observe qu’on fait trop « une lecture littérale » de la Constitution chez nous. « Or, c’est son esprit qui doit primer dans l’interprétation du texte constitutionnel. »

Quant aux réformes de l’IBA, elles ne sont pas raisonnablement justifiées, pour lui, dans une société démocratique. « Les réformes ne vont pas tenir si elles sont contestées devant la Cour suprême ou encore devant le Conseil privé. »

Parvez Dookhy est d’avis que le Mauricien a droit à l’information. « Nous sommes dans un des très rares pays au monde où l’État a un monopole sur l’information télévisée locale. Les radios libres sont infiniment nécessaires tant qu’elles ne basculent pas dans la diffamation. » Pour le juriste, les “whistle blowers” doivent pouvoir rester anonymes, car « il n’y a pas d’information sans protection des sources ».

Erickson Mooneapillay, avocat et directeur de l’Ong Dis-Moi, engagée dans la défense des droits humains, trouve pour sa part que Maurice, comme d’autres pays, a beaucoup de chemin à faire en matière de respect des droits humains. « On ne peut avoir des règles pour le citoyen et d’autres règles pour le fonctionnaire et l’homme public », opine-t-il.

Quant à l’amendement de l’IBA Act, il dira que ceux qui ne voient aucune atteinte aux droits humains avec ces amendements vivent dans le mensonge. « Ils essaient sans honte ni vergogne de justifier l’injustifiable. Tout comme ceux qui pensent que l’Holocauste n’a jamais existé. »

Me Mooneapillay souligne en outre que « les atteintes aux droits humains arrivent toujours comme cela avec des discours goebbelsiens et une usurpation de l’appareil d’Etat afin de faire avancer son agenda ». Ces amendements à l’IBA, selon lui, n’avaient pas leur raison d’être, tout comme d’autres lois visant à restreindre l’espace démocratique. « Je suis très inquiet quant aux événements qui vont s’ensuivre. Les répercussions seront multiples. »

Kushal Lobine, député et représentant du PMSD au sein de la Plateforme de la liberté pour l’expression, mise sur pied dans le cadre des protestations contre les amendements à l’IBA, juge qu’il faut apporter des changements en profondeur 53 ans après notre Constitution. Il dénonce le fait que « nos droits civils et politiques soient grandement menacés ces derniers temps avec des lois qui font peur à la population ».

Les amendements à l’IBA sont, pour lui, « des moyens “through the back door” pour museler la presse ». Et le journaliste « se retrouve dans une situation précaire ». Il se désole par ailleurs de « la rapidité avec laquelle le président de la République – censé être le garant de notre Constitution – a donné son approbation ».


PARVEZ DOOKHY (JURISTE) :« Pas d’information sans protection des sources »

Nous célébrons demain la Journée mondiale des droits de l’homme. Maurice est décrite dans notre Constitution comme un Etat « démocratique ». La Constitution « garantit au citoyen mauricien ses droits fondamentaux, qui sont le droit à la liberté et à la protection légale […], la liberté de mouvement et d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de croyance et de religion […] ».

Au vu des derniers événements, diriez-vous qu’il existe une dichotomie entre ce qui est prévu dans la Constitution et ce qui se passe dans la réalité ?
Une Constitution doit être un instrument juridique vivant. Elle évolue et se développe. Notre Constitution est un peu figée malheureusement tant par le peu de développements jurisprudentiels que la tendance de l’ensemble des autorités à lire de manière littérale le texte constitutionnel comme on pourrait le faire pour toute loi ordinaire.

Or, c’est l’esprit du texte qui doit primer pour aller dans le sens de plus de démocratie, plus de droits des citoyens auprès de tous les organes de l’État. À ne pas oublier que notre Constitution reconnaît également tous les droits fondamentaux qui ont pu exister à Maurice avant son entrée en vigueur, en l’espèce, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et la Convention européenne des droits de l’homme, étendue à Maurice en 1953. Ces paramètres sont un peu oubliés.

Et puis, il n’y a pas d’actualisation des droits, ceux qu’on appelle de la deuxième et troisième génération (droit à la santé, à l’éducation, au logement, à la protection de l’environnement, de l’eau, à l’énergie etc.). Notre Constitution a besoin d’une réelle mise à jour.

