Augmentations

— Comment tu fais avec toutes ces augmentations-là ? Moi je passe ma vie à calculer pour économiser

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— Je suis bien obligée de me débrouiller, comme tout le monde, toi. Je tire ici, je mets là-bas, je coupe par ici pour pouvoir garder par là-bas. Si tous les prix ont augmenté, les salaires n’ont pas bougé.

— Et encore, il y a des gens qui ont seulement la moitié de leur salaire ou qui ont perdu leur job avec la crise. Je me demande comment ils font !

— Ma maman me dit qu’on est en train de revenir aux années 80, quand on a été obligé de dévaluer la roupie deux fois de suite.

— Je ne sais pas si on revient aux années 80, mais je peux te dire qu’on ne sait pas du tout où on va à Maurice.

— Heureusement qu’on n’a pas encore été obligé de dévaluer la roupie.

— Qu’est-ce que tu racontes : c’est déjà fait, toi ! Mais maintenant, on ne dit plus dévaluer, on dit déprécier. Dans les deux cas, la roupie perd de sa valeur par rapport aux autres monnaies.

— C’est à cause de ça même que le dollar, la livre sterling et l’euro ont augmenté, alors ?

— Tu as tout compris. Et quand tu ajoutes à la dépréciation – qui a fait augmenter tout ce qu’on importe, c’est-à-dire presque tout – la hausse du prix de l’essence et ce qu’on subit avec le covid et le budget…

— Comment on va faire, toi ? C’est vrai que tout a augmenté. Aujourd’hui, tu ne peux pas faire les commissions du mois avec moins de Rs 3000. Et encore, tu n’achètes pas tout ce dont tu as besoin.

— Rs 3000 c’est bon marché. Moi, à chaque fois que je vais au supermarché, c’est au moins Rs 4000 pour un caddie. Et comme tu dis, je ne prends que le strict minimum. On a déjà coupé les gonazes et le superflu. Maintenant, on mange juste ce qu’il faut et on ne gaspille plus. Ce qui reste du dîner, on le garde pour le déjeuner et ainsi de suite. Sinon, c’est pas possible !

— Et encore là, on ne parle que du supermarché, pas du bazar. On m’a dit que le prix des légumes a terriblement augmenté.

— Et comment ! On se croirait au lendemain d’un cyclone. Les prix n’ont pas pris l’ascenseur, comme on dit, ils ont carrément pris l’avion ! Ma bonne me dit que pour faire des achards de légumes aujourd’hui, il faut au moins Rs 500 pour un grand bol.
— Rs 500 pour faire un bol d’achards de légumes ! Comment tu arrives à ce total-là , toi ?

— On voit bien que ce n’est pas toi qui fais le bazar chez toi.

— Franchement te dire, je n’aime pas aller marchander avec les marchands. C’est mon mari qui le fait en rentrant de son travail. Il m’a dit l’autre jour que c’est plus cher d’être veg que de manger de la viande tous les jours. Il m’a aussi dit que le chutney de pomme d’amour est en train de devenir un plat de luxe.

— Il a bien raison. Laisse-moi t’expliquer pour les achards. J’ai vérifié ce que me disait ma bonne. Figures-toi qu’un chou coûte Rs 150, un chou-fleur Rs 75, une livre de carottes Rs 50, les haricots verts Rs 60 et le piment Rs 50 le quart. Quand tu ajoutes l’huile – qui a augmenté, tes oignons, tes épices, ton gaz et la peine pour éplucher et préparer le tout, tu as largement dépassé les Rs 500 pour un bol d’achards de légumes.

— Si c’est comme ça, le prix des dhool puri et des rôtis augmentera aussi. Les marchands diront que non seulement l’huile a augmenté, mais aussi les légumes pour les achards et currys et la pomme d’amour pour le chutney !

— Tout augmente dans le pays, je dis, même les cas de covid 19 avec l’affaire du mariage de Port-Louis.

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire de mariage-là ?

— Tu n’es pas au courant ? Il y a des gens qui ont organisé un grand mariage avec plus de 200 personnes pendant le confinement, alors que les mariages étaient limités à seulement dix personnes.

— Ils ont carrément violé la loi, alors ? Qu’est-ce qui est arrivé ?

— Un invité du mariage, qui avait le covid, l’a transmis aux autres invités et, du coup, on a eu des centaines de cas de covid et plusieurs zones rouges à Port-Louis.

— C’est à cause de ça même qu’on a fermé plusieurs faubourgs de Port-Louis ?

— Oui, toi ! A cause de quelques irresponsables ! Comme disait mon grand-père, il y a des gens qui sont comme les camarons : ils ont du c… dans la tête ! Mais pour une fois, le ministre de la Santé a eu raison : il va poursuivre les organisateurs du mariage !

— Bien fait pour eux ! C’est vrai, où que tu regardes, il n’y a que des problèmes et des augmentations. Et encore nous, même si on se plaint, on arrive encore à se débrouiller : on coupe ici pour mettre là, on tire par ici pour mettre par là-bas. Mais comment font les autres, ceux qui n’ont pas grand-chose pour survivre, acheter leurs commissions, manger, payer les bills…?

— Ecoute, c’est une question que je préfère ne pas me poser.

— Je me demande comment le ministre des Finances fera avec toutes ces augmentations pour avoir un taux de croissance nationale de 9%, comme il a dit dans le budget…?

— Il faut qu’il aille voir Arvind Boolell.

— Pourquoi ? C’est un expert en économie maintenant ?

— Non. Boolell expliquera au ministre des Finances comment faire pour « arrêté rêver, camarade » !

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