L’accord de Paris n’aurait-il finalement été qu’un fétu de paille, un colloque à l’utilité contestable, bref, une vaste mascarade ? Si l’on ne peut remettre réellement en question les louables intentions des instigateurs de la cuvée 2015 de la conférence sur le climat, en revanche, quatre ans plus tard, l’on peut décemment se poser des questions quant à son exacte portée et à l’implication des principaux acteurs y ayant participé, à commencer par le pays hôte, la France, plusieurs fois pointée du doigt ces derniers mois pour son inertie en la matière. Inutile non plus de rappeler que le retrait de l’un des principaux émetteurs de gaz à effets de serre de la planète, en l’occurrence les États-Unis, dudit accord, sous l’ère Trump, aura transformé ce qui était présenté comme « l’accord du siècle » en véritable fiasco. À ces pays viennent bien sûr s’ajouter une ribambelle d’autres, des plus polluants (comme la Chine) aux plus insignifiants (comme Maurice), qui auront manifestement pris des engagements dont ils n’auront, jusqu’à l’heure, pu mesurer la portée et que trop timidement mis en application, voire pas du tout.
Pourtant, l’heure est grave, comme ne cessent de le rappeler les experts. Qui plus est, aux climatosceptiques et autres adeptes de la secte de la croissance, la planète lance régulièrement des coups de semonce, leur rappelant que l’on ne pourra éternellement profiter de ses largesses sans consentir à un minimum d’efforts. C’est que les marqueurs du réchauffement sont là, bien présents, et plus remarquables encore depuis plusieurs années déjà. À ceux qui prétendraient aujourd’hui le contraire, nous préconiserions d’ailleurs volontiers un petit tour en Europe. Car c’est un fait, les canicules à répétition – toujours plus précoces, toujours plus longues et toujours plus torrides – sont un symptôme sans équivoque du dérèglement climatique. Jean Jouzel, ex-vice-président du Giec, soulignait d’ailleurs récemment à ce propos : « Les vagues de chaleur sont le marqueur du réchauffement planétaire. C’est à la fois ce qu’on observe et ce que le Giec attribuait déjà aux activités humaines dans ses précédents rapports. Et clairement, le diagnostic est qu’elles vont devenir plus précoces, plus intenses, plus fréquentes. »
Ce qui détonne le plus dans l’actuelle canicule qui sévit en Europe, c’est qu’aucun pays n’est réellement épargné, y compris des régions où l’on n’aura jamais connu de telles températures, si ce n’est dans un très lointain passé. Pour autant, cette hausse des extrêmes n’est en rien une nouveauté, ne faisant finalement que corroborer ce que les scientifiques nous rabâchent depuis de longues années déjà, à savoir que nous ne faisons aujourd’hui que de payer le prix d’une conséquence directe d’un réchauffement induit par notre propension à l’utilisation de charbon, de pétrole et de gaz. Ainsi, selon le Giec – qui ne compte pourtant pas parmi les comités d’experts les plus alarmistes de la planète –, pics et records de chaleur croissent environ deux fois plus vite que les températures moyennes. Concrètement, cela signifie que si les températures, par rapport à l’ère préindustrielle, prennent en moyenne 3 à 5 °C dans la seconde partie du 21e siècle, les records gagneront, eux, de 6 à 8 °C si nous ne prenons pas d’actions significatives en termes de réductions de nos émissions.
Le problème, c’est que nous sommes très loin du compte et que hormis une toute petite poignée d’États, aucune nation ne semble réellement prête à mettre en branle une véritable révolution climatique, ce qui équivaudrait à leurs yeux à hypothéquer leur développement (et, bien entendu, indirectement leur portefeuille) par un ralentissement conséquent de leur croissance, les mettant ainsi, croient-ils, en porte-à-faux, économique comme de bien entendu. Résultat : le réchauffement va continuer à s’accélérer sous l’effet de gaz appelés à rester des décennies dans l’atmosphère. Il en est évidemment de même de ses impacts, que ce soit à travers une augmentation des cataclysmes (ouragans, inondations, vagues de chaleur, sécheresses…) ou des effets collatéraux de ces derniers. Il va sans dire en effet que la recrudescence de telles catastrophes, se répétant au point d’en devenir une nouvelle norme climatique, aura une inévitable répercussion sur les populations, principalement dans les zones les plus exposées à ce type de risques, lesquelles finiront logiquement par chercher refuge dans des régions relativement plus épargnées. Avec, dans le sillage de ces exodes massifs, leurs lots, eux aussi inévitables, de conflits territoriaux, certains observateurs éclairés allant même jusqu’à évoquer la possibilité de futures « guerres migratoires ». Et lorsque l’on imagine que ce sont près d’un milliard de personnes qui, selon les prévisions, se presseront aux frontières les plus propices, l’on peut aisément imaginer l’ampleur que ces conflits pourraient gagner. Autant dire que là encore, au propre comme au figuré, ça risque de chauffer !
Michel Jourdan