Jean-Claude Antoine
On pensait que la mise à la retraite du précédent commissaire de police allait changer les pratiques de la police mauricienne. Au cours de ses premiers jours, le nouveau responsable des Casernes centrales a adopté une attitude totalement différente d celle de son prédécesseur. En commençant par recevoir le président du syndicat des policiers, ce que Mario Nobin avait systématiquement refusé. Quelques transferts et quelques mutations des dirigeants de la force avaient laissé croire que le nouveau boss des Casernes centrales avait une autre vision de la manière d’administrer la police. Et puis deux arrestations ont poussé les observateurs à se demander si, en fait, les Casernes centrales ne se retrouvaient pas dans la situation plus on change, plus c’est la même chose. C’est pour avoir posté des commentaires sur les réseaux sociaux qu’un ancien ambassadeur et une internaute ont été arrêtés. Comme sous l’ancien commissaire, ce sont pour des posts concernant le Premier ministre et une de ses députées que les arrestations ont été effectuées. L’arrestation de l’internaute a été, pour dire le moins, musclée. C’est au petit matin que onze policiers ont fait irruption chez elle pour l’arrêter et la conduire aux Casernes centrales.
Cette internaute avait commis le péché d’interpeller une députée — Best Loser aux dernières élections générales — connue pour ses tentatives de provoquer des buzz qui se retournent contre elle et la ridiculisent. C’est ainsi qu’elle a monté l’opération Je prends le métro qui s’est retournée contre elle quand on a appris que pour arriver à la gare elle s’était fait déposer en voiture par son chauffeur. Les rires ont augmenté quand des internautes ont exhumé des posts où elle faisait campagne contre le métro ! Il y a eu aussi tout récemment son affirmation sur une radio selon laquelle le représentant local de la firme danoise impliquée dans le scandale Saint-Louis était le beau-frère du leader du MMM. Or, il est avéré que le beau-frère du leader du MMM mis en cause par la députée est décédé depuis des années. La Best Loser a porté plainte contre l’internaute, parce que cette dernière l’a traitée, entre autres, d’opportuniste. Or, lors de la dernière campagne électorale, celle qui devait devenir Best Loser avait fait campagne pour une alliance du Mouvement patriotique avec l’Alliance nationale de Navin Ramgoolam. Un samedi matin, le bureau national du MP, dont la future Best Loser faisait partie, a pris la décision que le parti allait contracter officiellement cette alliance. La nouvelle est annoncée par le leader du MP en conférence de presse. Quelques heures plus tard, le même leader fait une autre déclaration pour se renier lui-même en annonçant qu’il avait rejoint l’Alliance mauricienne de Pravind Jugnauth. Celle qui devait devenir Best Loser l’a suivi dans ce qui est le plus rapide changement de camp dans l’histoire de la politique locale.
L’internaute arrêtée au petit matin par un détachement de police l’a été parce qu’elle a traité la députée Best Loser d’opportuniste. Voyons deux définitions de ce terme selon le dictionnaire : « Aujourd’hui, le terme d’opportunisme a une connotation péjorative. Il est utilisé pour désigner, chez des hommes politiques, des changements fréquents de programme ou de position en fonction du rapport de forces politiques, des sondages ou du contexte électoral. » Deuxième définition : « Le Prix Nobel d’économie Oliver Williamson définit l’opportunisme comme un comportement stratégique reposant sur des manœuvres frauduleuses pour obtenir un gain particulier. L’opportunisme peut alors se manifester à travers un ensemble de comportements ou d’attitudes, tels que le mensonge, la manipulation, la triche, le vol, ou la transmission d’informations erronées. » Est-ce qu’en changeant d’alliance politique en quelques heures, est-ce qu’en affirmant que le beau-frère du leader du MMM était l’agent d’un firme danoise, alors qu’il était mort depuis des années, la Best Loser n’illustre pas les deux définitions précédentes ? Est-ce que le nouveau commissaire de police ne devrait pas s’assurer des motifs justifiant une arrestation avant d’envoyer une brigade l’effectuer ? Sinon, ne risque-t-il pas, comme son prédécesseur, de se retrouver en train de dire à un juge : « Je ne sais pas qui a décidé de cette arrestation » ?