Jamais, de toute l’histoire de l’humanité, un virus n’aura occasionné autant de dégâts que ce satané SARS-CoV-2. Alors que nous nous approchons des 200 millions de personnes contaminées, soit une personne sur 39 à travers le monde, et que nous venons de franchir le cap des 3,5 millions de décès liés à la maladie, la Covid fait toujours aussi peur. Certes, nous avons depuis élaboré toute une panoplie de vaccins, bien qu’à l’efficacité variable, mais les dégâts humains sont irréparables, contrairement à l’économie, qui finira (hélas) bien par s’en remettre un jour. « Hélas » car, c’est un fait, c’est bien notre manière de réguler l’ordre du monde qui nous aura plongés dans cette crise sans précédent. Personne ne pouvant en effet nier aujourd’hui que si nous n’avons créé ce virus-là (quoi que !), ses conséquences, elles, ont bel et bien une origine anthropologique.
Nous ne cessons de le répéter : la Covid-19 n’est pas une maladie apparue de nulle part. Quelle que soit l’espèce incriminée (pangolin, dans un premier temps, puis chauve-souris dans un second), le fait est que la transmission du virus de l’animal à l’homme est liée à notre propension à laisser de plus en plus se rapprocher de nous des espèces sauvages, que ce soit en déboisant ou en les traquant en vue d’en faire commerce, entre autres actions qui nous auront menés à la présente crise sanitaire. Et une fois le virus transmis, à le propager à travers la planète entière par le biais de nos échanges de marchandises et nos voyages incessants. Sans cela, le virus serait resté dans la brousse. Et quand bien même il l’aurait quittée, il n’aurait alors affecté qu’une quantité extrêmement limitée de la population mondiale.
Le problème, pourtant, n’est pas nouveau. Avant la Covid, deux autres coronavirus avaient en effet déjà sévi, à savoir le SRAS et le MERS. Avec le SARS-CoV-2, cela fait donc trois virus de cette catégorie à avoir directement touché l’homme. Et lorsque l’on sait qu’il existerait plus de 5 000 coronavirus de nature différente, il y a de quoi avoir froid dans le dos. Et ce n’est pas tout, car, selon les scientifiques du projet Global Virome, et dont l’objectif est de nous prémunir des risques pandémiques, la faune sauvage abriterait pas moins de… 1,7 million de virus encore inconnus, et dont la moitié pourrait affecter les humains. Autant dire qu’il y a là de quoi faire craindre le pire. Ce qui, en soi, est d’ailleurs une « bonne nouvelle », car c’est dans cette même peur que l’on peut puiser la force et l’inspiration nécessaires à revoir la copie de notre système. La logique est implacable : si l’on ne veut plus vivre pareil épisode, il nous faut impérativement changer !
Pour ce faire, il nous faut opter pour un changement radical de notre approche de la lutte contre les maladies infectieuses, lequel passe par un autre changement tout aussi important, en l’occurrence celui de notre rapport avec l’ordre animal en particulier, et la nature en général. Ce n’est qu’à ce prix que nous casserons la chaîne de transmission. Mais sommes-nous prêts à le faire ? La réponse est claire : bien sûr que non ! Où que nous regardions, partout le mot d’ordre est en effet le même : en finir avec ce fichu virus pour relancer au plus vite la machine économique, et donc le système. En d’autres termes, on ne change rien et on recommence !
L’exploitation animale, et donc les traditions à risque, va donc se poursuivre. Sans se soucier des conséquences, donc. Et d’oublier, ce faisant, que la majorité des maladies infectieuses émergentes et réémergentes proviennent d’agents pathogènes zoonotiques, et donc transmis de l’animal à l’homme. Des maladies qui, toutes confondues, mais hors Covid, tuent près de 2,7 millions de personnes par an. À l’instar de la grippe espagnole, qui avait tué davantage que la Première Guerre mondiale, ou encore, de siècles plus tôt déjà, de la variole et de la grippe.
Si nous voulons nous sortir de cette impasse, une seule issue est possible : (ré)apprendre à vivre avec la nature sans chercher à en obtenir à tout prix un retour chiffrable. En finir avec la chasse, l’élevage intensif, le déboisement, l’exploitation des ressources naturelles… Bref, en terminer une fois pour toutes avec tout ce pan de notre économie qui alimente le système, et donc avec le système lui-même. Ce qui ressemble furieusement à une utopie en l’état !