La stratégie de l’affrontement

Il est établi, selon les dernières estimations scientifiques, que pour atteindre l’immunité sanitaire contre la pandémie, un pays doit avoir vacciné au moins 60% de sa population. L’accession à ce statut lui permet de rouvrir ses frontières, de recommencer à commercer et, dans le cas de Maurice, de redevenir une destination «safe», élément primordial pour la relance de l’industrie touristique, un des piliers de son économie. Pour atteindre cette immunité sanitaire, le gouvernement a lancé une campagne pour inciter les Mauriciens à se faire massivement vacciner, avec une communication, comme c’est souvent le cas, mal pensée. Au lieu de rassurer, d’encourager, de créer la confiance en l’efficacité du vaccin, cette campagne provoque, au contraire, des interrogations et une méfiance qui pourrait déboucher sur un rejet. Le principal problème est la «consent form», qui stipul que tout Mauricien souhaitant se faire vacciner doit obligatoirement signer. En la signant, le Mauricien décharge de toute responsabilité légale l’Etat qui a fourni le vaccin, les praticiens qui l’ont administré et même les laboratoires qui l’on fabriqué. Dans un monde traumatisé par la Covid-19, où règne la désinformation médicale, le complotisme en général et scientifique en particulier, la méfiance vis-à-vis des Etats et des fabricants de vaccins, il était tout à fait normal que le contenu de cette «consent form», qui semble être un «variant» administratif mauricien, interpelle. Si, comme l’affirment les ministres, le vaccin est «safe», «sûr et efficace», quelle est la raison d’être de cette «consent form» déresponsabilisant le gouvernement, les praticiens et les laboratoires? Pourquoi prendre une assurance auto pour se couvrir, si les risques d’accident n’existent pas?

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A ces questions posées par des hommes de loi et reprises par de nombreux Mauriciens inquiets, car c’est de leur santé qu’il s’agit, le gouvernement répond à côté. Comme d’habitude. Au lieu de mettre fin à la polémique par des réponses précises, des ministres ont essayé de ridiculiser les questionneurs en parlant de campagne démagogique pour tenter de saper le gouvernement. C’est une rengaine connue qui a été entonnée contre les marches citoyennes, l’opposition et la presse, dénonçant la manière dont les contrats médicaux de plusieurs millions de roupies avaient été attribués à des proches du pouvoir pendant le premier confinement. Au lieu d’expliquer pourquoi le gouvernement a inclus les clauses contestées dans la «consent form», le ministre de la Justice a répondu qu’il fallait l’accepter tel quel pour pouvoir se faire vacciner et qu’il ne pouvait être signé «under protest». Et pour faire bonne mesure, il a déclaré que «si pas agir rapidement, si les Mauriciens ne se font pas vacciner, dimoune pou tombé kuma mlouss! » Mais en même temps, pour ajouter à la confusion qui règne autour de cette question, tous les formulaires encouragent les employés du secteur privé à se faire vacciner soulignent que cette vaccination est volontaire. Franchement, est-ce que cette ambiance de confusion et de méfiance, entretenue par les déclarations contradictoires de certaines membres du gouvernement, va inciter les Mauriciens à se faire vacciner en masse pour atteindre les 60% de la population et l’immunité sanitaire?

La polémique autour de la vaccination est une nouvelle illustration de la politique menée par le gouvernement élu en 2019. Pour faire oublier son faible score électoral, il semble avoir décidé de maintenir le pays en état de campagne électorale permanente en le divisant en deux camps: celui qui le soutient et les autres. Depuis les élections, au lieu d’écouter les multiples interlocuteurs demandant l’établissement d’un dialogue national pour gérer le pays dans cette période troublée au niveau économique, puis sanitaire, le gouvernement a choisi l’affrontement permanent. Même sur une question d’importance nationale qui engage l’avenir du pays, comme la vaccination, le gouvernement joue l’affrontement au lieu de l’apaisement, de l’ouverture et du dialogue pouvant déboucher sur un consensus. Quand donc est-ce que ce gouvernement va se comporter comme celui de l’ensemble du pays? Pas comme celui des 37% d’électeurs qui ont voté pour lui ?

 

 

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