Anshita a trois ans. Son grand sourire est porteur d’espoir pour les patients souffrant de fente platine aussi connue comme bec de lièvre. Une malformation des lèvres, du palais, du nez qui touche un certain nombre de Mauriciens à la naissance. Mais, la prise en charge et la sensibilisation laissent à désirer ici. C’est ce qui a conduit ses parents à établir des contacts avec le Dr Shetty de Bangalore où elle a été opérée avant son premier anniversaire. Depuis Medhinee et Karoun Goojha et leurs collaborateurs ont lancé Smile Train Association Mauritius – Cleft Care, pour aider les autres patients. 24 nouveau-nés ont été opérés en Inde grâce au soutien de la Rotary de Grand-Baie et du PWC, et de nombreux autres sont soutenus et encadrés.
C’est peut-être un film d’enfant ou un jeu qui retient son attention tandis qu’elle reste confortablement installée dans le salon familial à Grand-Baie. Bien ancrée dans sa génération, Anshita aime bien s’amuser avec les gadgets électroniques tout comme elle raffole des fast-foods que ses parents lui offrent sans excès pour lui faire plaisir. Sa mère, Medhinee, ne le cache pas : “Comme c’est notre unique enfant, nous la gâtons beaucoup.” Entretemps, la petite de trois ans a quitté le grand canapé pour rejoindre son père, Karoun Goojha, avec qui elle engage une conversation en rigolant. Les propos de sa petite lui sont clairs. Depuis quelque temps Anshita est suivie par un speech therapy afin que la bonne élève qu’elle est dans son école maternelle rattrape rapidement ce petit retard dans la parole après les interventions chirurgicales qu’elle a subies juste après sa naissance.
Aux yeux de sa mère les faits sont indéniables : Anshita est “un ange”, un petit être magique qui apporte “beaucoup de bonheur” dans la maison et les cœurs de ses parents. “Souvent quand je la regarde j’ai peine à imaginer ce par quoi elle est passée. Les petits soucis du quotidien ne sont rien face aux épreuves qu’elle a affrontées.” Elle n’a pas souvenir des deux interventions subies en Inde, mais sa mère lui en a parlé : “Nous ne souhaitons rien lui cacher par rapport à ce qu’elle a vécu. Nous lui avons expliqué qu’elle avait un souci à sa naissance et qu’elle a dû être opérée pour ça.”
Un bébé attendu.
En janvier 2017, la petite Anshita est venue au monde avec une fente labio-palatine. Cette malformation du palais et de la lèvre est aussi connue comme bec de lèvre. Le terme anglais étant cleft lip and palate. Un coup dur pour le couple qui n’y était pas le moindrement préparé mais qui a aussitôt rebondi pour s’adapter afin de veiller à ce qu’Anshita reçoive les soins et qu’elle ait une vie aussi normale que possible. Dans la foulée, l’expérience leur a appris qu’il y a encore beaucoup de méconnaissance autour de cette malformation et que la prise en charge des patients localement souffre de dysfonctionnements.
Les contacts établis avec l’Inde, Anshita n’avait que 11 mois lorsque ses parents enregistrèrent l’ONG Smile Train Association Mauritius, aussi connue comme Cleft Care Mauritius afin de venir en aide à d’autres parents et à leurs proches. En sus du soutien psychologique apporté, l’association présidée par Karoun Goojha, conseille et éduque aussi les parents pour qu’ils puissent s’occuper convenablement des nouveau-nés affectés. Grâce aux liens tissés lors du traitement d’Anshita les patients sont aussi mis en contact avec des médecins spécialisés en Inde. Soutenue par la Rotary Club de Grand-Baie, qui a référé le dossier à l’international, et le PWC l’association a, de 2017 à 2021, financé 24 interventions en Inde. 100% de réussite pour ces bébés mauriciens pris en charge par le Dr Pritham Shetty du Mahaveer Jain Hospital de Bangalore qui a rendu son sourire à Anshita il y a trois ans.
Flot de questions.
Mais pour l’heure, au moment de la photo de famille la petite ne veut pas sourire, intimidée par la présence du visiteur venu écouter son histoire brodée de courage et d’amour. Juste après l’accouchement, même quand son bébé lui avait été déposé sur le ventre Medhinee n’avait pas conscience de la particularité de sa fille. Durant sa grossesse, désirant ardemment qu’un enfant vienne égayer son foyer, elle avait réalisé tous les tests nécessaires. Y compris une échographie en 3D qui aurait dû révéler la malformation. Au moins les parents auraient été informés. Mais, rien ne leur avait été signalé comme cela a été le cas chez plusieurs autres femmes enceintes s’étant trouvées dans la même situation. C’est son époux et le médecin qui lui avaient parlé d’un “petit souci” qu’elle décida d’aller constater plus tard dans la salle des nouveau-nés. “J’y ai vu une infirmière nourrissant un bébé à partir d’un gobelet. Cela m’a touchée sans que je ne réalise qu’il s’agissait de mon bébé.”
