La COP 26, tenue à Glasgow, en Écosse, début novembre, a réuni les leaders du monde en vue de prendre des engagements pour lutter contre le changement climatique. Mais ce grand événement international n’aura pas donné les résultats escomptés.
C’est ce que constate François Gemenne, spécialiste en géopolitique de l’environnement et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et ce, à un moment où le monde est frappé d’événements climatiques inattendus. De l’autre côté, le faible engagement des pays du nord crée un certain ressentiment dans les pays du sud.
Un webinaire organisé par la MCB, et animé vendredi après-midi par François Gemenne, également chercheur à l’Université de Liège, en Belgique, sur les migrations et déplacements de populations liés aux changements de l’environnement, a démontré le faible engagement des pays industrialisés face au sort des pays du Sud. De ce fait, c’est un sentiment de grande frustration qui gagne les pays du Sud par ce manque d’engagements. « Si nous voulons que les pays du sud s’engagent, les pays industrialisés doivent respecter leurs engagements. Les pays industrialisés n’ont aucun droit de dire aux pays du sud comment ils devraient faire », explique-t-il en ajoutant que les pays industrialisés « ne peuvent nier le droit aux pays du Sud à se développer ».
Les engagements financiers n’ont pas non plus été respectés. Ainsi, la promesse faite en 2009 de mobiliser USD 100 milliards annuellement par les pays industrialisés à partir de 2020 pour les pays du Sud n’a pas été tenue. « Nous sommes fin 2021 et l’argent n’est toujours pas là. C’est un gros problème. Cela donne l’impression aux pays du sud d’avoir été trahis. Pour beaucoup d’entre eux, les engagements qu’ils ont pris sont conditionnels d’un soutien financier des pays industrialisés », dit-il. Avant de poursuivre que cela met en cause la relation de confiance entre les pays en voie de développement et les pays industrialisés.
« La conférence de Glasgow n’est pas une réussite sur ce point. La déception qu’elle suscite aujourd’hui est à la mesure des attentes qu’elle avait suscitée », avance l’expert. Pour lui, « il est très difficile pour les nations de s’imposer elles-mêmes des sanctions ». Étant donné que tout le système repose sur des engagements volontaires, il avance qu’il n’existe « aucun système de sanction visant à faire en sorte que les engagements soient respectés ».
François Gemenne rappelle qu’un grand nombre de pays émergents ont des besoins énormes en termes de développement, mais aussi d’électrification de leur population et de leur territoire. Or, dans beaucoup de ces pays, les seules ressources disponibles sont fossiles, soit le charbon, le pétrole et le gaz. De fait, le principal enjeu dans le combat contre le changement climatique, « c’est que ces ressources restent sous terre et de laisser ces pays accéder directement aux énergies renouvelables sans passer par la case énergie fossile ». Problème : les énergies renouvelables sont coûteuses à mettre en place dans ces pays.
Le changement climatique engagé, rappelle-t-il, est un processus irréversible. Un brin pessimiste, il affirme que « nous sommes condamnés à organiser des COP pendant encore des dizaines d’années ». Le chercheur mentionne cependant qu’il ne faut pas croire que la COP 26 était « celle de la dernière chance ». Avant de nous dire « condamnés à coopérer sur le changement climatique ». Cela dit, du fait de leur organisation, ajoute-t-il, les COP « nous décevront en permanence, car il n’existe pas de vote, mais juste un consensus sur des engagements ».
Sur la question de l’utilisation du charbon dans les pays du Sud, François Gemenne rappelle que l’Inde s’est opposée, à la dernière minute, au projet final d’accord, et a demandé un changement. « Ce pays trouvait que la formulation des choses sur le charbon était inéquitable. » La question de l’articulation entre les problématiques de développement pour les pays du sud et la nécessité de réduire les gaz à effet de serre, reprend-il, « s’imposent de plus en plus dans les débats, mais aussi comme l’un des points d’achoppement essentiel dans la négociation ».
François Gemenne ne cache pas que le sentiment global, à l’issue de la COP 26, est la déception, même s’il dit avoir noté quelques progrès. La conférence internationale, reconnaît l’expert, a néanmoins généré de l’attention et de l’espoir, et ce, parce qu’elle correspond à une date limite imposée par l’Accord de Paris. « Cet accord est un accord Bottom-Up, ce qui se traduit par aucune imposition sur la réduction impérative des émissions à aucune partie ». Par contre, l’accord s’appuie sur les engagements pris.
« La caractéristique de l’Accord de Paris, c’est qu’il n’a rien d’obligatoire. Il n’y a aucune sanction, juste des engagements volontaires », dit-il. Ainsi, tous les pays du monde se sont engagés à faire un effort sur le changement climatique selon leurs capacités. À ce titre, il rappelle que Maurice avait pris l’engagement de réduire ses émissions de 30% d’ici 2030 lors de l’Accord de Paris. Mais aussi que les engagements de la majorité des pays signataires n’étaient pas à la hauteur des objectifs fixés. De plus, l’absence des États-Unis de la COP durant le mandat présidentiel de Donald Trump aura desservi la cause climatique.