Post Confinement : La hantise de « laport biro travay » avec la clause 72 A de la WRA

120 employés de l’hôtel Angsana Balaclava dans le flou avec la décision de fermeture « temporaire » de l’établissement

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Les bureaux de l’Emploi pris d’assaut

Avec le déconfinement total depuis lundi, les licenciements tant redoutés après la COVID-19 (Miscellaneous Provisions) Act se multiplient. Les bureaux du ministère de l’Emploi, dans les régions ainsi que le siège du ministère du Travail à Victoria House à Port-Louis, sont pris pris d’assaut. « Kot biro travay? Kot Victoria House ete? » Telles sont les expressions qui hantent de plus en plus les Mauriciens, qui sont conscients que leurs emplois sont de plus en plus menacés, soit le spectre d’avoir à franchir « laport Biro Travay »‘. Les licenciés viennent du secteur du tourisme, dont des agences de voyages, des tour-opérateurs et des Service Providers, mais aussi des magasins. Tous disent leur détresse et pestent contre les changements apportés aux lois du travail, soit la clause 72 A de la Workers Right Act, une arme fatale contre leur gagne-pain au quotidien. Le drame est palpable. Dans le secteur de l’hôtellerie, après les « mesures drastiques » annoncées sans ambages par le groupe Beachcomber, c’est l’hôtel Angsana Balaclava qui se prépare à une « fermeture temporaire ». Environ 120 employés sont dans le flou et ne savent s’ils conserveront leur emploi.

Le visage fermé, ce couple habitant le Nord attend impatiemment de rencontrer les inspecteurs du Travail afin de discuter du sort qui leur est réservé, après que l’hôtel Angsana Balaclava leur ait annoncé la fermeture temporaire. Ils ne savent pas encore s’ils seront licenciés ou mis sur le “leave without pay”. Dans une lettre qu’ils ont reçue en début de semaine, il est dit que l’hôtel reprendra ses activités aussitôt que la situation le permettra et qu’il sera alors en mesure d’accueillir les “guests and team members”. Une situation des plus ambiguës déplore le couple, d’autant que les salaires pour le mois de mai n’avaient pas encore été versés. Cet établissement faisant partie du groupe Banyan Tree, en partenariat stratégique avec Accor Hotels, qui compte également des établissements à Maurice. Il reste à déterminer si cette décision de fermeture aura un effet boule de neige sur les autres établissements.

Déjà, d’autres opérateurs ont pris la décision de licencier tout simplement après les deux mois et demi de confinement. C’est le cas notamment pour ce tour-opérateur dans le secteur depuis neuf ans, qui a licencié 50 membres de son personnel sur un total de 69 personnes. L’un d’eux témoigne : « Cela fait sept ans que je travaille pour la compagnie. Lundi, quand j’ai repris le travail, j’ai reçu ma lettre de licenciement. C’était un choc pour moi. La compagnie m’a proposé un mois de salaire, le remboursement de mes Annual Leaves, ainsi qu’un boni au Pro-Rata sur les cinq mois de l’année. On m’a demandé de m’inscrire au Workfare Programme. » Estimant que le tour-opérateur a été suffisamment Fair envers elle, alors qu’elle aurait pu être renvoyée sans le sou, elle n’a pas voulu révéler le nom de la compagnie. Maintenant, dit-elle, il faudra entamer les procédures pour bénéficier d’un soutien sous le Workfare Programme, en attendant de trouver un autre emploi.

Situation similaire à l’agence de voyages Shamal Travel, où huit personnes sur la vingtaine d’employés ont été mises à la porte. Depuis plusieurs jours, les jeunes filles multiplient les démarches pour obtenir leurs salaires de ces trois derniers mois, encore impayés. « On peut bien comprendre que la compagnie est dans une situation difficile, vu qu’il n’y a pas de touristes, mais au moins, qu’on nous paye nos trois mois de salaire. Le mois de mars, nous avons travaillé jusqu’au 19, mais nous n’avons pas été payées. Le gouvernement a également dit qu’il allait assurer les salaires pour les deux autres mois, mais la compagnie ne nous a rien données, » font-elles comprendre avec le regard perdu dans le vide.

Ce qui irrite le plus ces licenciées, c’est qu’elles n’arrivent pas à trouver le soutien nécessaire auprès des autorités compétentes. « Nous sommes partis cinq à six fois au bureau du Travail dans notre localité, mais on n’a rien fait. Nous sommes venues à Port-Louis dans l’espoir de trouver une solution, et ici, on nous a envoyé d’un bureau à un autre. Nous sommes traitées comme des chiens errants. On aurait dû avoir un Help Desk au ministère pour nous écouter, étant donné toutes ces personnes qui perdent leur emploi ces jours-ci », déplorent-elles.

Un jeune homme, travaillant dans la comptabilité pour un Service Provider dans les activités nautiques, a également été licencié. Il dit ne pas comprendre comment d’autres collègues entrés après lui ont été maintenus à leurs postes. « Les inspecteurs m’ont dit que la compagnie n’a pas respecté la règle du Last In First Out et m’a conseillé d’aller rapporter le cas au Redundancy Board, car c’est un cas de Unfair Dismissal. C’est ce que je vais faire mais je ne sais pas ce qui va se passer. » Sa mère, qui l’accompagne, est très amère envers le gouvernement devant la situation. « Je dis merci au gouvernement car mon fils est sans emploi aujourd’hui. On est venu avec une loi qui donne la possibilité aux grandes compagnies de licencier. Les travailleurs n’ont plus de droits, » souligne-t-elle.

La clause 72 A de la COVID-19 Omnibus Act revient en effet sur toutes les lèvres. Comme un leitmotiv. Une ex-employée d’un magasin spécialisé dans la vente de téléphones portables raconte comment elle a été licenciée après avoir travaillé de son domicile pendant deux mois et demi. « Pendant le confinement, on m’a demandé de faire de la publicité, de m’occuper du marketing. J’ai fait tout cela de chez moi, et quand je suis partie au magasin le dimanche matin, j’ai eu ma lettre de licenciement. Je trouve que c’est injuste, tant on m’a fait travailler pendant le confinement. On m’a proposé un boni au pro-rata sur les six mois de l’année » confie-t-elle avec amertume.

Malgré sa colère, elle ne veut pas citer le nom du magasin, qui compte sept succursales à travers l’île, car elle garde encore espoir de pouvoir se faire justice. « Les officiers m’ont dit qu’il n’y a eu aucune demande de licenciement faite par la compagnie. Donc, pour eux, c’est un licenciement injustifié. » Quatre personnes au total ont été licenciées par ce magasin.

La file d’attente au ministère du Travail est longue. Les cas vont du licenciement aux salaires impayés. Ces derniers cas ont été répertoriés dans le secteur de la construction et le service d’entretien, notamment. Les employés sont remontés et parlent d’abus de la part des employeurs avec la bénédiction de la COVID-19 (Miscellaneous Provisions) Act.
Au ministère du Travail, on ne tarde de commenter en public que devant les dernières tendances, la situation pourrait aller de mal en pis dans les jours à venir à moins que le Grand Argentier ne détienne la formule magique aléatoire avec le Budget Speech du jour…

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