Après le décès de la petite Keira Esther, 15 mois, au début de septembre, le décès, jeudi, de la petite Waiza Burkuth, 18 mois, également du Covid, selon les autorités sanitaires, chagrine et interpelle. La population dans son ensemble a de nouveau été choquée d’apprendre qu’un autre petit ange s’est ajouté à la longue liste des 88 personnes décédées du Covid en deux semaines. Pour ses parents, qui refusent la thèse que Waiza était atteinte de Covid — car les quatre tests PCR que la petite a subis étaient négatifs —, c’est une autre histoire qui a emporté leur fille. Ils crient à la négligence médicale et réclament justice.
C’est un père révolté que Week-End a rencontré à son domicile à Pamplemousses vendredi après-midi. Khadiijah, sa femme, n’était pas présente, car depuis le décès de sa princesse, avec qui elle passait ses journées et ses nuits, la vie n’a plus aucun sens pour la jeune maman. Elle a trouvé refuge, avec son fils aîné, Waiz, âgé de 4 ans, chez ses parents. « Li pe tro soufer, li pa pe kapav rest dan lakaz », dit Yashine Burkuth, qui a enterré sa petite Waiza jeudi dernier à 23h. Lui aussi souffre, mais il a pris son courage à deux mains pour dénoncer ce qu’il estime être une négligence médicale. « Pa Covid ki’nn touy mo tifi », clame-t-il. S’il accepte que « mo zanfan ti ena konplikasion », il avance que « si zot pa ti fer neglizans, zordi zour li ti pou fini opere. Li ti pou la avek nou. »
Le regard dans le vide, avant d’aborder cette semaine fatidique, il revient sur les 18 derniers mois. Waiza est née en plein confinement. C’était le 20 avril 2020. À sa naissance, alors que Khadiijah a eu une grossesse normale, les Burkuth apprennent que leur bébé a une malformation. Elle souffre du syndrome de Cornelia de Lange et ne compte que deux doigts à la main gauche et un à la main droite. Qui plus est, outre un trou au palais, le bébé, de 1,3 kg a aussi deux trous au coeur. Raisons pour lesquelles les médecins de l’hôpital Jeetoo requièrent un suivi, car pour qu’elle grandisse, il faudra que Waiza subisse plusieurs opérations.
Pendant plusieurs mois, Waiza fait le va-et-vient à l’hôpital, mais à chaque consultation, dit son père, c’est un médecin différent qui « l’ausculte », et ce, sans avoir devant lui son dossier. « Sak fwa zot zis get li, apre dir al lakaz », soutient-il. Si bien qu’alors que son bébé, qui ne grandit pas et a du mal à prendre son lait, ses parents se tournent vers un médecin d’une clinique privée. Ce spécialiste recommande une opération pour insérer une sonde gastrique pour qu’elle soit alimentée.
« Waiza a subi cette première opération en février. En quelques mois, elle est passée de 1,3 kg à 5,4 kg », sourit son père, heureux de raconter comment, en dépit de ses complications, sa fille, qui était devenue le centre d’attraction de la maison, grandissait. « Mon enfant était alitée, handicapée, mais elle faisait la joie de la famille. Son grand frère était très attaché à elle. Et depuis qu’elle était alimentée par cette sonde dans son estomac, mem si li pa ti kapav marse, koze, ni asize, li ti kontan riye ek nou ti pe extra kontan », ajoute Yashine.
« Dan lopital li pou gagn loxizen gratis »
Pour que cet épanouissement soit optimum, le médecin recommande qu’elle se fasse au plus vite opérer du cœur et du palais. « Lorsqu’avec la lettre de recommandation du médecin on s’est rendus à l’hôpital pour voir le médecin traitant de Waiza, ce dernier nous a dit que si l’opération du cœur ne pouvait se faire à Maurice, il fallait attendre février 2022 pour que l’enfant soit envoyé dans la Grande Péninsule. Cela, alors que le médecin du privé a recommandé un early urgent heart surgery », raconte le père. Avec l’espoir de voir grandir leur bébé, les Burkuth entament des démarches auprès de certaines institutions médicales indiennes et obtiennent des réponses positives de deux hôpitaux qui veulent bien la prendre en charge pour l’opérer dans les meilleurs délais. à cour d’argent, la famille se tourne vers les autorités pour la soutenir dans sa démarche. On indiquera aux Burkuth qu’il faudra attendre l’année prochaine. La même réponse est donnée par les autorités policières quant à la demande de la famille pour une collecte de fonds publique.
