Le ministre des Finances n’a pas de chance. À peine avait-il fini de présenter son deuxième budget qu’il a dû revoir ses chiffres à la hausse. De vendredi à lundi, une somme de plus de Rs 5 milliards s’est ajoutée à l’addition du ministre. Du coup, l’estimation du déficit budgétaire passe de Rs 25 à Rs 30 milliards! Ces plus de 5 milliards sont le montant des dommages et intérêts que le gouvernement doit payer à Betamax pour avoir résilié unilatéralement le contrat qui le liait à la State Trading Corporation.
Une première fois, le gouvernement avait essayé de ne pas respecter le jugement du Centre d’Arbitrage International, sis à Singapour, en faisant appel à la Cour suprême locale. Il sera difficile, pour ne pas dire impossible, au gouvernement de ne pas appliquer le jugement rendu lundi par le Privy Council donnant tort à la Cour suprême. Encore qu’il est déjà arrivé à cette Cour suprême mauricienne de ne pas respecter une décision des law lords. C’est le cas de l’avocat Datta Panday à qui le Privy Council a donné raison contre le Cour suprême en décembre 2008 dans un jugement qui n’a pas encore été, jusqu’à maintenant – c’est-à-dire, treize ans après –, mis à exécution! Il semblerait que Betamax ne se retrouvera pas dans la même situation puisque le gouvernement a annoncé qu’il allait racler les fonds de tiroirs de la STC – reste-t-il quelque chose après les achats pour la covid 19 –, le reste sera fourni par le ministère des Finances.
Est-ce que, comme cela semble être devenu la pratique, le ministère fera appel à la Banque Centrale? Mais comme l’économiste Pierre Dinan le soulignait cette semaine dans Le Mauricien, au final, ce sont les contribuables qui payeront la somme que le gouvernement doit à Betamax. Si la somme est puisée de la poche des 125,000 contribuables fichés à la MRA, il coûtera à chacun d’entre eux la somme de Rs 43,200!
Rs 43,200 pour une mauvaise décision prise dans la griserie de la victoire électorale de 2014 par un gouvernement MSM/PMSD/ML qui comptait pourtant plusieurs avocats dans ses rangs.
Aucun d’entre eux, pas plus que les responsables du State Law Office, ne semble avoir compris que le contrat que Betamax avait signé était en béton armé et que le résilier pour montrer que le gouvernement était « enn grand mari » aurait des conséquences juridiques internationales. Et financières. Ce que les avocats et les conseillers légaux n’ont pas dit au gouvernement vient de se réaliser. Les contribuables auront à faire les frais des pulsions de vengeance politiques du gouvernement MSM/PMSD/ML qui croyait que sa victoire lui permettait tout. Même de ne pas respecter la loi. On peut comprendre que le MSM se sente mal à l’aise après le jugement du Privy Council dans la mesure où même le plus die hard des fans du gouvernement trouvera dur, en ces temps de crise économique, de payer pour les mauvaises décisions prises en 2015. C’est ce qui explique que la blague du député travailliste Shakeel Mohamed de passer une quête pour payer Betamax ait fait un ministre du MSM sortir de ses gongs. Encore que cela semble une habitude de ce ministre de jouer au tapeur, comme il l’a démontré dans le passé.
Mais en dehors de la douleur des contribuables, le jugement du Privy Council vient aussi ajouter à la réputation négative que Maurice commence à se faire au niveau des instances internationales. L’inclusion sur la liste grise signifiait que pour l’Union Européenne, Maurice n’était pas tout à fait clean en ce qui concerne les lois et les instruments pour lutter contre la corruption et le blanchiment d’argent. Le fait que le gouvernement ait résilié un contrat et employé des tactiques dilatoires pour ne pas reconnaître et appliquer un jugement de la Cour d’Arbitrage International donnera raison aux institutions qui ont classé Maurice dans la catégorie des régimes autocratiques.
Pour essayer de détourner l’attention du jugement du Privy Council, le gouvernement a fait voter une motion d’urgence à la majorité parlementaire pour demander au DPP d’ouvrir une enquête sur… la blague du député Mohamed. Il semblerait que le vote des motions d’urgence soit une spécialité de la majorité gouvernementale. Elle l’avait fait pour justifier l’expulsion de Paul Bérenger, Arvind Boolell et Rajesh Bhagwan du Parlement jusqu’à la fin de la session. Mais quand il a été traîné en Cour et s’est rendu compte qu’il allait perdre l’affaire, le Premier ministre a été obligé de lever la suspension. Mais motion d’urgence ou pas, le gouvernement ne pourra pas faire oublier aux 125,000 contribuables qu’ils auront à débourser Rs 43,200 pour une mauvaise décision prise en 2015. Il y a un gros risque que les contribuables s’en souviennent encore en 2024…