Les amendements à l’IBA Act sont au cœur des débats actuellement, beaucoup voyant là une atteinte au droit à la liberté d’expression et au droit à l’information, bref une atteinte à la démocratie. Votre point de vue…

La réforme de la loi sur l’IBA apporte en substance des dispositions qui ne sont pas raisonnablement justifiées dans une société démocratique comme l’exige la Constitution pour restreindre l’exercice d’un droit fondamental. Les réformes ne vont pas tenir si elles sont contestées devant la Cour suprême ou encore devant le Conseil Privé. La régulation est une chose. Faire du chantage, c’est autre chose. C’est ce pouvoir-là qui est donné avec les nouvelles dispositions.

Nos institutions n’ont pas suffisamment d’indépendance par rapport au gouvernement et leur donner des pouvoirs inutiles fera qu’elles vont exercer un chantage. En tout état de cause, le Mauricien a droit à l’information. À ne pas oublier que nous sommes dans un des très rares pays au monde où l’État, entendons le gouvernement, a un monopole sur l’information télévisée locale. Les radios libres sont infiniment nécessaires tant qu’elles ne basculent pas dans la diffamation, l’incitation à la haine, etc.

Le débat démocratique exige le pluralisme de l’information. Et il n’y a pas d’information sans protection des sources. Et les sources, ce sont souvent des “whistleblowers”. Ils doivent pouvoir rester anonymes, inconnus des autorités de l’État.

Dans une démocratie, la voix du peuple ne devrait-elle pas être tenue en considération avant l’élaboration de lois importantes touchant aux droits fondamentaux des citoyens ?
Dans tout pays démocratique digne de ce nom, le débat parlementaire a lieu sur fond de débat populaire, démocratique, au sein de la société parallèlement. Les députés ne sont que les représentants du peuple. Dans nos pays démocratiques de référence, une loi restrictive des libertés ne peut être adoptée qu’après de longs débats de plusieurs mois. Chez nous, ça a été fait en deux jours.

Quelles sont les faiblesses dans notre système qui font que les droits des citoyens sont parfois bafoués ?

Notre grand manquement, c’est l’accès à la justice : la justice est d’une part trop lente et lourde dans son fonctionnement, elle manque de réactivité, et d’autre part, elle est trop chère. Il nous faut un accès plus facile à la justice, surtout lorsqu’il s’agit de contester une décision administrative. Le juge doit pouvoir être saisi sur simple requête et non comme on le fait actuellement avec nos procédures qui datent du 18e siècle. Par conséquent, peu d’affaires administratives sont jugées et le juge n’a pas suffisamment d’occasions pour affirmer et développer les droits fondamentaux.

Notre faiblesse réside aussi dans la lecture de la Constitution qui est, comme je l’ai dit, un esprit. Ce n’est pas suffisamment dans nos mœurs. Un exemple : dans la Public Gatherings Act, il est indiqué qu’il est interdit de manifester à Port-Louis lorsque le Parlement siège. C’est manifestement contraire à la Constitution. Dans nos pays de référence, il y a toujours des manifestations même devant le Parlement lorsqu’il siège !
S’agissant d’un droit fondamental, l’on ne devrait pas avoir besoin d’une autorisation. En France, par exemple, celui qui veut manifester doit simplement informer l’autorité. C’est à l’autorité de s’opposer pour une raison valable. Chez nous, on procède comme en Angleterre mais là-bas ils n’évoluent pas dans un système où la Constitution est une norme fondamentale et supérieure à la Loi.

Comment mieux faire respecter les droits des citoyens à Maurice ?
Chaque organe doit mieux connaître la Constitution. À commencer par l’exécutif, la police notamment. La police maîtrise très mal le cadre fixé par la Constitution pour ce qui est des abus du pouvoir. Il nous faut également, et ça commence à devenir urgent, une mise à jour de nos droits fondamentaux, avoir les nouveaux droits que j’ai cités plus haut.

