Rare a-t-il pris autant d’années pour compléter un projet. Pas moins de 3 ans et demi ont été nécessaires à dépoussiérer ce vieux rêve. À 73 ans, Ismet Ganti fait partie de ceux qui ne cessent de surprendre, et de se surprendre lui-même. Ce premier recueil, Poésie, qu’il lancera le 15 septembre regroupe des textes que l’artiste, écrivain et musicien a accumulés de 1969 à 2014. Une poésie différente, riche et ouverte qui raconte sa vision du monde. À Scope, il raconte comment il a ciselé ce bijou bien au-delà de simples vers et proses. Tantôt courts, tantôt très longs, les poèmes d’Ismet Ganti sont écrits avec des mots qui disent peu et beaucoup à la fois.
Poesie d’Ismet Ganti est volumineux. Sa présentation est épurée. Choses qui pourrait étonner venant de cet artiste contemporain dont les créations sont connues pour être très expressives. Aucune illustration. À la place, que des mots sur des pages blanches, et une seule et unique photo pour la couverture et les intercalaires. De ce fait, on y plonge aussitôt. Les images apparaissent au fil des mots. Et Ismet Ganti raconte : “J’ai toujours aimé ce contact de l’encre sur le papier. La pensée s’y révèle et c’est libérateur. La poésie se vit. C’est aussi une manière de vivre, et nous ne sommes pas obligés de tout écrire. L’importance c’est d’avoir cette faculté d’être en poésie”.
Sa passion pour l’écriture de poèmes remonte dans les années 70. À cette époque Ismet Ganti faisait aussi de la musique avec ses amis et ses peintures n’avaient pas été encore exposées. Outre que c’était “hyper compliqué et onéreux” d’imprimer la poésie, il nous confie aussi que “la poésie était devenue ringarde. Quand on parlait de choses jeunes à cette période c’était plus la musique et la peinture qui étaient plus vivantes”. Il trouva préférable de pousser plus dans la peinture tout en continuant d’écrire en espérant peut-être les mettre en musique. Mais, il finit par se rendre à l’évidence que les textes n’étaient pas faits pour ça. Il les accumula alors dans ses tiroirs même si l’artiste vit plusieurs poètes à Maurice sortir des recueils et que le public se montrait réceptif. Ce n’est que trois et demi de cela que l’idée lui revint en tête. D’une écriture aussi ciselée que mûrement réfléchie, il dévoile, à 73 ans, un autre versant de son talent en publiant pour la première fois, une sélection de poèmes représentant pratiquement la totalité de ses textes poétiques. Cumulé depuis 1969 jusqu’en 2014 et « finalement » compilé dans ce recueil intitulé Poesie qu’il lancera 15 septembre.
Ismet Ganti y parle de beaucoup de choses « sauf de moi » précise-t-il en rajoutant : “Je trouve que ce n’est pas intéressant de se raconter ou de parler de soi en permanence. C’est un défaut”. Cependant, il concède qu’il y a des choses à dire et que la manière de le dire est très importante. Ainsi donc, la poésie pour Ismet Ganti c’est un travail. Voire même de la construction. Un bijou à monter bout après bout, bien plus que des vers et des proses. “Il faut en très peu de mots dire beaucoup de choses tout en laissant entendre beaucoup de choses, et que chacun y trouve son compte. Ça doit être vraiment riche et ouverte”. De sa plume, l’auteur accorde beaucoup d’importance au langage, et malgré pas mal de néologisme, il parvient à dire et décrire des choses précises. Les sujets qu’ils abordent sont ceux qui le touchent “personnellement, émotionnellement et intellectuellement”.
Les poèmes d’Ismet Ganti racontent le monde, sa vision extérieure et intérieure ainsi que celle en substrat. Le tout dans un sens un peu philosophique : “Il est impossible de résumer sa vision du monde en sachant qu’il a en a plusieurs c’est-à-dire le monde du réel et l’univers dans lequel nous vivons chacun personnellement, et comment nous l’interprétons”. Sans compter, il considère que le monde réel d’aujourd’hui est devenu complètement artificiel et de plus en plus virtuel. “Je ne dis pas être contre le progrès et la technique mais ils sont utilisés à mauvais escient. Nous sommes en train de rendre le monde réel totalement inutile. Nous faisons tous semblant d’être sérieux dans ce qu’on fait. Or il ne faut pas être sérieux. Il faut déconner, s’amuser, prendre du bon temps, boire et manger, et surtout vivre”.
Ses écrits en anglais et français prennent naissance de ses observations, qu’il couche ensuite poétiquement sur papier, et très souvent, volontairement en abstrait. Des sous-entendus aussi bien que des images qui provoquent des réactions sensibles. Des poèmes qui sont, pour ainsi dire, très imagés et concède-t-il “d’une certaine façon cela rejoint mon univers personnel. C’est une lecture au figuré”.
Le recueil contient plusieurs thèmes comme celui du poème des sables très centré sur le terroir. Il y parle aussi de séga et de blues d’une manière indirecte. Les poèmes sont placés à l’italienne (deux colonnes) et chronologiquement avec des titres génériques. Certains ont des sous-titres, tandis que d’autres des numéros puisqu’ils sont très longs et ont été découpé en plusieurs bouts. Puis, Ie côté créatif d’Ismet Ganti revient à la surface pour surprendre le lecteur. À l’exemple d’Astralites, écrit en 1986, et qui se décline à la fois en anglais et en français. Il se lit à trois reprises : d’abord la colonne de gauche à la verticale ; puis la colonne droite de la même façon; avant de retourner au début pour reprendre la lecture à l’horizontale. “J’aime surprendre les gens mais j’aime aussi me surprendre avant tout”.
Rajouter poète à son parcours déjà bien riche, ce n’est guère indispensable pour Ismet Ganti. D’ailleurs, il considère que ses trois univers – écriture, musique et peinture – sont bien distincts et il y fait des va-et-vient sans aucune préférence : “En fait l’un n’est pas l’illustration de l’autre. Mais il peut y avoir éventuellement un lien car c’est une seule et même personne derrière. Cependant, mes thèmes abordés dans la peinture ne sont pas abordés dans l’écriture et ce n’est fait de la même manière”.
À travers ce premier recueil, Ismet Ganti espère laisser une empreinte de lui. D’autres se succèderont certainement mais en attendant, il travaille déjà sur d’autres projets car “je suis toujours en chantier”. D’ici la fin d’année, ce sera autour d’un spectacle de danse. Il complète d’ailleurs actuellement l’enregistrement de six pièces de musique couplées à six textes en anglais dont un seul sera chanté et les autres en instrumentales pour la chorégraphie.
Le lancement de Poesie est prévu pour le 15 septembre. Une centaine d’exemplaires uniquement seront en vente chez les libraires ou par les réseaux sociaux. Le prix de lancement est à Rs 1000 et celui en magasin à Rs 1500.