Dans la version figurant sur l’opus Seggae Experience, dans le refrain de Rasinn pe brile, on entend Kaya répéter à chaque fois, après que les chœurs entonnent “Mo pep to rasinn pe brile” : “Fode pa less brile”. Ce dimanche 21, cela fera déjà 22 ans que ce griot précurseur ne donne plus de la voix. Celle-ci s’est éteinte en cellule policière, où elle se trouvait pour avoir admis avoir fumé un joint en public. Ce qui est considéré, dans nos lois, comme un délit.
Est-ce pour autant que Kaya devait être incarcéré à Alcatraz, aux Casernes centrales ? Et surtout, fumer un joint de gandia en public est-il plus nocif que consommer des doses de drogue synthétique ? Ces débats sont déjà engagés.
Mais ce que nous retenons surtout ces jours-ci, c’est que les noms des pères, mères, sœurs et frères, oncles, tantes, cousins et autres proches et amis qui sont victimes de consommateurs de drogues synthétiques s’allonge… à vue d’œil ! Au nom d’Ameenah Futloo, maman qui a péri cette semaine sous les coups de son fils, Altaaf, il ne faut pas oublier ceux qui ont laissé leur vie, ces dernières années, comme Sita Lutchiah, le petit Ayaan Ramdoo, Edward Lajeune, la petite Farida Jeewoth, Bhavish Rosun, qui, sous influence, s’en prend à sa femme et leurs enfants, avant d’être abattu par la police, Mohinee Mohorun, le caporal Lindsay Lapeyre, et la nani de 80 ans, Soopamah Pajaniandy, pour ne citer qu’eux.
Le problème du “simik” est loin d’être un fait nouveau chez nous. Depuis 2013, Le Mauricien a tiré la sonnette d’alarme, avec l’apparition des “C’est pas bien”, “Bat dan latet”, “Wasabi”, “119”, “Ben Laden” et autres. Nos politiques n’y ont accordé que peu d’importance, hélas. Pire, quand Le Mauricien, toujours, évoque en 2015 que des écoliers et jeunes collégiens devenaient les proies des dealers, une dose se vendant alors à Rs 25, l’actuelle VPM, qui était déjà ministre de l’Education à l’époque, ne réagira que mollement.
Le programme de prévention Get Connected, dans certains établissements scolaires, élaboré avec l’aide du Dr Reshad Aubdool, un ancien de l’UNODC, l’ouverture d’une structure d’accueil pour jeunes victimes des synthés à Montagne-Longue, ainsi que l’admission au Brown Sequard Hospital, converti désormais en centre pour victimes de “simik”, et qui ont des capacités réduites cependant, sont les “responses” des deux gouvernements Jugnauth successifs.
La répression se fait, certes. Mais qu’en est-il des programmes d’approche envers la masse invisible qui grandit chaque jour ? Celle qui ne vient pas vers les centres et qui met en péril la vie de tout un chacun, de leurs parents aux anonymes. Est-ce qu’un vaste programme de prévention, d’écoute et de sensibilisation ne serait pas nécessaire ? Et quid des traitements et des alternatives pour ne pas toucher à ces saloperies ! Nada ! Ne nous reste plus qu’à assister, frustrés, à la descente aux enfers de nos enfants… « Zanfan pa kone ki pou swiv… » chante encore Kaya, toujours dans Rasinn pe brile. Que faire pour “pa less brile” ?
Et, parlant de frustrations, il a raison, Pravind Jugnauth. Faut croire qu’on est tous sérieusement frustrés pour descendre par milliers dans les rues, brandir pancartes et banderoles, scander des slogans à tue-tête, le tout sous un soleil de plomb ! Sacrifier un samedi d’un long week-end, où l’on aurait pu aller se dorer la pilule sous un beau soleil à la mer, se détendre avec ses amis et/ou sa famille, tranquille, plutôt que d’aller se couvrir de poussières, de crasse et de sueur dans les rues de Port-Louis…
Probablement qu’on est frustrés de ne pas être de ceux à décrocher des contrats juteux et faramineux. Ou parce qu’on n’a pas les mêmes attributs que ceux qui tournoient autour de Pravind Jugnauth, tels des vautours et des mouches, lui faisant croire qu’il est le meilleur Premier ministre de tous les temps et que tout ce qu’il entreprend est couronné de succès !
On devrait peut-être être super-heureux de vivre dans un pays où tout un pan du littoral a été souillé en résultat d’une gestion gouvernementale exécrable quand un navire étranger a dévié de sa trajectoire et a rendu des centaines de nos compatriotes chômeurs. Oui, il n’y a pas de doute : nous sommes bel et bien frustrés ! Merci, Pravind Jugnauth, de nous le rappeler !
Husna Ramjanally