— Tu parais un peu fatiguée. C’est sûrement à cause de cette chaleur-là.
— Il n’y a pas que la chaleur, toi. Il y a aussi la circulation, les embouteillages et surtout la bonne femme.
— Ta maman ! Qu’est-ce qu’elle a eu comme ça ? Avant-hier même, je l’ai vue en pleine forme en train de faire du shopping.
— Quand tu la vois un coup comme ça, elle paraît bien. Elle me donne beaucoup de tracas, je te dis.
— Elle est tombée malade d’un coup comme ça. Qu’est-ce qu’elle a comme ça ?
— Elle commence à déraisonner, à persister et à regimber avec moi, toi.
— Elle oublie, elle refait deux fois la même chose, des affaires comme ça ? Tu sais, à cet âge-là, c’est un peu normal.
— Non, c’est pas normal, toi. Elle veut faire ce qu’elle veut.
— Il ne faut pas la brusquer, mais la raisonner. Causer doucement avec elle. Avoir de la patience.
— C’est facile de donner des conseils. Moi, je dois gérer la situation tous les jours.
— C’est vrai je te comprends. C’est quand on attrape le manche du poële qu’on connaît sa chaleur arrière-grand-mère, s’il te plaît.
— Ayo je voulais juste te remonter le moral, moi. Elle n’est pas bien depuis longtemps ta maman ?
— Pas depuis trop longtemps. On va dire depuis les résultats des élections ?
— Je vois Elle a été affectée parce que Navin a perdu. Mais je croyais qu’elle était MMM, moi.
– Mamie n’est pas MMM, elle est bérengiste. Comme elle s’est rendu compte que Ton Paulo n’avait aucune chance de revenir au pouvoir, alors elle a voté pour Pravind, parce qu’elle ne supporte pas Navin.
— Ma chère depuis quand elle est devenue MSM enragée comme ça ?
— Depuis le 3 novembre exactement.
— Qu’est-ce qui s’est passé comme ça le 3 novembre pour faire ta maman passer du mauve à l’orange ?
— C’est ce jour-là que Pravind a annoncé qu’il allait faire la pension de vieillesse passer à Rs 9, 000 avec un treizième mois s’il gagnait.
— Tu veux dire que ta maman a viré mam juste à cause de l’augmentation de la pension de vieillesse ?
— Elle a fait comme la majeure partie des personnes du troisième âge et des électeurs toi. A Maurice, tout le monde est plus ou moins opportuniste maintenant.
— C’est vrai ça. Mais si ta maman a voté pour Pravind, pourquoi tu dis qu’elle est malade depuis les résultats des élections. Elle devrait être contente, puisque le MSM a gagné et que sa pension a été augmentée.
— Je ne t’ai jamais dit qu’elle n’était pas contente.
— Mais tu viens de me dire qu’elle est malade depuis les résultats des élections. Qu’est-ce qu’elle a comme ça ?
— Je te l’ai dit : elle n’écoute pas ce qu’on
— ce que je lui dis -, elle veut faire des folies et elle est têtue comme une bourrique
— Dilo suive canal tu es exactement comme elle
— Je t’ai dit de ne pas me réciter les proverbes de ton arrière grand-mère, non ! J’ai envie de l’emmener voir un docteur la tête
— C’est quoi un docteur la tête ?
— Tu sais, un de ces psychos je ne sais pas quoi là Je me demande si elle n’est pas en train d’avoir un début de démence.
— Hé toi ! C’est grave ce que tu es en train de dire là. Tu es en train de parler de ta maman.
— Mais c’est parce que c’est ma maman que je suis tracassée. Je ne sais pas ce qui lui arrive, je te dis. En tout cas, je peux te dire une chose : les vieux d’aujourd’hui, c’est pas comme les vieux d’hier. Ils sont devenus bien ingrats, je te dis. Ils ne pensent qu’à eux. Ce sont des égoïstes.
— Mais qu’est-ce que ta maman a fait comme ça pour que tu sois en colère contre elle.
— Mais madame se croit indépendante et elle fait des choses ça, je te dis.
— Qu’est-ce qu’elle a fait comme ça ?
— Jusqu’à maintenant, c’est moi qui allais toucher sa pension. Je prenais ce qu’il fallait pour la maison et je lui donnais le reste comme un pocket money, pour ses petites dépenses.
— Elle était d’accord ?
— Jusqu’à tout dernièrement. Quand je lui ai dit que j’allais chercher sa pension et son boni, tu sais ce qu’elle m’a dit : qu’elle avait fini de faire des démarches pour que sa pension soit maintenant versée directement sur son compte en banque.
— Mais elle a fait ça pour t’éviter d’aller faire la queue à la poste pour chercher sa pension.
— Non, elle a fait ça pour elle, parce qu’elle m’a dit qu’à partir de maintenant elle allait gérer elle-même sa pension et son boni.
– Mais c’est très bien. Il faut la laisser prendre des initiatives.
— Mais elle est en train de casser tous mes plans pour le réveillon de Noël, toi.
— Qu’est-ce que tu avais prévu comme ça pour le réveillon ?
— J’ai fini de réserver un bungalow pour les fêtes. Comme ça, je pourrais recevoir toute la famille au lieu de faire ça chez moi.
— Tu vas cuire à manger pour toute la famille par cette chaleur ? Tu as du courage.
— Mais jamais de la vie, j’avais déjà réserver un bon traiteur et passer une commande pour la vaisselle, les couverts et les verres.
— Mais c’est parfait. Quel est ton problème ?
— Mami a fini de réserver et de payer pour un séjour à La Réunion pour le réveillon avec ses amis du troisième âge !
— Tu as raison, elle est en train de prendre son indépendance et d’organiser sa vie. Mais enfin, si ça lui fait plaisir. C’est pas parce qu’elle va aller fêter Noël à La Réunion qu’elle est malade, toi !
— Mais on ne peut pas faire le réveillon sans elle, toi !
— Je sais que tu es attaché à ta maman, mais tu peux réveillonner sans elle, pour une fois.
— Non. C’est pas possible, je te dis !
— Arrête de dire des bêtises donc. Pourquoi tu ne peux pas faire le réveillon sans ta maman ?
— Parce que je comptais sur sa pension et son boni pour payer les dépenses du réveillon !