Quel est le point commun entre le réchauffement planétaire et le coronavirus ? À première vue, cette question semble vide de sens, tant il apparaît évident que ces deux questions n’ont a priori aucun rapport. Après tout, le changement climatique est le fruit d’une hausse graduelle et constante de nos émissions de gaz à effets de serre, tandis que l’épidémie, elle, bien que née dans des circonstances encore floues, est le résultat d’une énième mutation virale. Pourquoi d’ailleurs devrait-on mêler la climatologie à la virologie ? Eh bien tout simplement parce que l’une comme l’autre de ces disciplines sont aujourd’hui intrinsèquement liées par leurs origines, en l’occurrence les fondements mêmes de notre système sociétal.
Nous ne cessons en effet de le répéter : le réchauffement climatique n’est pas un problème distinct, mais tout juste un symptôme de nos modes de vie. La pollution, celle-là même à l’origine des élévations constantes de températures relevées depuis quelques années, n’a rien de naturelle, et a pour principale source la manière dont nos sociétés auront été imaginées et mises en place. Le PIB, le pouvoir d’achat, la croissance… Autant de termes nés en effet au moment où nous entrions dans l’ère industrielle (du moins dans ce qui constitue aujourd’hui leur sens premier) et dont l’objectif principal est d’assurer une existence de plus en plus confortable à un maximum de personnes (mais en réalité l’exact contraire à l’échelle planétaire), en les faisant entrer dans la logique symbolisée par l’adage « boulot, métro, dodo » (nous travaillons, produisons, puis achetons ce que nous produisons). Aujourd’hui donc, tout du moins en Occident et dans toute autre société occidentalisée, comme la nôtre, il convient pour la majeure partie d’entre nous de chercher à gagner toujours plus pour pouvoir, ensuite, en dépenser davantage. Avec les conséquences que l’on connaît sur le climat.
L’épidémie de coronavirus, elle, trouve son origine dans ce même environnement sociétal, accentué comme il se doit par une industrie du transport international en expansion continue, que ce soit en termes de marchandises ou de personnes. En effet, ne nous leurrons pas ! Les virus, comme tout organisme vivant, n’ont pour seule raison d’exister que de se répandre, au détriment donc des autres espèces peuplant le vivant. Et pour ce faire, donc, en exploitant leur environnement. Et il faut reconnaître que l’humain les aura fortement aidés en leur offrant le terreau nécessaire pour leur plein épanouissement. Chaque jour, en effet, pas moins de 200 000 avions se partagent le ciel, soit encore un décollage à chaque battement de cœur. Chiffre auquel nous devrions ajouter les milliers de cargos, de paquebots et autres navires qui sillonnent les mers quotidiennement. Sans compter les trains, bus et autres moyens de transport en commun, par dizaines de millions cette fois. Avec autant de risques, donc, de propager de nouveaux foyers viraux.
Des virus comme le Covid-19, il y en a toujours eu… et il y en aura toujours. La seule différence étant aujourd’hui que, du fait d’une économie axée sur l’échange planétaire, ils se propagent tout simplement plus, alors qu’ils étaient autrefois relativement confinés dans des zones géographiques bien plus limitées, réduisant de fait leur possibilité d’expansion. Pourtant, bien que conscients de ce risque permanent de voir jaillir de nouvelles souches, dont certaines d’une rare virulence (à l’instar de l’Ebola), pas question pour autant de revoir notre système, au risque de mettre à mal nos économies. Tout au plus acceptons-nous de prendre des mesures temporaires, le temps que l’épidémie soit contenue, mais pas plus longtemps.
Preuve en tout cas que, tout comme la question climatique, cette problématique sanitaire ne pèse finalement rien face aux profits immédiats que nos exportations génèrent. Et tant pis pour les victimes collatérales ! En mettant à profit son extrême ingéniosité afin d’assurer le renforcement de sa zone de confort, l’homme est finalement aujourd’hui victime de son propre succès. Après tout, cela ne pouvait pas durer éternellement. Et comme dirait l’autre, « tout finit un jour par se payer ».
Michel Jourdan