Darlene Lam Po Tang (Survivante du cancer): « Faire la guerre contre la maladie, c’est reprendre le contrôle de sa vie »

Directrice exécutive chez Galvanising Co. Ltd, Darlene Lam Po Tang fait partie de cette génération de chefs d’entreprise qui considère que son rôle en tant qu’entrepreneuse impacte la fibre sociale du pays. Diagnostiquée d’un cancer du sein en 2016, elle s’est battue pour se réapproprier son corps de femme après une mastectomie et une reconstruction. En totale rémission, elle ne garde pas moins les séquelles de sa chimiothérapie comme une difficile étape vers la guérison. Sa guerre contre le cancer, elle l’a gagnée en reprenant tout simplement le contrôle sur sa vie. Son témoignage poignant sonne comme un espoir pour celles qui sont encore dans le déni de la maladie.

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Darlene Lam Po Tang manie avec aisance la langue de Shakespeare. Femme de tête de par sa profession, elle gère tous les aspects des opérations commerciales ainsi que le développement commercial et stratégique de la compagnie qu’elle dirige, Galvanising Co. Ltd, une entreprise familiale. En parallèle, elle est aussi directrice exécutive de Hatchings Ltd où elle s’occupe d’une division, la Marketing Engine qui fournit du marketing externalisé, y compris la communication marketing, l’engagement client, les ventes et l’innovation.

Cette dame de fer dans son secteur sait aussi glisser sa main dans un gant de velours en étant très proche des gens. Diagnostiquée il y a cinq ans d’un cancer du sein, elle est passée du stade de la souffrance à l’acceptation de la maladie avant une rémission. « J’ai découvert une grosseur sur mon sein gauche en prenant une douche et j’ai immédiatement pris rendez-vous avec mon gynécologue. J’ai dû faire une échographie, qui a révélé une forme irrégulière indiquant un cancer, mais pour avoir la confirmation, je devais faire une biopsie. Au fond de moi, j’espérais que la tumeur était bénigne mais je m’attendais aussi au pire. Le verdict est tombé, c’était un cancer. J’ai tout de suite su que je devais me concentrer sur ce qui avait été et pouvait être fait au lieu de me laisser entraîner dans une spirale émotionnelle. »

Elle prend ainsi son courage à deux mains : « J’ai vu la situation comme un problème qui devait être résolu en gardant les idées claires pour m’assurer que je prenais la bonne décision pour moi. Et j’ai donc étouffé mes émotions. J’ai été catégorique dès le début : je ne voulais pas de pitié de qui que ce soit, j’ai été très factuelle avec mes proches et je les ai tenus au courant de toutes les mesures que j’avais prises pour me débarrasser de la tumeur, qui était au stade 2A et mesurait presque 3 cm. J’avais besoin de prendre le contrôle et de ne pas laisser le cancer prendre le contrôle sur moi. Je n’ai versé qu’une seule larme au début. Il est vrai que chaque histoire de cancer est différente en ce qui concerne le diagnostic, le traitement, le système de soutien, l’aspect financier et la force mentale. »

L’histoire de Darlene Lam Po Tang aurait pu être identique à celles de toutes ces femmes prises à un certain moment de la vie dans les tentacules de ce mot qui fait peur, le cancer. Pour autant, elle a choisi d’apprivoiser la maladie et de contourner le problème étape par étape. Elle avait le choix entre une tumorectomie ou une mastectomie. La tumeur devait être enlevée et la question était de savoir quelle quantité de chair elle voulait enlever.
Compte tenu de tout ce qu’elle a appris, du facteur de risque et de sa tranquillité d’esprit, elle a opté pour une mastectomie du sein gauche. La dure réalité de devoir se soumettre à une mastectomie, loin de l’achever, l’a rendue plus forte avec un esprit encore plus combatif. Mieux, sa mastectomie n’a pas modifié son point de vue ou ses sentiments sur la féminité.

