- De l’absence de toute mention du Sun Trust au Northwest Trust Ltd d’XLD en passant par les 16 propriétés immobilières du député rouge Eshan Jhuman
- Cinq parlementaires et un ancien, Zouberr Joomaye, déclarent détenir des propriétés immobilières à l’étranger
- Un « Nothing to Declare » de l’ancienne parlementaire et candidate battue de Reform Party, Danielle Selvon
Plus d’une année, après l’adoption de la Declaration of Assets Act par l’Assemblée nationale, l’Independent Commission against Corruption (ICAC) a rendu publics des détails d’une partie des avoirs des politiciens ayant siégé au Parlement depuis les élections générales de décembre 2014. Ainsi, 126 fichiers dans cette catégorie politique peuvent être consultés sur le site Web de l’ICAC depuis hier après-midi. C’est l’une des rares fois où le site de l’ICAC a enregistré un taux de consultations aussi intense. Toutefois, à part l’énumération d’une série de biens appartenant à ces politiciens, notamment le nombre de maisons ou résidences, voitures, placements dans des sociétés ou encore comptes en banque, aucune valeur financière n’est attribuée publiquement dans ces attributions.
Malgré tout, lors de ce premier exercice de l’ICAC, en purgeant les affidavits jurés par ces parlementaires en exercice ou à la retraite, aucune mention n’est faite de l’existence du Sun Trust. Mais l’on constatera que l’ancien leader de l’opposition et actuel patron du PMSD, Xavier-Luc Duval, révèle qu’il est le Settlor de la Northwest Trust Ltd avec, pour bénéficiaires, Jennifer Duval, son épouse, et ses trois enfants, en l’occurrence Stéphanie, Alexandre et Adrien.
Au chapitre des propriétés immobilières, le député correctif de Port-Louis Maritime/Port-Louis Est (No 3) et du Parti travailliste, Eshan Jomun, se taille la part du lion en nombre, même si aucune valeur n’est disponible à cet effet. Ce député, qui siège pour la première fois à l’Assemblée nationale, possède 16 propriétés foncières et immobilières dans la région de Notre-Dame.
Le tableau des propriétés immobilières fait aussi apparaître la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation nationale, Leela Devi Dookun, avec une quinzaine de propriétés, le ministre de l’Environnement, Kavy Ramano, une bonne douzaine, et l’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth, avec neuf propriétés. Les autres propriétaires fonciers d’envergure à l’Assemblée nationale se nomment Yogida Sawmynaden, Shakeel Mohamed et Reza Uteem, alors que deux autres politiciens qui ne siègent plus au Parlement, à savoir l’ancien Premier ministre sir Anerood Jugnauth et Zouberr Joomaye, sont dans les premiers rangs de ce classement.
Néanmoins, en termes d’évaluation immobilière, ce tableau risque d’être bouleversé si l’on tient compte du patrimoine immobilier à l’étranger. Ainsi, Zouberr Joomaye déclare être propriétaire en France, Kavy Ramano en France et aux Émirats Arabes Unis, le ministre Sawmynaden en France, Shakeel Mohamed en France, Reza Uteem en Arabie Saoudite et l’ancien ministre Anil Gayan en Angleterre.
Un autre volet d’intérêts de ces fichiers sur le site Web de l’ICAC concerne les marques de voitures des politiciens. Les BMW sont en vedette, mais il y a encore la Porsche Cayman du nouveau député du Labour, Farhad Aumeer, la Porsche 911 Carrera d’Étienne Sinatambou, la Porsche et la Maserati de Zouberr Joomaye, et la Posrche Tagha de Xavier-Luc Duval. Par contre, on ne pourra passer sous silence le « Nothing to Declare » de l’ancienne parlementaire Danielle Selvon, élue en décembre 2014 sous la bannière de L’Alliance Lepep pour terminer son mandat dans les rangs de l’opposition.
À ce stade, la commission anti-corruption, avec à sa tête Navin Beekarry, souligne toutefois que cette liste des avoirs des hommes politiques n’est qu’une première compilation publiée, en attendant que d’autres suivent, notamment concernant les membres de l’Assemblée régionale de Rodrigues ou encore les conseillers des municipalités et des District Councils.
L’on compte au niveau des anciens et nouveaux parlementaires un total de 126 déclarations, dont deux aux noms de politiciens qui ont été reconduits à l’Assemblée nationale à l’issue des législatives de novembre 2019.
