À l’approche du sommet de Glasgow sur les changements climatiques, les nations du monde peaufinent leur dossier. C’est que, à bien y voir, il convient plus que tout de faire bonne figure en témoignant non seulement de notre « bonne volonté » à réduire l’impact du réchauffement, mais aussi, et surtout, en appuyant celle-ci par une liste non exhaustive d’actions concrètes, même si peu ont été prises et beaucoup restent à prendre. Et Maurice, bien entendu, n’échappe pas à la règle. C’est donc avec un volumineux rapport en main que notre Premier ministre, Pravind Jugnauth, flanqué bien entendu de son ministre de l’Environnement, Kavy Ramano, entre autres, s’apprête à s’envoler pour la 26e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques.
Ce rapport sur nos Contributions déterminées au niveau national (CDN) contient, il faut l’avouer, un florilège d’intentions on ne peut plus louables. Ainsi, il y est d’abord question de réduire nos émissions de gaz à effet de serre à hauteur de 40% d’ici 2030, ce qui correspond quand même à un peu moins de trois millions de tonnes de CO2. De même, Maurice annonce son intention d’éliminer totalement l’utilisation du charbon à cette même échéance. Et cela ne s’arrête pas là, puisque le pays affiche aussi sa volonté de venir de l’avant avec une panoplie de mesures environnementales pour des secteurs aussi variés que l’agriculture, la biodiversité ou encore la gestion de l’eau.
Tout cela, on l’a dit, est for… mi… dable ! Tellement que l’on serait même tenté d’en douter. Et pour cause ! Car à y regarder de plus près, on se rend compte que la mise en œuvre de ces actions est assortie de certaines conditions, la principale demeurant bien entendu la question de leur financement. Ainsi, il est estimé (et probablement sous-estimé d’ailleurs) que l’application des CDN coûtera au bas mot USD 6,5 milliards, soit USD 4,5 milliards pour l’adaptation au changement climatique et USD 2 milliards pour l’atténuation des phénomènes extrêmes. Somme qui viendra à la fois de l’État et du secteur privé. Mais pas seulement, puisque le pays espère aussi profiter de sources externes (fonds climats, partenaires et aide de pays développés). Ce qui évidemment ne peut être garanti, rien ni personne, ni encore aucun Etat, ne pouvant en effet être certain que l’on ne se retrouvera pas une fois encore broyé dans une nouvelle crise systémique de type Covid. Question : que fera-t-on si d’aventure nous n’obtenions pas ce que l’on attend des autres ?
Certes, Maurice, en tant que « contributeur » au réchauffement global, pèse un poids insignifiant sur la carte mondiale. Pour autant, cela ne signifie aucunement que nos efforts doivent être amoindris, car devant refléter au final notre niveau de développement, lequel marche de facto avec notre propension à polluer. Aussi peut-on légitimement mettre en doute les promesses annoncées, notamment au regard du peu qui a été consenti chez nous depuis la signature de l’Accord de Paris. Car l’échéance de 2030, c’est dans neuf ans seulement, soit trois ans à peine de plus que ce qui nous sépare de la fameuse COP 21. Autant dire que pour respecter nos engagements, il faudra redoubler d’effort.
La triste réalité, c’est que Maurice a raté le coche depuis un moment déjà. Bien sûr, il n’est jamais trop tard pour bien faire, mais la volonté, si ce n’est la présentation des CDN à l’Onu, ne semble pas vraiment au rendez-vous. Nous sommes, par exemple, bien loin derrière un grand nombre de nations en termes de déploiement d’énergies renouvelables, et ce, alors que nous avons absolument tout pour être une « CO2 Free Island ». L’urgence, pour le moment, est en vérité ailleurs : relancer l’économie, et bien entendu le tourisme avec. Or, qui dit relance, dit croissance. Et qui dit croissance, dit aussi pollution. Du coup, au risque de paraître défaitiste, on voit mal comment nous pourrions atteindre les objectifs fixés si l’on continue dans cette voie.
Maurice n’est évidemment pas un cas isolé. La démarche visant à déposer à l’Onu le rapport le plus proche possible de nos engagements planétaires sera en effet sensiblement semblable aux quatre coins du globe, l’idée étant surtout de présenter une image conforme aux attentes. Avec au final la seule et véritable question d’importance : à savoir ce que, une fois la COP passée, les nations du monde feront de leurs dossiers ! Probablement, une fois encore, iront-ils croupir au fond d’un tiroir !