En conclusion, les droits des citoyens Mauriciens sont-ils respectés dans leur ensemble ?
Tout est relatif. Si nous nous comparons à certains pays où la démocratie est complètement absente, on aura l’impression que les choses vont très bien. Mais si nous nous comparons à des démocraties de référence pour nous, notamment le Royaume-Uni et la France, nous devons reformater notre système de pensée, nos mœurs constitutionnelles.
Un exemple : au Royaume-Uni, le Premier ministre peut suspendre le Parlement. Il n’en abuse pas. S’il le fait, il y aura sanction. Chez nous, dans un passé pas trop lointain, le Parlement est resté presque tout le temps en vacances sur une année. C’était en 2014 ! Encore une fois, on fait trop une lecture littérale de la Constitution chez nous. Or, c’est son esprit, sa philosophie qui doit primer dans l’interprétation du texte constitutionnel.


ERICKSON MOONEAPILLAY (DIS-MOI) : « Très inquiet quant aux événements qui vont suivre »

Nous célébrons demain la Journée mondiale des droits de l’homme. Maurice est décrite dans notre Constitution comme un Etat « démocratique ». La Constitution « garantit au citoyen mauricien ses droits fondamentaux, qui sont le droit à la liberté et à la protection légale […], la liberté de mouvement et d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de croyance et de religion […] ». En tant que directeur de l’Ong, Dis-Moi, êtes-vous satisfait du respect des droits des citoyens mauriciens ?

Les droits humains sont une série de droits qui sont inhérents à la personne humaine. Chaque être humain naît avec ces droits-là. Même si beaucoup de documents garantissent ces droits, ils ne dépendent pas du bon vouloir des trois branches du gouvernement.
On reconnaît une loi quand elle est mauvaise, peu importe si elle a les assentiments nécessaires. Le Code Noir, les lois nazies et celles de l’apartheid étaient bien « légales », mais certainement un affront à la race humaine. C’est bien pour cela que l’on décrit les droits humains comme étant universels, inaliénables et indivisibles.

Maurice comme d’autres pays à travers le monde a beaucoup de chemin à faire pour le respect des droits humains. Chaque individu et chaque génération a une obligation de faire respecter les droits humains justement parce que celui qui a le pouvoir cherche toujours à amplifier son assise et ce faisant, bafoue les droits humains. C’est souvent à petite échelle, ou petit à petit. C’est aussi souvent sous des prétextes de sécurité publique.

La protection des droits humains, c’est avant tout le respect de ces droits et pour cela, il ne peut pas exister une justice à deux vitesses. On ne peut avoir des règles pour le citoyen et d’autres règles pour le fonctionnaire et l’homme public. Le respect des droits humains passe avant tout par l’éducation des droits humains dès le plus jeune âge. C’est cela qui va briser les cercles vicieux comme la violence envers les femmes et la torture par des agents publics.

Les amendements à l’IBA Act sont au cœur des débats actuellement, beaucoup voyant là une atteinte à la liberté d’expression et au droit à l’information, bref une atteinte à la démocratie. Votre opinion ?

Ceux qui ne voient aucune atteinte aux droits humains avec ces amendements vivent dans le mensonge. Ils se mentent à eux-mêmes. Ils essaient sans honte ni vergogne de justifier l’injustifiable. Tout comme ceux qui pensent que l’Holocauste n’a jamais existé. Même si cela s’est bien produit, pas du jour au lendemain, mais petit à petit. Cela a commencé tout doucement, avec des discours haineux, avec de petites lois ici et là. En donnant plus de pouvoirs aux fonctionnaires et en faisant croire qu’il y avait un réel danger. Il faut dire que les atteintes aux droits humains arrivent toujours comme cela avec des discours goebbelsiens et une usurpation de l’appareil d’Etat afin de faire avancer son agenda.
Ces amendements à l’IBA n’avaient pas leur raison d’être tout comme d’autres lois visant à restreindre l’espace démocratique. Je suis très inquiet quant aux événements qui vont s’ensuivre.

Dans une démocratie, la voix du peuple ne devrait-elle pas être tenue en considération avant l’élaboration de lois importantes touchant aux droits fondamentaux des citoyens ?
La voix du peuple est sacrée. Elle devrait être tenue en considération en tout temps. Le pouvoir qui n’écoute pas son peuple est un pouvoir borné et se dirige tout droit vers le précipice. Les lois pénales tendent à contrôler et à réguler le comportement humain. C’est bien pour cela qu’il faut avoir un débat contradictoire avant le vote d’une loi pénale. Mais ceux qui nous gouvernent sont détachés de la réalité.