Le Premier ministre et leader du MSM, Pravind Jugnauth, a déclaré dans le cadre de cet exercice de déclaration des avoirs qu’il possède neuf propriétés, notamment à Bras-d’Eau, Les Mariannes, Mare-Sèche, Paillotte, Port-Louis, Vacoas et Valetta. Pravind Jugnauth a aussi déclaré qu’il détient des actions dans la société SOC Jugnauth & Fils ainsi qu’à la SBM Holdings. Outre des bons du Trésor, il déclare être le propriétaire d’une Mini Cooper, qui est souvent aperçue au Sun Trust, avec son épouse, Kobita, au volant.
Le No 2 du gouvernement, Ivan Collendavelloo, leader du Muvman Liberater, a, lui, déclaré qu’il possède une propriété à Curepipe ainsi que deux voitures, dont une Volkswagen Golf et une Audi Q3. L’élu de Stanley/Rose-Hill (No 19) a, lui, un emprunt en cours auprès de la SICOM. Il ne possède aucune propriété immobilière, selon le document de l’ICAC.
Le No 3 du gouvernement de l’Alliance Morisien, la ministre de l’Éducation Leela Devi Dookun-Luchoomun, possède, elle, 15 propriétés conjointement avec son époux et ses enfants. Elle a aussi une voiture de marque Toyota à son nom. Leela Devi Dookun a transféré des propriétés, soit deux terrains, à l’un de ses deux fils alors que l’autre a obtenu 5 000 actions d’Air Mauritius et 3 000 autres de Lottotech Ltd.
Quant au quatrième membre du “front bench” de la majorité, le vice-Premier ministre et ministre des Collectivités locales, Anwar Husnoo, il a déclaré être le propriétaire de cinq biens immobiliers, notamment à Pointe-aux-Canonniers, Quatre-Bornes et Port-Louis. Il possède également une Nissan Almera.
Le nouveau leader de l’opposition, Arvin Boolell, a de son côté déclaré devant les autorités qu’il ne possède aucune propriété à son nom, bien qu’il ait un “housing loan” obtenu à la Barclays Bank. Le chef de file du Parti travailliste au Parlement a aussi un emprunt auprès de la SICOM pour l’achat d’une voiture. Il possède d’ailleurs deux Audi, une Q5 et une Q3.
L’ancien leader de l’opposition et actuel leader du PMSD, Xavier Luc Duval, est actionnaire dans six sociétés. Il possède 300 actions au sein de l’Horizon Properties Ltd, 2 320 actions chez IBL, 740 actions chez Mauritours (groupe Leal), 1 620 actions chez Leal & Co Ltd, 500 actions chez DHS Consultants Ltd et 43 200 actions à la Pharmacie Nouvelle Ltée (groupe Leal). Il a également 6 000 actions et une part privilégiée remboursable dans la société Nexia Baker & Arenson Ltd. Ces parts sont cependant gérées par une dénommée Marie Kishtoo.
Xavier-Luc Duval possède aussi un “trust”, nommé Northwest Trust Ltd, dont sa femme et ses enfants sont bénéficiaires, et un “joint liability” à la SICOM. Il est également propriétaire de deux maisons : une située à Grand-Gaube, dont il est copropriétaire avec sa femme, et l’autre à Belle-Vue. Le leader des Bleus a aussi une Porsche Targa enregistrée à son nom.
Le leader du MMM, Paul Bérenger, a pour sa part transféré une portion de terrain à une de ses filles. Il possède deux terrains à Riverwalk, Vacoas, et est propriétaire de deux voitures, en l’occurrence une Suzuki Grand Vitara et une Renault Captur. Sa fille, Joanna Bérenger, fraîchement élue à l’Assemblée nationale, possède quant à elle uniquement deux terrains à son nom, l’un se trouvant à Vacoas et l’autre à Highlands.
Par ailleurs, l’ancien Premier ministre et leader du MSM, sir Anerood Jugnauth, s’est lui aussi plié à cet exercice de déclaration dans sa fin de carrière. Sept propriétés sont enregistrées à son nom, soit trois à Vacoas et les autres à Baie-du-Tombeau, Curepipe, Palma et Rivière-du-Poste. L’ancien ministre mentor ne possède aucune voiture, mais détient 40 000 actions à la SBM et 15 000 autres actions conjointement avec son fils, Pravind Jugnauth. Les nouveaux locataires de la State House ont aussi déclaré leurs avoirs, ayant été des élus de l’Assemblée nationale en 2014.
Le nouveau président de la République, l’ex-ministre des Arts et de la Culture Pradeep Roopun, détient, lui, des actions dans la Roopun & Cie Ltee et la Sopratan Investment Ltd. Il possède une maison à Quatre-Bornes et deux BMW 520i.
