JONATHAN CHICOT
« Maintenant que j’ai 18 ans, je suis libre de faire ce que je veux ! »
« Depuis que je travaille, je peux me permettre de me faire plaisir »
« Mes parents sont en voyage, donc je suis libre de surfer sur Internet jusqu’à fort tard et maman ne sera pas là pour me crier dessus ! »
« J’ai le droit d’avoir autant de partenaires que je veux »
« J’aime trop le steak pour m’en priver même si le médecin me l’a interdit ! »
« Je suis libre de tricher pendant les examens puisque tout le monde le fait ! »
À entendre toutes ces affirmations, l’on pourrait croire que l’être humain aspire à une liberté qu’il n’entend pas déjà posséder dans l’instant présent, ou qu’il est comme privé de bien l’exercer. La quête constante de cette liberté est une véritable revendication. L’être humain voudrait pouvoir pleinement profiter de ce qu’il croit être la liberté, ce qui donnerait plus de sens à sa vie… selon lui. La question se pose : si ma foi me dit que Dieu m’a créé libre, pourquoi alors ne le suis-je pas vraiment ? Pourquoi ai-je l’impression que ce sont tout le temps les autres qui réussissent leur vie, qui sont vraiment heureux ? Pourquoi je me sens comme emprisonné, frustré ?
Avant de répondre à ces questions, essayons d’abord de définir ensemble le mot « liberté », qui souvent n’est pas très bien compris, assimilé. Raison pour laquelle l’homme court souvent après une fausse conception de la liberté en l’occurrence ! Est-ce que liberté rime avec ‘faire ce que je veux’ sur le moment et surtout sans réflexion ou plutôt faire ce qui peut me rendre vraiment heureux à long terme sans que cela ne soit au détriment de qui que ce soit d’autre ?
L’être humain, même lorsqu’il est immature, a un profond besoin de stabilité… Souvent les personnes que l’on juge avec facilité cachent des fardeaux que Dieu seul connaît. Ces individus ont tellement de blessures qu’ils se jettent à corps perdu dans les choses éphémères. Notre société est malade et elle a avant tout besoin de guérison spirituelle. Certains pensent que la liberté veut dire braver tous les interdits jusqu’à même défier la loi, les règles (comme fumer du cannabis, consommer de la drogue synthétique dans les toilettes de l’école ou encore voler). La liberté s’exprime-t-elle dans tous les excès possibles et imaginables, dans les désirs, dans l’éclatement ? On dit que l’on reconnaît un arbre à ses fruits n’est-ce pas ?!
Prenons un exemple… Avoir une gueule de bois le lendemain d’une soirée ne me rend pas fier de moi, pourtant je suis libre de mes choix, de la quantité d’alcool que je veux consommer ! Je me dis plutôt, je ne me sens pas très bien, j’aurais dû en boire moins. De même que celui qui veut se procurer de l’argent sans faire un travail honnête et qui se retrouve en prison. C’est comme quand on ment ou qu’on regarde du porno, on n’est pas en paix parce qu’on sent intérieurement qu’on n’est pas vrai, cohérent. On a un sentiment de culpabilité. Aucune décision n’est vraiment anodine et les conséquences après coup nous déplaisent trop souvent. Il n’y a rien de pire que de se retrouver comme pris au piège dans la spirale infernale du péché.
Puisque nous avons été créés à l’image de Dieu, être mauvais n’est pas notre condition première. Nous avons une conscience parce qu’il y a justement une part de Dieu en nous qui sait discerner le bien du mal. Cependant, depuis l’aube des temps, la nature humaine est facilement corruptible. Dieu nous a tellement aimés qu’il nous a donné le libre arbitre. Il ne voulait pas obliger ses créatures à l’adorer, il voulait qu’elles l’aiment avec sincérité.
Dans ce monde qui a l’air bien sombre, un espoir demeure. Son nom est Jésus. Il est la plus grande révélation dans l’histoire de l’humanité, car Dieu s’est fait homme pour rencontrer ses créatures. C’est quelque chose qui nous dépasse, mais qui est trop souvent banalisé. Puisque le Christ a déjà converti le cœur de Marie Madeleine, d’un criminel sur la croix ainsi que l’empire qui l’a mis à mort, pour ne citer que quelques exemples, il n’y a vraiment rien qui ne lui soit impossible. Alors que nous sommes tous indignes, il nous a quand même donné sa vie. Le Bienheureux Carlo Acutis a dit : « Trouve Dieu et tu trouveras le sens de ta vie. » Ste-Thérèse de Lisieux a ajouté : « La foi n’est pas une croyance, mais une expérience. » St-Ignace, lui, nous a expliqué que la vie humaine n’avait de sens que si elle était mise au service de Dieu, le seul vrai roi.
