Une difficulté majeure: de nombreuses familles n’ont pas accès à toutes les chaînes de la MBC
Nouvelle expérience virtuelle pour les enseignants et les élèves
Les cours à distance ont démarré hier matin pour les élèves des cycles primaire et secondaire. Si pour certains, cela a permis de se reconnecter aux études, d’autres sont restés sur la touche, faute d’avoir accès aux chaînes nécessaires. Au secondaire, malgré la grogne au départ, par rapport à la sécurité des données personnelles, les enseignants se sont tous mis au travail. Des démarches sont aussi en cours pour que les enfants qui n’ont pas les moyens puissent disposer des outils nécessaires pour suivre leurs cours.
Pandémie de COVID-19 oblige, l’école a repris ce matin, de manière virtuelle, pour les étudiants du primaire et du secondaire. Après deux semaines de repos forcé, ils ont dû sortir livres et cahiers pour les premiers cours. Pour Sarah, dont la fille est en grade 5, c’est une bonne initiative, afin que les enfants ne restent pas inactifs trop longtemps. « Pour être franche, je trouve que les cours à la télé sont très basiques, mais je préfère quand même qu’elle trouve de quoi s’occuper au lieu de rester là, à ne rien faire. Je vais faire de mon mieux pour essayer de compléter les cours avec quelques devoirs », fait-elle comprendre.
D’autres n’ont pas eu cette chance, car c’est un fait aujourd’hui que beaucoup de ménages n’ont plus accès à toutes les chaînes de la MBC, étant abonnés aux chaînes satellitaires. Une mère témoigne ainsi : « Mon fils est en grade 6 et le cours de la MBC est diffusé sur la Bhojpuri Channel. Mais je n’ai que MBC1 chez moi. Comment faire alors ? On aurait dû, à mon avis, diffuser les programmes à la radio, sur Kool FM, par exemple, ou sur un site internet en même temps. Sinon, l’approche est discriminatoire. »
Ce problème de chaînes de télévision s’applique également aux enfants d’Agalega, qui ne captent que MBC1 et MBC2. Ils sont une trentaine d’élèves, actuellement, dans le secteur primaire, dans l’archipel, attendant eux aussi, de pouvoir reprendre les cours.
Autre problème : les étudiants de grade 9 (Form 3) constatent que les programmes à la télé ne sont pas adaptés à leur niveau. Un étudiant avance : « Ces vidéos sont plutôt pour les élèves du primaire. A notre âge, nous maîtrisons déjà l’outil informatique. D’ailleurs, mon enseignant de leçons particulières nous donne des cours par Zoom. J’aurais préféré qu’il en soit ainsi pour l’école également.» De même, il est un fait que les vidéos disponibles pour Grade 9 sur le Student Support Programme, ne sont pas complètes.
Au niveau des collèges, toutefois, on est d’avis que la journée de travail a bien démarré. Vikash Ramdonee, recteur du secteur public, affirme que les cours en ligne pour les Grade 10 à 13, ont été bien préparés à l’avance. « Durant le week-end, j’ai eu des réunions, tour à tour, avec les chefs de département, les enseignants et le Student Council, sur Zoom. Nous avons pu ainsi partager les idées et faire en sorte que les cours démarrent sur de bonnes notes aujourd’hui. Cela a d’ailleurs été le cas. De même, nous avons laissé une certaine liberté aux enseignants pour utiliser la plateforme où ils se sentent le plus à l’aise. Qu’il s’agisse de Zoom, de Google Classroom ou de WhatsApp… », dit-il.
Et celui-ci d’ajouter que la plupart des élèves sont connectés. Des démarches sont entreprises à plusieurs niveaux, afin que ceux qui ne le sont pas, puissent avoir le soutien nécessaire. « Grâce au contact avec les élèves, nous avons pu avoir une idée qui sont les enfants qui ne disposent pas des outils nécessaires pour suivre les cours en ligne. J’ai pris l’initiative de demander à nos enseignants s’ils avaient un smartphone dont ils ne se servent pas et qu’ils pourraient prêter à ces élèves. Je pense qu’au niveau du ministère, des démarches peuvent être également entreprises dans ce sens, auprès de Mauritius Telecom. On pourrait même leur prêter des tablettes, qu’ils retourneront à la rentrée. Je crois qu’avec un peu d’efforts, tout est possible. Le COVID-19 peut également apporter plus de solidarité », concède-t-il.