Son adjoint à la State House, l’ex-ministre de la Fonction publique Eddy Boissezon, possède des actions au sein du groupe MCB et est propriétaire d’une BMW X1. Il a légué un appartement à Phoenix, un terrain et un immeuble à Quatre-Bornes à sa fille.
Le député travailliste Shakeel Mohamed, qui en est à son quatrième mandat, possède sept propriétés, dont une en région parisienne, en France. Ses propriétés à Maurice sont situées à Moka, Goodlands, Khoyratty, et Mapou. Shakeel Mohamed est aussi propriétaire de deux berlines, une Mercedes Benz et une Mazda BT50. Il a contracté des emprunts auprès de la SICOM, du Crédit Lyonnais et de Rogers Capital. II a aussi hypothéqué une maison pour un emprunt auprès de la Banque des Mascareignes. L’avocat possède aussi la MC Law Offices Ltd, qui gère les Mohamed Chambers, et un tiers des parts, soit 168 000 actions, dans la société Mohamed Investment Holdings.
Son colistier dans la circonscription Port-Louis Maritime/Port-Louis Est (No 3), Ehshan Juman, est celui qui a visiblement le plus de propriétés, soit 16 terrains à Notre-Dame et deux autres à Mare-Sèche et Trianon. L’ancien ministre de la Sécurité sociale et de l’Environnement, Étienne Sinatambou, arrive en deuxième position avec sept propriétés alors que Kavi Ramano, le nouveau ministre de l’Environnement, détient en copropriété avec ses proches 12 terrains dans le centre de l’île. Deux de ses acquisitions immobilières, en France et aux Émirats Arabes Unis, n’ont pas encore été enregistrées.
Le ministre Yogida Sawmynaden compte sept terrains et une propriété achetée en France. L’ancien député MSM, Zouberr Joomaye, a six propriétés immobilières déclarées, dont une se trouvant à Montpellier, en France, alors que le député du MMM Reza Uteem a une résidence à La Mecque, en Arabie Saoudite, et quatre autres propriétés à Maurice.
Quant à l’ancienne Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee, elle a déclaré détenir des actions au sein de 15 sociétés, dont CIM Financial Services Ltd, ENL Ltd, Innodis Ltd, IBL Ltd, MCB Group Ltd et New Mauritius Hotels Ltd. Elle possède également une maison à Flic-en-Flac ainsi que deux voitures, une Toyota Corolla et une Mercedes, enregistrées en son nom. Son successeur au poste de Speaker pour ce présent mandat, Sooroojdev Phokeer, ne possède, lui, ni maison, ni voiture.
Reza Uteem : « Un pas dans la bonne direction »
Pour le président du MMM, son parti a toujours été « en faveur » d’une plus grande transparence en ce qui concerne les avoirs des parlementaires. « C’est d’ailleurs sous la pression du MMM que la définition des avoirs a été revue afin de couvrir les “trusts” et les biens gérés par des prête-noms. Toutefois, il est toujours possible d’apporter des améliorations. En plus des biens immobiliers et des voitures, il est important d’inclure tous les types de biens immobiliers. À titre d’exemple, l’achat d’une oeuvre d’art valant plusieurs millions devrait pouvoir être inclus. Il ne faudrait pas avoir des limitations dans la définition des avoirs », a-t-il expliqué.
Concernant la valeur des avoirs, qui ne figure pas dans les documents diffusés par l’ICAC, Reza Uteem reconnaît que la déclaration des avoirs devait auparavant spécifier la valeur des biens immobiliers. « L’évaluation des biens peut être effectuée par une autorité, mais la question est de savoir qui financera cet exercice. À mon avis, la déclaration des avoirs devrait également être un “on going process”. C’est-à-dire à chaque fois que la valeur des avoirs connaît une évaluation d’un montant à être défini par la loi, notamment à travers l’acquisition des nouveaux biens, l’ICAC devrait en être avisée », estime-t-il.
Arvin Boolell : « Une très bonne chose »
Pour le leader de l’opposition, Arvin Boolell, la publication des avoirs des parlementaires, à travers un exercice transparent, est une « très bonne chose ». Il poursuit : « Désormais, tous les parlementaires doivent également publier les biens qu’ils possèdent à l’étranger. J’ai moi-même déclaré les biens que je possède après avoir effectué un partage à mes deux enfants qui sont des adultes. À mon avis, cet exercice aurait dû être étendu à ceux qui sont à la tête des institutions ou des compagnies gouvernementales où le gouvernement est un actionnaire majoritaire. Pourquoi ne pas l’étendre également aux chefs de compagnies privées, dont les actions sont cotées à la bourse des valeurs ? » S’agissant de la valeur des avoirs immobiliers, il estime que « l’évaluation doit être faite par une institution indépendante et crédible ».