À plus forte raison, recevoir vraiment le Christ qui est le Roi des rois, l’Alpha et l’Oméga, le Saint des Saints et ainsi naître de nouveau, réclamer le privilège d’être vraiment « enfant de Dieu », voilà la seule chose qui peut nous sauver. St-Paul a dit : « Je ne fais pas le bien que je veux et je fais le mal que je ne veux pas. » Le péché fait de nous de véritables pantins, voilà pourquoi il nous faut nous en affranchir avec l’aide du Saint Esprit. Mais voilà, Dieu nous aime tels que nous sommes avec nos faiblesses et nos limites.
Pour avoir accès à notre part de miracles, il suffit que notre foi soit comme une graine de moutarde qui se fraye un chemin au milieu des épines. C’est comme cela que nous pourrons porter du fruit. C’est de cette manière que nous connaissons la Parole de Dieu, que nous prions avec persévérance afin que notre Père rétablisse notre condition de baptisés, nous qui sommes le temple du Saint Esprit. Ainsi, Jésus pourra vivre en nous et nous pourrons ressentir l’immensité de son Amour et de sa Miséricorde. « Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais possède. »
Alors pour marcher dans les pas du Christ, comment pouvons-nous utiliser notre liberté ? Savoir se débarrasser de ses rancœurs nous offre la sérénité. Apprendre à gérer sa colère et ses révoltes donne la joie de vivre. Changer son regard sur les autres permet de sortir de sa bulle et de vivre en communion avec les autres, d’avoir de la compassion pour les plus démunis, de partager sans rien attendre en retour.
Jésus lui-même a dit qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir.
Construire sa vie au fur et à mesure qu’on avance avec Jésus nous permet d’encaisser et de nous relever plus fort à chaque étape. Il y a tant de questions auxquelles chacun est appelé à répondre pour soi-même. La liberté, selon moi, va de pair avec la responsabilité. Je suis responsable de ma liberté et celle-ci ne doit surtout pas empiéter sur celle des autres. Et pour pouvoir exercer de manière responsable ma liberté, je dois la connaître, l’apprivoiser. Cette liberté qui n’est pas extérieure à moi mais qui est au-dedans même de moi; la liberté intérieure. La liberté d’être en paix avec soi-même. De respirer, de s’exprimer, de vivre tout simplement. La liberté de vivre avec dignité en respectant mes semblables. La liberté d’être heureux et de rendre heureux ceux que l’on côtoie. La liberté d’aimer et d’aimer vraiment ! La liberté de défendre ce que l’on croit, de dire non à tout ce qui va à l’encontre de ses convictions profondes. C’est la liberté que tout le monde devrait principalement favoriser, prôner.
La liberté s’allie d’autant plus à la vérité et elle ne doit rien faire sans elle. « La liberté sans vérité est mensongère; l’absence de lien moral entre liberté et vérité ne peut produire qu’une forme d’anarchie », disait le Cardinal Sarah. « La vérité vous rendra libres », nous dit encore Jésus. Le péché, ennemi de la vérité, nous rend esclaves et nous enferme dans une culpabilité trop grande. Le péché est le refus de Dieu qui Lui nous a rendus libres pour que nous nous approchions de Lui. Et vivre sans Dieu, c’est quelque part s’éloigner de la liberté, de sa source.
Enfin, que ce temps de Carême, ces 40 jours dans le désert intérieur nous fassent découvrir le vrai sens de la liberté. Faire le jeûne qui plaît à Dieu, c’est avant tout prendre conscience de notre humanité fragile, pécheresse, vulnérable mais, en même temps, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu, et donc capable d’entrer en relation avec Lui. Que ce temps favorable à la conversion nous donne de recourir au Sacrement de la Réconciliation pour faire l’expérience d’une purification en profondeur et revêtir ainsi l’habit de la vraie liberté des enfants de Dieu. Comprenons aussi que l’Eucharistie est d’une importance primordiale, car Christ, qui est vraiment présent dans l’hostie consacrée, communique avec nous dans notre misère pour nous transcender (« Notre Dieu s’est fait homme pour que l’homme soit Dieu ! »). Ayant vécu ce Carême dans le dépouillement et une grande ouverture de cœur, nous pourrons ensuite entrer pleinement dans la joie de la résurrection !
Bon Carême à vous tous !