Concernant les classes de Grade 9, Vikash Ramdonee reconnaît qu’il manque de ressources au Student Support Programme. Il est d’avis que ce groupe d’élèves peut également travailler en ligne. « Comme je l’ai dit, il faut donner la liberté aux enseignants de travailler selon les moyens les plus adaptés. Les étudiants de Grade 9 ont les aptitudes nécessaires pour suivre la classe sur Zoom, par exemple. Aux enseignants de s’organiser. A notre niveau, nous faisons le suivi et la coordination.»
En revanche, Vikash Ramdonee lance un appel à la collaboration des parents. « Il y a des cas où les parents ont parlé brutalement quand les enseignants les ont appelés pour les cours. Car il faut savoir que tout passe par les parents. Je fais un appel à la collaboration », ajoute-t-il.
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Preetam Mohitram (président, Union des recteurs) : « Un Outreach Programme pour ceux qui ne sont pas connectés »
Comment s’est passée la préparation pour les cours qui ont démarré hier ?
Je dois dire que les enseignants et les recteurs avaient été un peu pris de court par l’annonce faite par la Vice-Première ministre et ministre de l’Education, Leela Devi Dookun-Luchoomun, le 1er avril. Mais après quelques jours, les choses ont évolué. L’enseignement à distance est devenu une réalité et je dois dire que nous avons eu la collaboration de tout le monde. Par exemple, à mon collège, j’ai pu réunir plus de 500 numéros de téléphone sans avoir à me déplacer. C’est dire que tout le monde, enseignants et élèves, ont apporté leur collaboration.
En tant que président de l’Union, j’ai aussi des feedbacks de mes membres. Je peux dire que les cours ont bien démarré, malgré quelques réticences au départ. A mon avis, on aurait dû avoir mis en place un tel système depuis longtemps.
Qu’en est-il des élèves qui n’ont pas les moyens nécessaires pour suivre les cours en ligne ?
Malheureusement c’est une réalité. Non seulement il y a des enfants qui n’ont pas accès aux outils nécessaires et à l’internet, mais ils traversent sans doute des moments difficiles actuellement et peuvent avoir d’autres préoccupations. Toujours est-il qu’il ne faut pas les laisser sur la touche. J’ai suggéré au ministère de l’Education de se tourner vers les zones et les Social Workers qui y sont attachés, pour se mettre en contact avec ces étudiants. On peut mettre en place un genre de OutreachProgramme, pour qu’ils puissent aussi avoir accès aux cours.
J’ai appris également que le ministère prévoit d’enregistrer les cours de Grade 10 à 13 pour les diffuser à la télé. Dans un premier temps, il s’agira des cours de Ffançais, d’anglais et de mathématiques.
Les ressources pour les étudiants de Grade 9, qui ont pourtant un examen national cette année, sont limitées. Qu’en pensez-vous ?
Pour l’heure, il est question de suivre les cours à la télé. Mais je demanderai aux parents de ne pas s’y limiter. Il y a toute une liste de ressources en ligne sur le site du ministère de l’Education, les étudiants peuvent y trouver des informations supplémentaires. Je demanderai toutefois aux parents d’accompagner leurs enfants car ils ne sont pas encore tout à fait autonomes. De plus, nous sommes dans un contexte psychique et physique difficile.
Les enseignants ont exprimé des craintes par rapport aux données personnelles. Quelle est la situation aujourd’hui ?
Il y a eu, en effet, des réticences. Je crois que c’est normal qu’il y ait des craintes face aux nouvelles choses. C’est bien aussi que chacun puisse s’exprimer et faire état de ses appréhensions. Mais à mon avis, le ministère doit être bien informé sur toute la question. De plus, nous sommes dans une situation exceptionnelle, nécessitant des mesures exceptionnelles. Je ne suis pas en train de défendre le projet, mais je défends les élèves. Je pense qu’un élève doit pouvoir être en contact avec son enseignant. Cela doit se faire selon les paramètres établis, dans le respect de l’éthique. J’aurais aimé que le ministère vienne avec un communiqué pour rassurer les enseignants et leur dire comment ils seront protégés.
