Gaël ETIENNE
Après toutes ces semaines passées chez soi, à entrevoir une nature reprendre ses droits ; à porter ses réflexions au-delà de l’enfermement ; à accepter tant bien que mal nos politiques prendre des décisions qui impacteront nos vies, que restera-t-il de notre Humanité ? Que restera-t-il de tout cela ? Pendant que des messages porteurs d’espoir défilent sur nos comptes Facebook, Instagram ou Linkedin, serions-nous trop optimistes pour réellement croire que notre monde changera le cap de sa destinée ? Serions-nous trop optimistes pour nous laisser porter par une utopie d’un monde nouveau ?
Nous agissons souvent avec égoïsme et cupidité. Aujourd’hui, ce confinement entre quatre murs nous amène à repenser les cloisons de nos vies. Cette prison que nous nous sommes construite pour ne pas nous laisser transporter au-delà de notre cellule. Ces barrières invisibles qui sont toujours et en tous lieux présentes en nous et autour de nous. Par cloisons ; par prison ; par barrières ; entendons ici la situation où l’être humain ne se limite qu’à sa propre personne. Nous nous sommes asservis au pouvoir, nous sommes devenus les esclaves d’une société qui n’a que faire de ceux qui vivent au-delà de notre cours ; de ceux qui sont dans la précarité. Certains ont des millions en banque quand ils souffrent d’une précarité familiale. D’autres ont de l’amour plein les poches quand ils souffrent d’une précarité de savoirs. Quand d’autres encore ont familles et amis, mais pas un sou pour nourrir leurs proches. Nous nous arrêtons à notre situation. Nous nous arrêtons à cette cage qui isole notre cœur et notre pensée du reste du monde. Rien ne semble changer entre la situation d’avant et celle d’aujourd’hui.
Que restera-t-il de notre Humanité ? Que restera-t-il de tout cela ?
Demain nous nous sortirons de ce triste cauchemar, et la vie reprendra son cours. Dans cette phrase que peut représenter cette période de nos vies, cette pandémie ne sera qu’une simple virgule. Le monde intrépide dans lequel nous vivons se lancera dans un énième plan de sauvetage de la Finance reine. Des milliards, ô combien nécessaires, seront injectés dans nos économies comme cette huile qu’on met dans un moteur pour relancer la machine. Au lieu de promouvoir une agriculture biodynamique et locale, l’agriculture industrielle réaffirmera son droit à éradiquer la faim dans le monde alors que le nombre de personnes souffrant d’inanité n’a cessé d’augmenter ; alors qu’un tiers de la nourriture est mis aux poubelles ; alors que les pesticides sont parties prenantes de nos vies ; et que par-dessus tout, le prix des matières premières agricoles sera décidé au bon vouloir des marchés financiers et de la spéculation qui va avec. Si on affirme que la nourriture répond au besoin primaire de l’Humanité, l’Homme avide du malheur des autres, spéculera in fine sur la capacité de l’Être humain à survivre…
Que restera-t-il de notre Humanité ? Que restera-t-il de tout cela ?
Qui de nous, se refusera d’accourir dans les centres commerciaux pour assouvir un désir de renouveler sa garde-robe ? Alors que nous savons l’impact environnemental de cette consommation sur la planète. Qui de nous, se refusera de sauter sur le dernier Smartphone ? Alors qu’aucune avancée technologique notoire n’aura été observée ; alors que des familles entières meurent en République Démocratique du Congo pour extraire cette pierre si précieuse (coltan) qu’on retrouve dans nos smartphones et qui fait le bonheur de ceux qui se croient « évolués » ; de ceux qui se croient intégrés dans une société en pleine explosion. Pas si « smart » le portable ! La faute aux politiciens corrompus ! La faute à la perversité de certains Hommes d’affaires ! La faute à nous, société, qui en toute conscience des choses, continuons malgré tout à soutenir un modèle qui met à mal d’autres populations. Nous le sommes ! Enfermés entre quatre murs… Enfermés dans notre manque d’abnégation, de renoncement, d’altruisme ! Ironiquement, applaudissons… Rendons hommage ! Postons des vidéos de Denis Mukwege (Prix Nobel de la Paix – 2018) qui donne sa vie à réparer ces mères, ces sœurs, ces filles abîmées par des Hommes ; abîmées par le revers de notre consommation ; abîmées par notre schizophrénie meurtrière.
Que restera-t-il de notre Humanité ? Que restera-t-il de tout cela ?
Mais pourtant, des initiatives ici et là prennent de plus en plus d’ampleur en ces temps que l’on sait difficiles. Des voisins faisant les courses de première nécessité pour les plus âgés ; des entreprises changeant leur corps de métier pour fournir les hôpitaux en ventilateurs, gel, masques ; des circuits courts remis à l’ordre du jour pour faciliter l’approvisionnement en denrées élémentaires ; des cours en tous genres à la portée de ceux qui le peuvent ; des collectes de fonds pour venir en aide au secteur informel, pour venir en aide aux plus démunis. Tant d’initiatives qui révèlent cette partie de nous qui est amour et bienveillance. Tant d’initiatives qui mettent aux oubliettes notre égocentrisme et notre appétit exacerbé pour ces choses qui détruisent chacun d’entre nous. Laquelle de nos deux facettes choisissons-nous d’offrir à notre Terre ? Resterons-nous dans le mépris de notre prochain ? Resterons-nous dans le mépris de notre amour et de notre bonté ? Sortirons-nous de cette prison qui nous a isolés toujours plus de la triste vérité qui nous entoure ?
Que restera-t-il de notre Humanité ? Que restera-t-il de tout cela ?
Aussi raisonné et conscient que nous le soyons, ce choix, dès aujourd’hui, nous appartient.