Les jeunes de ce pays ont soif de technologie, de liberté. Ils veulent plus d’opportunité afin de réussir dans la vie. Les jeunes veulent un job sans devoir coller les affiches pendant les élections ou lécher les bottes des politiciens, mais sur la force de leur CV. Les jeunes veulent que les fonctionnaires qui tirent leurs salaires des poches des citoyens les traitent avec respect. Les jeunes veulent vivre leur sexualité comme bon leur semble sans qu’il y ait interférence de l’Etat.

L’État fait un abus de la loi pénale en croyant qu’il peut forcer le comportement des gens. L’État pense que c’est bien plus facile d’imposer des lois qui sanctionnent, mais les répercussions sont multiples.

Quels sont ces domaines flagrants où il y a du chemin à faire pour que les droits des citoyens soient mieux respectés ?
L’éducation avant tout. Cela doit être la base de tout. On doit éduquer le fonctionnaire à dire bonjour, merci et au revoir. Les agents de l’Etat sont au service du citoyen. On doit aussi permettre l’inclusion, la diversité et l’accessibilité dans nos services publics. C’est ce qui va permettre la notion d’équité. Nul ne doit être laissé pour compte. L’humain doit être au centre de tout.

Quelles sont les faiblesses de notre système qui font que les droits des citoyens sont parfois bafoués ?
Les déficiences structurelles sont multiples et latentes. Parmi, je note l’absence d’un avocat commis d’office pendant chaque interrogatoire, d’un tribunal de l’immigration, d’un Coroner’s Court pour les enquêtes judiciaires.
S’il existe des carences structurelles, il existe aussi malheureusement des carences humaines. Ceux qui doivent prendre des décisions sont trop souvent petits dans leurs têtes. Ils cachent leurs manquements derrière une arrogance défensive. Encore une fois, c’est le citoyen qui souffre quand il ne peut pas avoir à un service adéquat.
Tel est le cas à Maurice où l’on associe le statut à l’arrogance. Quand on fait un métier public, on est au service du public et de l’humanité. On doit le faire souvent avec fermeté mais toujours avec humilité.

Comment mieux faire respecter les droits des citoyens à Maurice ?
Mis à part l’éducation des droits humains dans laquelle DIS-MOI s’est engagée – puisque le citoyen une fois qu’il a pris connaissance de ses droits et responsabilités est “empowered”, il est aussi plus que jamais temps de demander à chaque parti politique de dévoiler son programme à chaque élection et de voter par rapport aux programmes qui garantissent les droits fondamentaux surtout.


KUSHAL LOBINE (AVOCAT ET DÉPUTÉ) : « Des moyens derrière le dos pour museler la presse »

Nous célébrons demain la Journée mondiale des droits de l’homme. Maurice est décrite dans notre Constitution comme un Etat « démocratique ». La Constitution « garantit au citoyen mauricien ses droits fondamentaux, qui sont le droit à la liberté et à la protection légale […], la liberté de mouvement et d’opinion, la liberté d’expression, la liberté de croyance et de religion […] ». Au vu des derniers événements, diriez-vous qu’il existe une dichotomie entre ce qui est prévu dans la Constitution et ce qui se passe dans la réalité ?
La Constitution est là. Il y a des gens qu’on place à des positions pour sauvegarder notre Constitution à l’exemple du président de la République qui est le garant de la Constitution. Quand on élit des gens au Parlement, ceux-ci sont aussi des personnes qui doivent interpréter mais aussi sauvegarder notre Constitution.

Or, ces derniers temps, on constate une dérive. Certains ne comprennent malheureusement pas que les valeurs qu’on a dans notre Constitution sont universelles et qu’on ne peut les bafouer. Les droits humains sont étroitement liés à la démocratie. Par exemple, la Constitution de Maurice a été faite en 1967, prenant en considération la vie sociale, économique et politique du pays à cette époque. Après 53 ans, on a évolué. Or, notre Constitution est restée presque la même. Il faut apporter des changements en profondeur, une réflexion par rapport à la réalité du jour, par exemple, l’apport technologique des réseaux sociaux, la mouvance dans le monde et à Maurice concernant le droit à l’information, qui est un droit humain.

