— Alors, comment ç’a été ton réveillon du 31 ?
— Gâché par le cyclone, non gâché par la météo, toi.
— C’est vrai que c’était assez drôle ces bulletins-là. Un coup, on te dit qu’il n’y a pas de danger, juste après on est en classe 3.
— En tout cas, je peux te dire une chose : même si on a changé de gouvernement, on a gardé la même météo.
— Pour une fois je suis d’accord avec toi. Le gouvernement ne peut pas venir dire que tout ça c’est la faute à Navin, qui n’a pas fait ceci ou cela, parce que ça fait cinq ans que les Jugnauth sont au pouvoir. Qu’est-ce qu’ils ont fait pour améliorer la météo ?
— Tout est resté pareil et ils ont le toupet de venir te dire que la météo n’est pas une science exacte. Et pourtant, sur les autres sites sur internet on voyait clairement que le cyclone descendait sur nous-mêmes.
— C’est vrai ça ! Si le radar de la météo n’est pas bon, ils n’ont qu’à aller regarder Windy sur internet. Comme ça ils pourraient faire de bons bulletins au lieu d’attendre que le cyclone soit arrivé à côté de nous pour tirer un warning de classe 3 !
— Tu as raison, toi : à 8 heures on disait qu’il n’y aurait pas de classe 3 et les gens sont allés travailler et quand ils sont arrivés au bureau, c’était déjà classe 3 ! Je ne te dis pas la pagaille pour retourner à la maison : les bus avaient arrêté de rouler. C’est un scandale, je te dis !
— Comment, tu as fait pour retourner chez toi ?
— Je ne suis pas allée travailler. J’avais pris un local pour aller faire les courses pour le réveillon.
— Tu as perdu un local pour rien toi.
— Je ne pouvais pas prévoir, surtout avec les prévisions de la météo de Maurice !
— Mais pourquoi tu n’as pas fait ton shopping du réveillon avant le 30 ?
— Ça même que je voulais faire, mais mes belles-sœurs ont, comme d’habitude, joués aux conne-tout !
— Qu’est-ce qui s’est passé comme ça.
— Cette année, la famille de mon mari a eu le campement de X, qui n’avait pas de client pour le réveillon.
— C’est un campement pieds dans l’eau ?
— Presque. La plage est derrière un bloc d’appartement et il faut traverser la route. Mais comme c’était gratis on ne pouvait trop faire le regardant. De toutes les façons, on allait pour faire le réveillon, pour voir le feu d’artifice des hôtels, pas pour la mer. On a décidé de faire un barbecue.
— Un barbecue pour toute la famille ?
— Oui, toi. Moi, au départ, j’avais dit qu’on allait commander un dîner avec un traiteur, mais mes belles-sœurs, tu sais comme elles sont, elles ont dit que ça allait coûter trop cher, qu’on allait faire un barbecue et que tout le monde allait contribuer. On a fait une liste de ce qu’il fallait et j’ai insisté pour que tout le monde paye sa contribution d’avance pour acheter les affaires.
— Pourquoi tu as insisté pour qu’on paye en avance ?
— Ma chère, je sais de quoi est capable ma belle-famille. Dis-toi que pour l’anniversaire de ma belle-mère on est allés au restaurant pour fêter ça. Quand la note est arrivé, chacun a tiré son téléphone pour calculer sa part et payer juste ce qu’il avait mangé. On a eu une bagarre pour payer les gadjacks et l’eau et le serveur a dû faire faire vingt notes séparées !
— Comme ça ils sont ?
— Quand il s’agit d’argent, tu ne badines pas avec eux. J’avais dit on achète tout ce qu’on a besoin depuis samedi. Ils ont dit non qu’on allait faire ça lundi matin. Ils voulaient des produits et des légumes frais et avant même d’arriver au supermarché, lundi, c’était classe 3. On a été obligés d’attendre le mardi a 11 h 30 pour aller faire les courses. Pas besoin de te dire la foule qu’il y avait dans les supermarchés ! On ne pouvait pas y mettre le nez ! On a passé des heures avant de passer à la caisse, je te dis.
— Vous avez eu tout ce dont vous aviez besoin.
— Bien sûr que non. Il n’y avait plus de produits frais et on a dû acheter congelé. Au bazar, le prix des tomates et des laitues avaient pris l’ascenseur. On a dû faire des salades avec des légumes en conserves. Terrible, je te dis !
— Mais c’était pas de votre faute. S’il n’y avait pas eu ce cyclone-là…
—… si la météo avait fait son travail comme il faallait, on aurait pris nos précautions et fait le shopping depuis dimanche même au lieu d’attendre mardi !
— Qu’est-ce que tu vas faire bonne femme : il faut compter avec les caprices du temps.
— Et l’incompétence de la météo !
— A part ça, tout s’est bien passé tout de même ?
— Sauf qu’on a pris des heures pour allumer le charbon, qui était trempé, et qu’on a dû faire cuire une partie du barbecue au four ! En tout cas, on se souviendra de ce réveillon. En tout ça, moi j’ai pris une résolution.
— Quelle résolution ?
— Tu sais ce qui s’appelle tourné zoreille ? Pour le prochain réveillon, je ne vais pas écouter la météo et mes belles-sœurs, ou aller au campement. Je vais faire le réveillon chez moi, devant la télévision. C’est ma première résolution de l’année.
J.C A