« Si j’ai subi une reconstruction mammaire juste après l’ablation de mon sein gauche à Singapour, c’est surtout parce que j’avais le contrôle sur le cancer. C’était ma réponse de guerre au cancer qui m’a forcée à me faire enlever un sein et j’ai le pouvoir d’en remettre un autre sur moi ! » De la mastectomie à la reconstruction, Darlene y a cru jusqu’au bout, elle a fait confiance à ses médecins, les Dr Ho et Seeah. Et la tranquillité d’esprit avec laquelle elle a abordé l’épreuve dès le début lui a donné un regain de confiance pour son opération.

La chimio, la difficile étape vers la guérison

Avoir un sein étranger peut se révéler déstabilisant pour une femme non préparée face au cancer, mais le témoignage de Darlene se veut rassurant. Elle évoque « le choix réfléchi » de sa démarche et surtout son contrôle mental sur la maladie qui, comme elle le décrit parfaitement, était sa réponse au cancer. Avant sa reconstruction du sein, Darlene raconte que le médecin a prélevé un échantillon de sa tumeur pour le soumettre à des tests supplémentaires aux États-Unis afin de déterminer une quelconque probabilité de récidive et aussi pour déterminer s’il y a un réel besoin de chimio.

« Il y a trois cas, faible (pas besoin de chimio), moyen (la chimio est optionnelle), élevé (la chimio est nécessaire). Mes résultats se situaient entre faible et moyen et, là encore, c’était à moi de faire le choix. Je n’étais pas prête à faire de la chimio et il m’a fallu des mois pour prendre une décision. Le médecin m’a dit que la chimiothérapie réduisait le risque de 2%, ce qui, en tant que chiffre, est infime, mais quand on le met à l’échelle de la vie, cela peut faire une différence. Je l’ai fait et c’était brutal », confie Darlene.

Selon cette dernière, seuls ceux qui font de la chimio peuvent comprendre les enjeux et le difficile voyage vers la guérison. « Non seulement c’est un défi physique, mais c’est aussi un défi mental et vous n’êtes jamais le même. Vos proches, même s’ils vous aident et vous soutiennent, ne pourront jamais vraiment comprendre le profond traumatisme mental que vous avez dû vivre. J’ai dû aller voir un psychologue pour m’aider et je crois qu’il est difficile mais courageux d’admettre que l’on n’est pas capable de faire face et de demander de l’aide. Je suis heureuse de l’avoir fait car je me sens beaucoup mieux maintenant. »

Maintenir une qualité de vie

Un des messages forts de Darlene aujourd’hui se résume à cette phrase clé : “You need to create your own beat to which you want to dance in life. It is a privilege to be different.” Elle se dit consciente de tous ces drames humains qui se jouent et non pas seulement autour du cancer, mais également liés à la pandémie de Covid-19. Pour elle, avoir peur est un sentiment normal, mais il faut aussi s’entourer de gens qui ont l’esprit positif. « Le plus important est d’apprendre à rire dans les moments difficiles. Il est parfois bon de trouver de l’humour, car cela atténue une partie du stress que vous subissez. »

Les leçons que Darlene retient de la vie sont la valeur de leadership que lui a transmise son père, le calme et l’humilité. « Il n’est pas nécessaire d’être arrogant pour être puissant. Ma citation préférée est celle d’Einstein : “Ne cherchez pas à devenir un homme de succès, mais essayez plutôt de devenir un homme de valeur.” La pandémie m’a fait penser au Kintsugi, l’art japonais qui consiste à recoller des morceaux de poteries cassés avec de l’or – fondé sur l’idée qu’en acceptant les défauts et les imperfections, on peut créer une œuvre d’art encore plus forte et plus belle. Je pense que la pandémie nous a permis d’être plus conscients de nos échecs, de nos faiblesses et de nos manques. »

Membre du Port-Louis Toastmasters Club, qui enseigne la prise de parole en public et les compétences de leadership à travers ses 15 800 clubs à travers le monde, Darlene a pris encore plus d’assurance sur la vie. Son rêve est d’explorer d’autres pays et de trouver de nouvelles opportunités.

Survivre au cancer est en soi un énorme exploit pour Darlene. Elle y est parvenue par son combat et en maintenant une qualité de vie malgré la maladie. Et son témoignage est comme une lueur d’espoir pour toutes celles qui se battent au quotidien pour survivre à la maladie.

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