— Hé toi-là, je vais finir par croire qu’il est vraiment né sous une mauvaise étoile
— De qui tu es en train de causer là ?
— De qui tu veux que je suis en train de causer ? Mais du Premier ministre, voyons.
— Pourquoi tu dis qu’il est né sous une mauvaise étoile ? Il est né le jour de Noël, toi.
— Oui, mais n’oublie pas que ce même jour de Noël un cyclone passait sur Maurice.
— Ah bon ? Tu crois que ça a eu une influence sur lui ?
— Si tu regardes ce qui se passe depuis qu’il est PM, on dirait que oui.
— Tu crois dans ces affaires de bonnes et de mauvaises étoiles, des horoscopes tout ça là, toi ? C’est de la foutaise.
— Franchement te dire, non. Mais cependant…
—… cependant quoi ? Ça même je ne peux pas avec toi ça : ta manière de couteau coupe deux côtés là !
— Qu’est-ce que j’ai dit pour que tu m’insultes comme ça ?
— Tu dis que tu ne crois pas pas dans les astrologies, mais que cependant. Comme dit ma bonne : si pan enn garçon, li bizin enn tifi ! Sois claire bonne femme : tu crois ou tu crois pas dans ces affaires-là ?
— Laisse-moi t’expliquer. Je ne crois pas un instant dans ces affaires, je ne suis pas dedans du tout, mais je crois qu’il y des forces dans la nature.
— Ne me dis pas que tu es comme ces hypocrites ki kouma sorti légliz, galoupé alle kot longaniste !
— D’abord, on ne dit plus longaniste, mais traiteur.
— Pour un quelqu’un qui n’est pas dedans on dirait que tu connais bien le vocabulaire ! Admets que tu es dedans.
— Ayo, foutour va : tu es toujours en train de chercher l’ail avec moi, toi hein !
— Ne joue pas bourré avec moi : tu fréquentes les traiteurs toi aussi ?
— Moi, jamais de la vie. Mais je connais beaucoup de gens qui les fréquentent. Et ils disent que ceux qui savent bien regarder et tir lizié sont bons.
— Comment tu peux perdre ton temps avec ces affaires-là. Ils savent regarder quoi ?
— Le destin, l’avenir toi. Et ils savent aussi tirer lizié et le soy, je te dis !
— Ne me dis pas qu’il y a des gens qui croient dans ces affaires-là ?
— D’où tu sors ? Il y a beaucoup plus de personnes que tu ne le crois : des gens importants, dont des politiciens, je te dis.
— Des politiciens, tu dis ? Tu veux dire que le PM lui aussi va faire regarder son destin ?
— Ça ne m’étonnerait pas. Avant une élection beaucoup de politiciens vont tous faire une consultation avec leurs astrologues.
— En tout cas, on dirait que l’astrologue du PM ne voit pas bien clair, il lui faut changer ses lunettes : il n’a pas vu que le PM allait entrer dans une mauvaise période. Tu sais que Ramgoolam l’a surnommé Pravind Captain Soy, parce qu’il n’a pas su prendre les décisions à temps ?
— Oui, j’ai vu ça. Ça même qui s’appelle la boue moque la mare, ça.
— Je ne comprends pas trop ce que tu veux dire.
— Avant de dire que Pravind ne prend pas les décisions à temps, Ramgoolam aurait dû se rappeler l’affaire Kaya et l’inondation à Port-Louis.
— Rappelle-moi un coup ce qui est arrivé dans ces affaires-là.
— Pendant les émeutes provoquées par la mort de Kaya, Ramgoolam a disparu pendant deux jours. Le jour de l’inondation de Port-Louis, il était introuvable. Il devrait éviter de faire certaines déclarations.
— Celui qui a dit qu’il fallait tourner sa langue sept fois dans la bouche avant de parler avait raison.
— Et comment ! Mais il faut admettre que sur un point au moins, Ramgoolam a raison.
— Quel point ?
— Depuis qu’il est Premier ministre, les scandales se suivent et les affaires se succèdent. Mieux : une affaire n’a pas eu le temps de finir qu’une autre a déjà commencé. Pravind est vraiment soy.
— Qu’est-ce qu’il devrait faire selon toi pour faire partir ce soy-là : un carême, un pèlerinage ou un service. Ou bien, comme dit ma bonne, il doit brûler du piment sec autour de sa tête et aller plonger dans la mer pour faire partir le mofine.
— Dis-moi un coup : on dirait que toi aussi tu connais un peu le sujet, hein ! ?
— Mais pas du tout, je ne fais que répéter ce que j’entends autour de moi. On me dit que les astrologues chinois ne sont pas mal.
— A mon avis, c’est pas de ce côté qu’il devrait chercher ?
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Je crois qu’il aurait intérêt à aller voir un traiteur, un bon. Un Malgache de préférence. Il paraît qu’ils sont excellents. On me dit qu’il y a un dans le Sud qui est top même.
— Il est top comme ça ! Dis-moi un coup, tu qui connais tout ça, est-ce que tu ne pourrais pas m’emmener voir ce… ce monsieur malgache-là.
— Toi ? Mais tu viens de me dire que tu ne crois pas dans ces affaires-la, que c’est de la foutaise.
— Enfin, oui je ne crois pas… je ne crois pas trop dans ces affaires-là… mais…
— Mais quoi ? Tu as des problèmes ? Ne me dis pas que tu es soy, toi aussi ?
— Pas du tout. Mais puisque les ministres vont voir les astrologues et les traiteurs, pourquoi est-ce que ne peux pas aller les voir, moi aussi ?
— Franchement te dire, jamais j’aurais cru ça de toi !
— C’est pas pour entrer dedans, mais juste pour voir un coup comment c’est.
J-.CA