Alors que les premières 100 000 doses de vaccin contre la Covid sont arrivées à Maurice, notre pays emboîtant ainsi le pas à de nombreux autres pays en cette matière, l’heure est plus que jamais venue de se poser une question d’importance capitale : une fois la crise derrière nous, ou du moins une fois que nous aurons appris à vivre avec, que ferons-nous ? En d’autres termes, reprendrons-nous notre vie où elle semblait s’être arrêtée avant l’arrivée des premiers cas, ou au contraire entamerons-nous un virage sociétal à 180° ? Pour être honnête, cette question avait déjà sa réponse avant même qu’elle ne soit posée, tant il semble évident, à entendre ceux-là même qui nous dirigent (à Maurice comme à l’échelle planétaire), que l’on n’est « pas encore prêt » à changer de système.
Pourtant, que l’on ne s’y trompe pas : même si la Covid restera longtemps gravée dans les mémoires de l’humanité, plus encore que les épidémies passées d’ailleurs, le plus grand défi contemporain est autre, à savoir de trouver le courage d’utiliser les clés qui nous sont données pour ouvrir la porte à des lendemains climatiques meilleurs. Car pour l’heure, le constat est que nous n’avons visiblement aucune volonté de résoudre le problème, du moins tant que l’urgence ne sera pas plus « palpable ». Ce qui est en soi une aberration, car sur le front de l’environnement, les nouvelles sont plus que catastrophiques, que ce soit en termes d’indices de réchauffement ou de pertes de notre biodiversité.
Alors oui, des voix continuent bien sûr de s’élever, et non des moindres. Sauf qu’aucune n’a un réel pouvoir d’action, si ce n’est d’alerter. À l’instar des Nations Unies qui, dans un récent rapport, estimaient (très naïvement, selon nous) que notre avenir climatique peut encore être sauvé. Naïvement pour plusieurs raisons. D’abord parce que, de l’avis des scientifiques, la machine climatique est déjà en surchauffe, et que toute action que nous prendrions dès à présent n’aura pas d’effet immédiat, nous obligeant à nous accommoder tant que possible, et pendant plusieurs décennies encore, de nos négligences passées. Ensuite parce qu’il ne fait pas l’ombre d’un doute que l’économie mondiale n’attend plus que le feu vert sanitaire pour repartir sur les chapeaux de roues et reprendre au plus vite la course à la croissance.
Toutefois, les auteurs du rapport onusien disent espérer que la pandémie « nous servira de leçon », qu’elle sera l’occasion d’une véritable « relance verte ». Malgré sa relative naïveté, le document met quand même l’accent sur des faits bien réels, en l’occurrence que le monde file vers une augmentation de 3 °C de réchauffement par rapport à l’ère préindustrielle, soit bien au-dessus des objectifs de l’Accord de Paris (+1,5 °C à +2 °C). Certes, la pandémie et, dans son sillage, la mise à l’arrêt d’une bonne part de l’économie mondiale auront permis de limiter la casse l’an dernier, faisant chuter drastiquement nos émissions de CO2. Mais il ne s’agit que d’une goutte d’eau dans l’océan. Qui plus est, cette baisse de nos émissions n’aura rien eu d’intentionnel, puisque dictée par le seul virus.
Quoi qu’il en soit, le rapport de l’Onu, tel un nouveau coup de semonce, vient rappeler au monde que l’urgence reste bien présente. Mieux encore, car inédit de la part de cette instance internationale : les auteurs nous expliquent que cette affreuse pandémie pourrait tout aussi bien se transformer en « opportunité ». Que la crise pourrait nous permettre, pour peu que l’on l’accepte, de combiner nos plans de relance à des mesures comprenant des engagements “zéro émission”. « Les gouvernements peuvent encore atteindre l’objectif ambitieux de contenir le réchauffement ! » estime l’Onu.
Mais ne nous leurrons pas ! De notre humble avis, ces mesures seules ne suffiront pas, car impliquant que l’on conserverait quasi intégralement l’essence même de notre économie de marché. Ce qui, en l’état, est incompatible avec nos objectifs climatiques. Cela dit, la voie proposée est certainement la plus facile à mettre en place, impliquant donc quand même un microchangement de paradigme. Au final, qu’importe le chemin que nous déciderons de prendre, pourvu qu’il nous mène à destination. En tout cas, cela vaut toujours mieux que de rester au bord de la route !
Michel Jourdan