BUDGET 2020/21 : Les dossiers ratés du Committee of Supply bâclé

L’exercice des débats budgétaires souffre d’un déficit de transparence et
d’accountability parlementaires

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Le budget, annoncé comme étant équilibré par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, avec l’apport incommensurable de la Banque de Maurice, se résume à un gros déficit en matière de transparence et d’accontability parlementaires. Avec l’étape du Committee of Supply pour le budget 2020/21 bâclée, mardi dernier, en une vingtaine de minutes, alors que d’habitude l’Assemblée nationale consacre en moyenne trois jours pour éplucher les quelque 400 pages des Estimates, des chapelets d’interpellations et de demandes d’éclaircissement resteront en suspens. L’examen en comité du budget constitue une épreuve de vérité pour chaque ministre, appelé à faire preuve de maîtrise des dossiers respectifs, alors que les débats en deuxième lecture représentent un free for all pour les intervenants, peu importe les bords politiques.

Pour l’opposition, l’expression « le crime était presque parfait » mais sans le suspense d’Alfred Hitchcock. En effet, dès que le Speaker, Sooroojdev Phokeer, en maestro au sein de l’hémicycle, avait décrété que « honourable members of the opposition are interdicted from the precinct of the National Assembly », la machinerie politique pour clore les débats sur le budget était enclenchée. Ainsi, tous les chefs de ministère et de département devant collaborer avec les ministres pour le Committee of Supply furent sommés de rappliquer à l’Hôtel du gouvernement séance tenante et sans aucun souci de respect du sacro-saint principe de social distancing.
Et un clin d’oeil, le tour était joué, avec les Budget Estimates pour des dépenses publiques de Rs 132,9 milliards, soit Rs 8,6 milliards de moins qu’en 2019/20, adoptés comme une lettre à la poste. À l’intention de ses lecteurs, Week-End parcourt pêle-mêle ci-dessous les principales dépenses qui auraient retenu l’attention des parlementaires de l’opposition :
Rs 198 millions allouées à l’Independent Commission Against Corruption (ICAC), avec les salaires représentant Rs 170,4 millions. L’ICAC étant « in the limelight » avec la bombe à retardement de Rs 700 millions de la Saint-Louis Gate du Central Electricity Board (CEB), il va sans dire que le bilan de la commission en matière de lutte contre la corruption et le barème salarial pratiqué auraient donné lieu à un foisonnement d’interpellations, d’autant que le Parliamentary Committee de l’ICAC institué après les dernières élections générales ne s’est jamais réuni. Le Premier ministre, Pravind Jugnauth, aurait eu à chercher des réponses dans ses dossiers.
Rs 2,5 millions d’allowance pour le Deputy Prime Minister et ministre des Utilités publiques, Ivan Collendavelloo. À coup sûr, avec la Saint-Louis Gate du Central Electricity Board, l’opposition parlementaire aurait remis une couche lors de l’examen en comité du budget. Au moins un député de l’opposition aurait brandi la motion pour la déduction de la roupie symbolique dans ces allocations, causant un embarras politique au N°2 du gouvernement.
Zéro pointé au budget du Mauritius Examinations Syndicate et à l’item des social benefits des SC and HSC Examination Fees. La COVID-19 est passée dans les institutions du secondaire. La vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun Luchoomun, aurait eu davantage à faire lors du Committee of Supply pour répondre aux interpellations portant sur le nouveau calendrier scolaire avec le report des examens de fin de cycle secondaire à l’année prochaine et la new normal dans le cycle scolaire durant au moins encore cinq ans. En principe, le ministère des Finances accorde un budget de Rs 270 millions annuellement pour les frais d’examens de SC et de HSC, avec très probablement un report du budget de l’année dernière pour les examens de l’année prochaine.
Interim allowance
L’on constate que le Mauritius Examinations Syndicate ne bénéficie pas d’allocations budgétaires, s’élevant à Rs 80 millions annuellement, pour deux ans avec pour footnote que « MES will meet its operating cost for FY 2020/21 and FY 2021/22 from available cash balances ».
De son côté, la Private Secondary Education Authority (PSEA) disposera d’un budget de Rs 4,3 milliards, en légère baisse de Rs 100 millions. De ce montant, les salaires du personnel enseignant et non-enseignant du secondaire privé représentent un peu moins de Rs 4 milliards.
