Cinq ans, cela peut-être long ! Très long. À l’échelle humaine, cela s’entend. Car du point de vue de la planète, qui affiche déjà 4,5 milliards d’années au compteur, ce laps de temps ne veut évidemment strictement rien dire. Pour autant, les cinq prochaines années, tout comme les cinq qui suivront, s’avéreront cruciales pour la survie de nombreuses espèces, y compris la nôtre. Tandis que la Terre, elle, poursuivra inexorablement sa course autour du Soleil pendant quelques autres milliards d’années de plus, avec ou sans nous ! Cette comparaison est importante dans la conjoncture, car elle permet de relativiser certains faits, tout en nous rappelant qu’en accordant un mandat de cinq ans aux prochains locataires de l’hôtel du gouvernement, c’est de notre avenir en tant qu’individus dont il est question, et non pas celui de notre planète. Pour résumer, la Terre n’a pas besoin d’être sauvée, seuls ceux qu’elle abrite peuvent éventuellement l’être.
Malheureusement, malgré cette intelligence dont nous nous croyons pourvus – alimentée quasi quotidiennement par les connaissances dont nous abreuvent les scientifiques –, nous n’avons toujours pas cette clairvoyance climatique qui nous permettrait d’éviter le désastre. Trop habitués à baigner dans un certain confort, et même s’il peut paraître tout relatif aux yeux de certains, nous pensons de notre droit fondamental de voir celui-ci continuellement s’améliorer, au gré du temps et des gouvernements. Sans songer un instant, bien entendu, que tout cela ne saurait être éternel. Que la Terre nous a déjà offerts plus que nous n’avions besoin, et bien plus d’ailleurs qu’elle n’aurait jamais dû nous donner. Que nos puits de pétrole s’épuisent pendant que nos populations, elles, augmentent. Que cette abstraction de l’esprit que constitue l’argent ne vaut intrinsèquement rien de plus que le papier qui le constitue, quand papier il y a, et que ce même argent peut aussi rapidement perdre de sa valeur symbolique qu’il n’en gagne. Que nous sommes à l’aube d’une nouvelle crise économique mondiale, à laquelle viendront s’ajouter d’autres crises bien plus graves encore, comme celles de l’accès aux terres habitables, à l’alimentation et à l’eau, en sus de la migration climatique. Sans compter les autres calamités liées au réchauffement climatique, et dont l’énumération serait trop longue pour tenir dans ces quelques lignes.
Cinq ans, donc. Cinq ans que nous offririons à notre prochain gouvernement pour mener à bon port notre frêle embarcation dans une mer plus démontée que jamais. Autant dire qu’à ce titre, le choix du capitaine demeure crucial. Aussi le bon sens voudrait que nous ne soyons pas aveuglés par les promesses lancées çà et là, à l’instar de la hausse de la pension de vieillesse ou de la baisse du prix du gaz ménager, et ce afin de rester concentrés sur la seule et véritable urgence du moment : celle de notre simple survie. Que compromet d’ailleurs lourdement cette chimère de la croissance éternelle que nous continuons d’entretenir. Cinq ans, c’est long, nous l’avons déjà dit. Qui plus est, alors que le monde se trouve à un aussi dangereux carrefour de son histoire humaine. Pourtant, de tous les partis et candidats indépendants en lice pour les législatives, combien affichent de réelles ambitions climatiques ? Combien veulent dans le même temps se débarrasser rapidement des ressources carbones ? Combien accepteraient d’investir dans les énergies renouvelables plus que dans tout autre item ? À notre connaissance, aucun.
Du fait de notre aveuglement quant à cette urgence, il y a malheureusement peu de chance que nos objectifs, du moins ceux affichés par l’Onu, ne puissent jamais être atteints. La Terre, alors, continuera de se réchauffer, sans se soucier que nos politiques et nos directeurs de multinationales aient pris la mesure ou non du danger. Pas plus que du nombre de victimes collatérales, dont feront peut-être partie nos enfants et petits-enfants. Mais tout espoir n’est pas perdu. Pour autant que nous abandonnions un instant nos idées préconçues et la couleur de ces oriflammes auxquels nous pensons être si inexorablement attachés au profit d’une réelle analyse des enjeux et des promesses associées. C’est le seul chemin qui nous permettrait de nous rapprocher de l’utopique sagesse.
Michel Jourdan