Limiter les voyages en avion, privilégier les transports en commun, arrêter de consommer de la viande, miser sur les énergies renouvelables… La liste pourrait continuer ainsi en ce qu’il s’agit des mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique. Mais il en est une dont on parle moins, constituant d’ailleurs un paradoxe dans la mesure où elle serait pourtant la plus efficace : celle d’arrêter de faire des enfants.
À la lecture de ces derniers mots, nul doute que des voix s’élèveront immédiatement, criant au sacrilège, à la démagogie, et peut-être même à l’aliénation. C’est pourtant une évidence : plus nous sommes, et plus nous consommons et polluons. Moins nous serons, et mieux la planète se portera.
Cette logique n’est évidemment pas pour plaire à tout le monde, et on peut aisément le comprendre. D’une part, à titre individuel, il est évident que nous aspirons tous à fonder une famille, et donc à avoir une progéniture. Plus qu’une simple envie, c’est même un besoin élémentaire, puisqu’il y va de la survie même de notre espèce. Raison d’ailleurs pour laquelle la procréation est inscrite dans le patrimoine génétique de tout être vivant. D’autre part, au niveau collectif cette fois, il est tout aussi évident que la procréation est une impérieuse nécessité économique. Plus nous faisons d’enfants, et plus nous produisons, insufflant ainsi ce vital dynamisme sur lequel nos systèmes capitalistes sont aujourd’hui fondés. C’est ce qui explique d’ailleurs que, régulièrement, les élus du monde entier surveillent de près les fluctuations des courbes de natalité et de vieillissement des populations, nous incitant, si besoin est, à « faire plus d’enfants ».
Pour autant, il s’agit d’une évidente hérésie dans la conjoncture. Nous pouvons prendre les mesures les plus radicales qui soient afin d’enrayer les changements en cours, nous ne pouvons espérer que le réchauffement ralentira le pas si nous continuons sur la voie de la croissance démographique. Or, c’est exactement ce que sous-tendent les chiffres actuels. Ainsi, alors que nous étions moins de 2 milliards d’individus en 1920, 100 ans plus tard, la population est estimée à 7,7 milliards, soit près de 4 fois plus. Et nous serons près de 10 milliards dans 25 ans à peine, selon les projections les plus optimistes.
Face à ce constat, nombreux sont ceux aujourd’hui à alerter l’opinion publique, estimant que le moyen le plus efficace d’éviter les crises systémiques à venir – environnementales, sociales, économiques, etc. – est de limiter le nombre d’enfants par famille, voire, pour les plus radicaux, de simplement arrêter d’en faire. Mais avec une nuance toutefois. Car si l’impact démographique est indéniable, cette « solution » ne sera réellement efficace que si elle est adoptée par les grandes puissances économiques, bien plus consommatrices évidemment que les pays à faibles revenus, et donc bien plus polluantes. Or, nous ne nous inscrivons absolument pas dans cette tendance. Les pays industrialisés, plus enclins à remplir leurs caisses, ne voient en effet pas d’un très bon œil le fait de demander à leur population de réduire leur impact carbone par cette voie, cette solution étant en totale contradiction avec leurs inspirations économiques immédiates.
Face à eux se dressent fort heureusement des institutions et des personnalités bien plus éclairées. C’est notamment le cas de l’ancien ministre français de l’Environnement Yves Cochet. Pour ce collapsologue et ardent défenseur de la décroissance, la solution est sans appel : pour réduire la facture carbone, il nous faut faire moins d’enfants, voire même plus du tout. Des propos qui, on s’en doute, auront provoqué une véritable levée de boucliers, notamment dans les cercles religieux, où l’on y voit une contradiction avec l’injonction biblique de croissance de la population. Mais pas seulement, car l’homme propose notamment d’inverser la logique des allocations familiales. En d’autres termes, il s’agirait, dans les pays industrialisés, de diminuer les allocations à chaque enfant supplémentaire. Une idée qui est là aussi loin de faire l’unanimité, à commencer par la classe politique française, certains taxant même cette vision de « suicide organisé d’une civilisation ». Mais puisqu’il est question de suicide, osons rappeler que ne rien faire ne mettrait pas seulement en péril une civilisation, mais une bonne partie du vivant de notre planète, y compris bien entendu l’espèce suprême : la nôtre !
Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à prendre le problème au sérieux. Certains ont ainsi décidé, malgré leur profonde envie de procréer, de s’en abstenir. Du haut de ses 16 ans, la militante suédoise ultra-médiatisée Greta Thunberg lançait, elle, récemment : « Vous dites que vous aimez vos enfants plus que tout, mais vous détruisez leur futur devant leurs yeux ! » Une remarque pleine de sens et qui devrait nous amener à revoir nos prétentions parentales, non seulement en ayant moins d’enfants, mais aussi en leur enseignant une manière de consommer plus en accord avec nos impératifs environnementaux.