En parler pour sauver des vies. Tel est le thème arrêté par les Nations unies pour marquer, ce 26 juin, la Journée mondiale du trafic et de l’abus des drogues. À Maurice, il y a une décennie, en parler était chose courante. Parce que, justement, il était important de sauver les vies de ceux affectés. Autant les victimes elles-mêmes, leurs proches et parents, ceux qui les encadrent et les accompagnent, notamment les travailleurs sociaux engagés dans les centres, mais aussi des médecins et des politiques.
Avec le changement de régime, depuis fin 2014, un autre “mindset” s’est installé. En parler… certains médias jouent le jeu; d’autres, eux, préfèrent des interventions ponctuelles et sporadiques. Le sujet est encore et toujours tabou, hélas, malgré le fait que l’OMS ait déclaré que les addictions sont une pathologie. Donc, pas un travers, pas une perversion, mais bel et bien une maladie. Et ceux et celles qui deviennent dépendants des substances nocives, que ce soit du Brown Sugar, du LSD, de l’amphétamine, de l’ecstasy, de la cocaïne ou des drogues synthétiques (et on ne sait ce qu’elles contiennent, tant les composantes sont changeantes !), méritent un traitement.
Mais attention, pas uniquement de manière médicale, mais aussi holistique. Soit, une approche globale, touchant à tout ce qui entoure l’humain concerné par cette pathologie, ses relations avec ses pairs, proches et parents, ses aptitudes professionnelles, car il s’agit de remettre l’humain sur ses pieds, en passant par son éducation, son alimentation, ses forces et faiblesses. C’est donc un immense chantier, qui réclame plus qu’une application, plutôt un “commitment”, un sens du dévouement.
Et là-dessus, depuis le changement de régime de 2014, les choses empirent. Cette semaine, le ministre de la Santé, le Dr Jagutpal, a déclaré, à l’occasion de la Journée mondiale du 26 juin, qu’une aile allait être dédiée aux malades des drogues à l’hôpital Brown Sequard. Psychiatre de formation, le Dr Jagutpal est mieux à même de comprendre et réaliser que la place des malades des drogues n’est certainement pas dans une structure où l’on traite des troubles mentaux ! Et pourtant…
Dans la même veine, les exercices budgétaires depuis 2015 font la part belle à la lutte contre le trafic de drogue. Qui est, effectivement, important. Mais en contrepartie, des miettes sont attribuées aux rares centres qui s’attellent au traitement et à la réhabilitation des victimes concernées. Quelle logique ? À notre humble avis, aucune. Dans sa chanson The Drugs don’t work, écrite en 1995, Richard Ashcroft, le parolier et chanteur du groupe britannique The Verve, souligne : « They just make you worse ». Cela traduit exactement ce que subissent les accros des produits : ils ne s’en portent pas mieux quand ils les consomment. Mais l’addiction étant plus forte que leur volonté, ils s’y abandonnent. Et pour les sortir de là, il faut commencer par la parole. Que nos politiques admettent que notre population se laisse, de plus en plus, piéger par ces produits et qu’ils décident de réaliser des études scientifiques pour établir le nombre de Mauriciens touchés, les types de drogue, les tranches d’âge…
Ces données et un changement d’attitude sont prioritaires, surtout dans ce contexte de reprise post-confinement, où toute l’économie est gangrenée et où l’on doit impérativement trouver les moyens de se réinventer, d’insuffler une nouvelle vie afin de pouvoir sortir de la crise et recommencer à vivre.
Maurice a besoin d’une “workforce” en bonne santé. Pas d’une génération de zombies ou de malades. Si nos politiques acceptent cela, on pourra avancer de manière plus productive et concrète !
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