Rs 1,1 milliard sous forme d’interim allowance par rapport à la révision salariale du Pay Research Bureau (PRB). Ce même montant est inscrit pour les deux exercices financiers subséquents, soit jusqu’au 30 juin 2023. Faute d’explications formelles du gouvernement, les 58 510 fonctionnaires en poste et sans compter les employés des corps paraétatiques sont dans l’obscurité la plus totale quant à la date de publication du rapport du PRB ou si encore la promesse électorale de l’Alliance Morisien au sujet de la date d’application du 1er janvier 2020 tient toujours. Une interpellation lors du Committee of Supply aurait permis de « set the record straight ».
Long overdue
Zéro sou à la Commission électorale à l’item de la tenue des élections en 2020/21 interpelle vu que les villageoises reportées par la loi Daureeawoo sont « long overdue ». Plus grave encore, aucune indication du budget pour les villageoises et les municipales ne figure dans les Estimates pour les exercices financiers 2021/22 et 2022/23. Le Commmitee of Supply aurait constitué l’occasion pour mieux assimiler les intentions du gouvernement en matière de démocratie régionale au moins.
Rs 35,1 milliards de social benefits, en hausse de Rs 10 milliards par rapport au précédent budget, auraient dû ouvrir la porte lors du Committee Stage à des questions pertinentes sur la réforme de la pension avec l’introduction de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) de Padayachy, en vigueur à partir du 1er septembre prochain. Mais cela ne pourrait être que partie remise vu que le budget supplémentaire de mardi fait état de la nécessité d’avaliser des dépenses additionnelles en 2019/20 de Rs 5,1 milliards pour le compte du ministère de la Sécurité sociale avec la révision à la hausse de la Basic Retirement Pension (BRP) à partir du 1er décembre dernier.
Rs 380 millions de loan pour Metro Express Limited au budget du ministère du Transport. Une aubaine parlementaire ratée pour faire le point sur les six premiers mois d’opération du Metro Express et des questions sur la rentabilité de ce système de transport public et les répercussions sur les opérations des compagnies de bus. Ce ne sont pas les seules dotations dans le budget pour Metro Express Limited.
La reprise des travaux en vue de relier Rose-Hill à Curepipe imposera un financement de Rs 5,7 milliards de la ligne de crédit accordée par l’Inde de même que Rs 600 millions sous forme d’equity purchase par le gouvernement. Ces montants s’ajoutent à un autre prêt de Rs 220 millions déjà accordé à Metro Express Limited « to meet its initial operating costs » et faisant l’objet des estimates of supplementary expenditure pour 2019/20 à l’agenda de la séance parlementaire de mardi prochain.
Rs 50 millions pour les dépenses au sujet de l’archipel des Chagos. Ce même montant figure invariablement dans le budget de 2019/20, de même que pour chaque exercice jusq’au 30 juin 2023. Mais aucune indication quant aux projets susceptibles d’être financés par ces dotations budgétaires ou quant aux préparatifs pour ce déplacement en bateau aux Chagos maintenant que la carte géopolitique du monde de l’Organisation des Nations unies a éliminé toute inscription de British Indian Ocean Territory (BIOT). Des fonds réduits de Rs 7 millions à Rs 6 millions sont consacrés au financement du Chagossian Welfare Fund.
Rs 145 millions pour l’Outer Islands Development Corporation, instance qui assure la gestion de l’archipel d’Agalega, alors qu’une somme de Rs 400 000 est prévue pour l’Agalega Island Council. Par contre, un silence radio Lakaz Mama est entretenu dans le document du budget sur les travaux de développement confiés à la firme indienne Afcons Infrastructure Ltd à Agalega. Nulle part dans les Budget Estimates et le Budget Speech mention est faite de dotations budgétaires pour les projets de la piste d’atterrissage et d’infrastructure dans l’archipel.
Et pour conclure, comment oublier le volet de logements sociaux avec le target de 12 000 unités annoncé dans le budget et la polémique qui suit le ministre du Logement, Steven Obeegadoo, comme son ombre avec l’éviction des squatters, ou encore les Rs 9 milliards destinées au National Carrier, alors que le plan de dégraissage du personnel d’Air Mauritius « up to 50% » est déjà en phase active…

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