Juste après, ce fut le grand choc. “Je me suis assise avec un flot de questions. Je me demandais si elle souffrait, et ce que je devais faire pour la soulager”, se souvient Medhinee. Elle fut réconfortée par l’infirmière avant que le pédiatre ne conseille aux parents de se tourner vers le chirurgien plastique de l’hôpital de Candos. “Malgré les explications nous ne comprenions pas ce dont elle souffrait. C’est une pédiatre de Vacoas qui nous a finalement expliqué ce qu’il fallait que l’on sache.” Anshita était en forme, mais sa lèvre supérieure, son nez et son palais n’étaient pas formés pour des causes qui restent toujours inconnues de la science. Il y avait l’option de Candos, du Singapour, d’Afrique du Sud et d’ailleurs à considérer.
La route de Bangalore.
C’est un ami de Karoun Goojha qui, après des recherches, mit la famille sur la voie du Dr Shetty. Avant d’envisager toute intervention il était primordial qu’Anshita prenne du poids. Chose qui n’était pas gagnée puisqu’il fallait vraiment connaître la technique pour la nourrir, le bébé étant dans l’incapacité de téter sein ou biberon. “Il fallait la nourrir au gobelet, à la seringue ou avec une tétine en silicone que nous avions pu trouver à Maurice.” Les interventions du Dr Shetty par téléphone et visioconférence permirent à la mère et au père de s’occuper du bébé et de veiller à son hygiène. “C’est un élément important à prendre en considération parce que les bébés sont susceptibles de développer des infections au niveau des oreilles si on ne fait pas attention.”
Anshita avait six mois quand, à Bangalore, le personnel médical la prit des mains de sa mère pour la porter jusqu’au bloc opératoire. “Le médecin nous avait rassurés. Mais, c’était dur de la voir partir. Je craignais de ne plus la revoir. Nous avions patienté 40 minutes. Ça a été l’épreuve la plus éprouvante de ma vie.” Les effets de l’anesthésie partis le personnel s’assura que la petite pouvait être nourrie. De là, le suivi médical n’était que formalité. Plus tard les fils sur la lèvre d’Anshita tombèrent. Quelques mois après elle était de retour à Bangalore pour l’opération du palais. Elle avait cette fois 11 mois et les kilos requis. Quelques semaines plus tard elle ses parents étaient en mesure de célébrer son premier anniversaire. “Au final les seules séquelles sont liées à l’anesthésie. Elle prend généralement un retard de trois mois dans sa croissance. Mais tout redevient normal après.”
Anshita va bien. A l’école ses résultats font la fierté de ses parents et l’enfant s’épanouit naturellement sous le regard fier et affectueux de ses parents. Mais Medhinee n’oublie pas les moments de frustration et de doute traversés. “Nous avons été seuls à traverser cette épreuve. C’était peut-être tant mieux parce qu’à Maurice on tend souvent à blâmer injustement la mère qu’un bébé a un souci.”
Apprendre le courage aux autres mères.
Pour toute ces raisons : “A mon tour j’apprends aux autres mères à être fortes et à garder courage.” Depuis que l’association a été lancée de nombreux patients et leurs proches ont approché le couple pour être aidés, soutenus ou conseillés. Au tout départ les autorités concernées ont répondu à Medhinee qu’il n’y avait pas statistiques ou de données sur les patients touchés par cette malformation. C’est le bouche-à-oreille qui les a aidés à lier des contacts, puis une première parution dans la presse a activé les choses. Karoun et Medhinee restent inlassables dans cette mission tout en se rendant compte que la prise en charge à Maurice laisser à désirer et que tout reste à faire pour la sensibilisation à la fente palantine – bec de lièvre.
A neuf ans Anshita subira une nouvelle intervention pour remplacer une dent qui ne poussera pas. Et la vie continuera pour l’enfant pour qui les parents ont de grandes ambitions. Pour sa mère : “Quand elle sera adulte j’espère qu’elle s’engagera à aider son prochain. Qu’elle sache se relever et qu’elle soit indépendante dans la vie.”
Journée portes-ouvertes
Le 28 octobre, la Smile Train Association Mauritius, Cleft Care Mauritius, tiendra une journée portes-ouvertes à l’école St-Exupéry, de Grand-Baie de 14h à 17h. L’occasion sera pour les membres de répondre aux questions du public. Parents et patients seront aussi présents avec un message d’espoir et avec des conseils pratiques. Si le Dr Shetty est venu à Maurice pour rencontrer des patients ces dernières années depuis l’opération d’Anshita il ne pourra être présent cette fois à cause de la Covid-19. Des personnalités du pays et les sponsors ont été invités pour rendre l’action visible.
Facebook : Cleft Care Mauritius