La mort par asphyxie cette semaine de la petite Alia, 14 mois, révolte invariablement plus d’un, et au plus haut point. Ces dernières années, Maurice aura recensé un grand nombre de morts brutales d’enfants. Les cas se suivent et ne se ressemblent pas, et rivalisent de violences et de barbarie. Les circonstances dans lesquelles la petite Alia a trouvé la mort ne sont d’ailleurs pas sans rappeler le meurtre tout aussi atroce du petit Ayaan, 2 ans, en novembre 2020.
Dénominateur commun dans ces deux cas précis : le parent présumé coupable du crime est un toxicomane. Jean Damien Keny Cader, 29 ans, concubin d’Anaëlle Pierre, maman biologique d’Alia, est un usager de drogues, selon les informations qui ont circulé cette semaine via les médias. De même, Sheik Mohammed Ali Ashar Sobratee, 22 ans, compagnon de Nawsheen Beeharry, 26 ans, mère du petit Ayaan, suit un traitement à base de méthadone. D’emblée, pour une grande majorité de Mauriciens, toute personne dépendante d’une drogue (pas de médicaments, mais de produits interdits, comme le cannabis, l’héroïne et la cocaïne) est immédiatement catégorisée parmi « les plus mauvaises personnes » de la société, et ce, principalement par manque d’informations et d’éducation sur ce sujet précis.
Qu’il soit un utilisateur actif de substances illicites ou en phase de désintoxication, qu’il ou elle ait compris et appris de ses erreurs, et aspire à une nouvelle chance, le fait demeure que cette personne est immédiatement et doublement condamnée par la société malheureusement. Cette stigmatisation, autant les utilisateurs de substances nocives que les activistes engagés dans la lutte contre la toxicomanie et les défenseurs des droits humains s’élèvent férocement contre. Il faut savoir que, d’une part, une large partie de la population mauricienne ne maîtrise pas le fait qu’un toxicomane soit un malade. Pourtant, de par la définition de l’OMS, toute forme d’addiction relève d’une pathologie.
Umyad Ebrahim, le présumé « serial killer » de Zaheera Ramputh et de Hema Coonjoobeeharry, bien que pas dépendant à des substances illicites et nocives, souffrirait, lui, de troubles mentaux. Alors bien sûr, qu’ils soient malades ou dépendants de produits addictifs, rien n’excuse les actes bestiaux de ces meurtriers. Les crimes de ces enfants sans défense autant que de ces femmes qui se seraient laissées embobiner par leur agresseur sont en eux-mêmes des actes abjects que rien ni personne n’excusera jamais.
Néanmoins, la prison n’est pas l’unique solution dans ces cas, à notre humble avis. Le temps que passeront ces personnes derrière les barreaux n’arrangera pas grandement leurs conditions, ni ne sera bénéfique aux pathologies dont ils souffrent. Le concept de la réhabilitation, à Maurice, est hélas encore trop méconnu. Mais ailleurs, dans plusieurs pays du monde, qu’il s’agisse de violence conjugale, d’inceste, de pédophilie, de viol en série, de “serial killers” ou d’autres crimes, l’option de la réhabilitation est on ne peut plus sérieusement prise en considération, parce que cela fait partie intégrante de la solution aux problèmes.
Sir Anerood Jugnauth, père de l’industrialisation de notre pays, décédé ce jeudi 3 juin à l’âge de 91 ans, six fois Premier ministre et ancien président de la République, était, à ses débuts, dans les années 80’, en tant que chef de gouvernement, ouvert justement à la réhabilitation, au traitement des victimes. Dans le sillage de l’épisode des Amsterdam Boys, spécifiquement, sir Anerood avait d’ailleurs institué une première commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge Maurice Rault. En parallèle avec son combat acharné contre le trafic, le fondateur de la maison orange veillait à l’époque personnellement à l’émergence et à l’épanouissement des structures d’aide, d’accompagnement et de traitements aux victimes. Mais force est de constater qu’avec les années, son attitude a radicalement changé.
De sorte que, depuis son retour aux affaires, fin 2014, la répression avait été mise en avant, dans les budgets notamment, tandis que le volet réhabilitation, lui, était presque totalement relégué aux oubliettes. Au final, si l’on suit sur une telle lancée, nos prisons déborderont de malades ! N’est-il pas temps, enfin, de changer d’attitude ?