Meurtre de Jean Cael Permes : Exécution sommaire à la prison de La Bastille

L’ONG Dis-Moi réclame la démission du commissaire des prisons,
Vinod Appadoo, pour violation des droits humains en milieu carcéral

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Depuis la soirée de mardi, la Major Crime Investigation Team (MCIT), menée par l’ASP Seebaruth, tente de démêler l’écheveau de ce qui se présente comme une exécution sommaire à la prison de La Bastille, à Phoenix. Jean Caël Permes, âgé de 29 ans, de Cité Sainte-Claire, avait été retrouvé inerte et à moitié nu portant de profondes blessures sur son corps dans la cellule No 1 à la Prison de La Bastille. En détention provisoire depuis le 16 mars pour le délit de Damaging Property, il avait fait l’objet d’un transfert à Phoenix ce même jour. En attendant de cerner l’identité du commanditaire et les circonstances de ce règlement de compte atroce, les limiers de la police ont procédé à l’arrestation de quatre Prison Officers faisant partie de la Correctional Emergency Response Team (CERT). Les Lead Prisons Officers Roopendra Ramkisson, Beerajsingh Jankee, Gowtam Ramtohul, tous âgés de 42 ans, et le Prison Officer Yuvenesh Sacarah (30 ans) avaient assuré l’escorte pour le transfert de ce détenu dans le véhicule immatriculé 130 RM 10. Une charge provisoire de meurtre a été logée contre eux, alors que l’ONG Dis-Moi réclame la démission du commissaire des Prisons, Vinod Appadoo, pour “violation des droits humains en milieu carcéral”.

Les quatre officiers de la prison, parmi les dernières personnes à avoir côtoyé le détenu Jean Caël Permes encore vivant, n’ont pas été en mesure de fournir des explications cohérentes sur des traces de sang dans le véhicule de la prison ayant été utilisé pour le transfert du détenu. Par ailleurs, face aux questions des enquêteurs lors de leur interrogatoire en fin de semaine, ils étaient dans l’incapacité d’affirmer si la victime avait été blessée avant son départ de la prison de Beau-Bassin. « Nou’nn gagn instriksion pou al kit prizonie La Bastille », ont-ils dit tout simplement.

Les Prison Officers ont par ailleurs allégué qu’en cours de route, Jean Caël Permes ne s’était « pas senti bien » et qu’en direction de Phoenix, ils avaient préféré poursuivre leur chemin plutôt que de retourner à l’hôpital de la prison de Beau-Bassin. Ces quatre Prison Officers ont en outre nié avoir torturé la victime. Leurs explications n’ont cependant pas convaincu l’équipe de l’ASP Seebaruth. Raison pour laquelle ils ont été arrêtés, inculpés et placés en détention provisoire après leur comparution par voie de visioconférence au tribunal de Curepipe.

Avec les premiers éléments versés dans le dossier d’enquête, les limiers de la MCIT ont aussi confirmé qu’aucune donnée n’est disponible dans les log books de la prison de Beau-Bassin quant à une demande de Jean Caël Permes pour des soins médicaux. Ce qui confirme, selon la MCIT, qu’il n’avait aucun problème de santé avant son départ pour La Bastille. Par ailleurs, les enquêteurs s’interrogent sur la décision de la direction pénitentiaire d’utiliser un van pouvant accueillir 15 personnes pour transporter un seul détenu, alors qu’un 4×4 aurait amplement suffi à cet effet.

À ce stade, la thèse la plus plausible retenue par la MCIT porte sur un acte d’agression préméditée ou un acte spontané. Concernant la première hypothèse, les enquêteurs sont en présence d’informations à selon lesquelles Jean Caël Permes avait eu une vive altercation avec un haut gradé de la prison lors de son dernier passage à la prison. La victime avait même insulté ce dernier dans un commentaire posté sur Facebook en mentionnant le nom de ce haut gradé.

Les dessous de cette affaire sont actuellement élucidés évitant à ce stade toute conclusion hâtive, même si les éléments de la CERT s’obstinent à plaider l’ignorance par rapport aux blessures mortelles subies par le détenu Permes. À ce stade, la MCIT compte solliciter un Judge’s Order pour passer au crible les mémoires des téléphones cellulaires des principaux protagonistes pour tenter de confirmer ou d’infirmer l’éventualité d’un complot pour un règlement de comptes.

“Prone position”
D’autre part, l’hypothèse d’un incident survenu durant le trajet entre Beau-Bassin et La Bastille n’est cependant pas encore à écarter. Toutefois, la MCIT attend toujours de procéder au visionnement des images des caméras de Safe City afin d’établir si le van 132 RM 10 s’est arrêté ou non en chemin. La découverte de cette sinistre affaire remonte à mardi vers les 20h50, quand le Principal Prison Officer en poste à La Bastille avait alerté la police. Jean Caël Permes était sans vie dans la cellule No 1, “lying on a prone position on a mattress”. Le matelas était trempé, de même que le sol de la cellule. Le médecin de la prison, le Dr Maudarboccus, a certifié le décès sur place.

Entre-temps, la MCIT, avec la collaboration de la Criminal Investigation Division de la Central Division, ont également interrogé 13 détenus incarcérés à La Bastille, nommément Peroumal Veeren, Jean Jacques (Gro) Derek, Kusraj Lutchigadoo, Siddick Islam, Christopher Perrine, Sitaram (Vishal) Shibchurn, Jeff Donovan, Michael Vincent Hosseny, Alain Jerry Vilbrun, Naseeruddin Tengur, Mervin Alexis Louis, Rupent Arnaldus Bothma et James Acron Matthew. Tous ont affirmé aux enquêteurs ne rien avoir remarqué de suspect dans l’après-midi ou la soirée de mardi, ce qu’ils ont expliqué par le fait qu’ils étaient placés en « isolation cell » et que, de ce fait, ils ne pouvaient rien entendre de ce qui se passait à l’extérieur ou dans la cour de l’établissement.

Par ailleurs, une équipe de la National Human Rights Commission (NHRC) a inspecté la cellule de Jean Caël Permes à Beau-Bassin et à La Bastille avant d’ouvrir ensuite une enquête indépendante de celle menée par la police. La NHRC fera ensuite part d’une série de propositions visant à améliorer la condition des détenus.

Dans un autre volet, la Cybercrime Unit de la police a initié deux preliminary inquiries distinctes après le décès de Jean Caël Permes. La première concerne les photos de la dépouille de la victime lors de l’autopsie, qui ont été diffusées sur les réseaux sociaux. La police s’intéresse à un professionnel du barreau qui avait déjà été convoqué par le CCID dans le passé pour avoir diffusé les photos de suspects, tout en faisant allusion à des actes de brutalité policière.

La deuxième affaire concerne un « clip » qui aurait été tourné à Cité Sainte-Claire jeudi soir, et où l’on voit deux personnes sur un camion lançant des liasses de billets à des habitants à l’extérieur de leurs maisons en plein couvre-feu, et ce, alors que se déroulaient dans le même temps les funérailles de Jean Caël Permes. La Cybercrime Unit souhaite savoir si cette scène s’est bien déroulée jeudi soir avant de prendre des actions pour « breach of curfew order ».

Pour rappel, Jean Caël Permes et le présumé trafiquant de drogue John Brant Vivien, dit « Al Capone », faisaient partie de deux bandes rivales. Ces dernières s’étaient déjà plusieurs fois affrontées à coups de sabre dans le passé afin de pouvoir obtenir le contrôle du marché de la drogue dans leur quartier.

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