Tous les enseignants ont-ils les compétences nécessaires pour donner les cours en ligne ?
Depuis 2011, on parle de 21st Century Learning. Il y a déjà eu pas mal de formations à ce sujet. A mon avis, tous les éducateurs doivent avoir les ressources nécessaires pour cela. Ils en ont d’ailleurs besoin pour les ressources de Cambridge. Ceux qui ne maîtrisent pas peuvent toujours demander de l’aide.
De même, il y a des vidéos sur YouTube pour montrer comment se servir de ces outils. J’ajouterai que c’est une nouvelle expérience, essayons de voir ce qu’il y a au fond de la boîte. Les cours en ligne nous permettent, à partir de la maison, d’ouvrir une fenêtre sur le monde.
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COVID-19 : Une nouvelle plateforme en ligne pour les élèves du primaire
La plateforme Shared Learning Mauritius (RCEA) a été conçue par une équipe composée principalement d’enseignants issus des écoles primaires catholiques (RCA) de Maurice. Cette plateforme propose une large panoplie de ressources pédagogiques pour les élèves des Grades 1 à 6.
La plateforme Shared Learning Mauritius (RCEA) est accessible via un ordinateur, une tablette ou un smartphone, sans qu’il ne soit nécessaire d’installer un quelconque logiciel. Toutefois, la présence d’un adulte est requise aux côtés de l’enfant pour l’aider à se connecter et à naviguer sur la plateforme.
De ce fait, le SeDEC a mis en ligne sur la plateforme un guide à l’intention des parents pour l’accompagnement et le soutien académique de leurs enfants. Avec l’aide d’un aîné, les élèves pourront tous accéder à cette plateforme à travers le site du Service Diocésain de l’Education Catholique sur le www.sedec.mu.
La direction du SeDEC tient à remercier toute l’équipe du primaire du SeDEC et les enseignants des écoles RCA pour leurs efforts sans relâche en vue de la concrétisation de ce site ainsi que pour la qualité des outils et ressources rendus disponibles sur cette nouvelle plateforme.
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Yugeshwur Kisto (Président, GSSTU) : « Le ministère a agi sans consultations »
Comment s’est déroulé le premier jour de cours en ligne ?
Les educateurs ayant tous à coeur les intérêts pédagogiques des élèves, ont favorablement répondu à la demande du ministère pour dispenser les cours en ligne. Étant des professionnels avant tout, et conscients de notre devoir primordial en tant qu’enseignants et patriotes, nous sommes tous disposés à faire preuve de magnanimité et d’assiduité pour encadrer nos enfants, malgré les conditions difficiles et contraignantes auxquelles nous sommes appelés à faire face dans notre quotidien.
D’ailleurs, nous nous sommes passé le mot et nous avons donné le meilleur de nous-même en ce premier jours. Toutefois, force est de constater qu’il y a beaucoup de contraintes et d’obstacles fonctionnels et pratiques notamment le manque d’équipements de base et d’accès à l’internet que ce soit au niveau des élèves ou des enseignants, pour pouvoir dispenser les cours ou s’instruire en ligne.
Selon vous, il y a eu une mauvaise préparation à cela ?
A la GSSTU, nous déplorons le procédé du ministère: sans consultation aucune au préalable avec les parties concernées, dont les représentants du corps enseignant et en basculant toutes les responsabilités, processus et conséquences sur les dos des enseignants, qui ne peuvent même plus se fier à l’administration du collège, qui préfère donner des instructions farfelues par excès de zèle et en jouant aux abonnés absents quand les problèmes techniques et d’ordre éthique commencent à surgir. Demander aux enseignants de contacter les parents à titre individuel pour ensuite leur demander de bien vouloir relayer les données de leurs enfants est un exemple criant du manque d’égard envers les enseignants.
En quoi ces tâches affectent-elles les enseignants ?
Il y a des risques énormes que les enseignants ont pris les coordonnés des élèves, dans l’unique but que les enfants ne finissent pas sur le pavé, se retrouvent dans des situations avec des tournures légales fort déplaisantes. Et quid du ministère? Il se chuchote que le ministère, fort de sa culture totalitaire, viendra de l’avant, dans un avenir pas trop loinrain, avec des mesures de contrôle pour rendre le travail encore plus exténuant, complexe et stressant.