Si la famille reçoit le soutien généreux d’une ONG, il lui manque toujours beaucoup d’argent pour pouvoir envoyer la petite en Inde. Mais elle ne perd pas espoir et multiplie les démarches. Entre-temps, l’état de santé de la petite Waiza se détériore. « So leker ti pe fatige » et dans le privé, on recommande au couple de lui faire subir, en attendant l’opération du coeur en Inde, une opération de son palais. L’intervention était prévue le 10 novembre. Malheureusement, Waiza a commencé à faire de la fièvre au début du mois. Ce lundi-là, ses parents la conduisent à l’hôpital Jeetoo. « Là-bas, après qu’elle a subi un premier test PCR qui était négatif au Covid, les médecins aux urgences nous ont dit que son cas est grave et du fait que son cœur était très faible, il fallait l’admettre », explique Yashine Burkuth.
Trois tests
PCR négatifs
Ce que les Burkuth refusent, craignant pour la santé de leur petite. Ils préfèrent la conduire à la clinique qui dispose du dossier médical de la petite Waiza. Cependant, à la clinique, lorsque le médecin notent une saturation d’oxygène, il recommande à la famille de se tourner vers l’hôpital pour qu’elle reçoive les soins. Si la famille insiste pour que ces soins soient prodigués en clinique, le spécialiste conseille à la famille de « gard ou larzan pou so loperasion. Dan lopital li pou gagn loxizen gratis. » Immédiatement, ses parents reprennent le chemin de Jeetoo où la petite, qui doit être admise, est soumise à un test PCR qui se révèle négatif au Covid, comme celui subi par sa mère.
« Zot finn ferm lizie… »
Mère et fille sont admises en salle 3.5. Il est 17h. Une heure après, constatant que l’état de sa fille se détériore, Khadiijah appelle les infirmiers pour réclamer qu’on lui procure de l’oxygène comme prescrit par le médecin. Mais le personnel estime que l’enfant est « ok », ça attendra. Lors de sa visite plus tard, le médecin recommande que la petite soit placée en ICU. Avant, cependant, comme sa mère, elle subit un troisième test PCR, qui se révèle toujours négatif. Plus tard, le médecin traitant de Waiza Burkuth depuis sa naissance communiquera aux parents que l’état de santé de l’enfant est préoccupant et que « fini tro tar, so poumon finn gagn infeksion. » Il prévient également les Burkuth qu’à moins d’un miracle, l’enfant pouvait mourir à n’importe quelle heure. « Li’nn dir nou problem kardiak la pou fini li », raconte Yashine Burkuth.
Un peu plus tard, l’enfant est transférée, avec sa mère, toujours après avoir subi un 4e test PCR, au NICU où on lui administre de l’oxygène. Vers 2h20 du matin, la famille apprendra que la petite Waiza n’a pas survécu. Elle est morte à 00h45. « Seki nou finn aksepte. Douloureusement, me nou bizin aksepte parski so lasante pa ti bon », dit son père.
Mais alors que la famille entame des démarches pour les rites funéraires, l’hôpital ne leur remet pas la dépouille. « Nou ti pe panse pou fer lanterman o pli vit, me lopital dir nou bizin atann rapor parski finn avoy esantiyon Candos pou analize », explique Yashine. C’est là qu’il comprend que son enfant a subi un 4e test PCR, cette fois post-mortem. Finalement, ce n’est qu’à 19h40 que les Burkuth obtiendront les résultats d’analyses de la petite qui s’avèrent cette fois « positive au Covid ». « Mo pa gagn konpran. Zot finn refiz donn nou lekor parski swa-dizan mo zanfan ti ena Covid. Trwa test zot inn fer pa ti ena. Zot inn admet li dan trwa lasal kot ena dimounn a-risk, ek ti baba fek ne tou, parski so test PCR ti negatif. Test mo madam ki 24h/24 avek mo zanfan ousi négatif. Kouma aster zot dir Covid sa ? » s’interroge Yashine Burkuth.
Refusant cette étiquette de « mor akoz Covid », ce père de famille crie à la négligence médicale. « Si depi so nesans lopital ti pran kont pou avoy li deor, nou pa ti pou la. Si zot ti asim zot responsabilite, mo tifi ti pou ankor vivan », dit-il. Il m’en démord pas : les autorités sanitaires sont en train de masquer la vérité avec le Covid. « Zot pe pran Covid kouma pretext pou kasiet dokter so fot. Tou sa letan-la zot finn ferm lizie », dit-il.
Amer, il a retenu les services d’un homme de loi pour l’assister dans la plainte qu’il va loger contre les instances hospitalières publiques dans les jours à venir. « Mo aksepte mo zanfan ti malad ek ena konplikasion. Me kifer bizin met so lamortlor Covid. Aksepte zot inn fote », pleure-t-il.