Je résumerais les droits humains dans notre Constitution en trois grands piliers : droits économiques et socioculturels ; droits de solidarité et droits civils et politiques. Nos droits civils et politiques sont grandement menacés ces derniers temps par des lois qui font peur à la population. Je dénonce cela.

Vous y incluez les amendements à l’IBA Act au cœur des débats actuellement ?
Bien sûr ! Je suis outré de la façon dont les débats ont été organisés. Une loi d’une telle envergure ne peut passer en catimini et être présentée au Parlement avec un certificat d’urgence. Cette loi aurait dû être circulée parmi la société civile, les journalistes, les radios privées, les partenaires dans la liberté d’expression pour avoir leur opinion.
Je ne dis pas qu’il ne faut pas amender les lois. Oui, il faut des amendements. Mais il faut tenir compte des piliers phares de notre Constitution, soit la liberté d’expression ! L’article 12 de notre Constitution donne la protection pour s’exprimer. Certes, il y a des limites. C’est pour cela d’ailleurs qu’il y a des sanctions qui sont prévues si certains abusent de la liberté d’expression ou tombent dans la diffamation.

Qu’est-ce qui vous gène dans les amendements apportés à cette loi ?
On est en train de museler la presse ! Pour le moment, cela concerne les radios mais après cela touchera la presse écrite. Si vous dites à une radio privée que sa licence est réduite de trois ans à un an, la manière d’opérer de cette radio va changer.

Le contrat de l’employé sur une base indéterminée va changer parce que la radio lui dira que sa licence étant pour un an, elle ne peut lui donner un contrat à durée indéterminée car elle ne sait ce qui va se passer après un an. Le journaliste en question se retrouve donc dans une situation précaire. Demain, s’il sollicite un prêt de la banque, on lui dira qu’il travaille dans un secteur qui n’est pas défini, à hauts risques donc et qu’on ne peut accéder à sa demande.

Il y a donc des moyens qui sont faits “through the back door” donc pour museler la presse. Demain, donc, l’approche de ces radios sera très différente. Elles auront une approche très conservatrice. Elles n’essaieront pas d’aller vers des reportages d’investigation.
Les nominés politiques au sein des institutions réglementant le secteur vont leur demander leurs sources. Il y a une façon dont cette loi a été rédigée qui fait qu’il y a de fortes possibilités que les journalistes soient obligés de divulguer leurs sources. Et, cela, c’est très grave !

Cela vous choque qu’une telle loi ait été votée dans une démocratie ?
Oui, la rapidité avec laquelle cette loi a été votée au Parlement avec un certificat d’urgence ; la rapidité avec laquelle le président de la République – censé être le garant de notre Constitution – a donné son approbation est extrêmement navrante. C’est un jour triste pour la démocratie mauricienne mais aussi pour la liberté d’expression.
Il faut tenir compte que tous les gestes et faits à Maurice sont répercutés sur le plan international. Plusieurs rapports ont pointé du doigt la manière dont les droits humains sont traités à Maurice, notamment par V-Dem, Reporters sans frontières. Plusieurs exemples montrent que la liberté d’expression est mise sous pression et ce n’est pas de bon augure pour notre démocratie.

Dans une démocratie, la voix du peuple ne devrait-elle pas être tenue en considération avant l’élaboration de lois importantes touchant aux droits fondamentaux des citoyens ?
C’était le devoir des députés de tenir compte de la colère des gens de la rue concernant la liberté d’expression. Je suis sûr que s’il n’y avait pas de restrictions sanitaires, beaucoup auraient manifesté leur colère. On a parlé d’un Press Council. Est-ce que cela sera un Council avec des nominés politiques ou dépoussiérera-t-on le rapport de Jeffrey Robertson, QC, sur le Media Law and Ethics où il fait ressortir qu’il faut réglementer le métier ? Puisque la liberté d’expression fait partie des droits fondamentaux et est un contre-pouvoir, ce conseil doit être indépendant.

Les gens appelés à y siéger doivent être nommés par la Judicial Legal Service Commission et nommés pour leurs compétences et non pour leur appartenance politique. Cela a été une occasion ratée pour ce gouvernement de dire qu’ils sont sérieux sur le principe d’approfondissement de la démocratie.

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