« La compétence n’a pas de genre », déclare à l’AFP Nathalie Boy de la Tour, première femme à devenir présidente de la Ligue française de football professionnel (LFP) fin 2016, qui appelle à « un travail de fond » pour féminiser davantage les instances dirigeantes du football.
En quoi le foot est un monde dominé par les hommes?
La pratique féminine n’a pas été encore suffisamment développée pour permettre aux femmes de se dire : +J’ai ma place dans les instances, aux postes de direction ou d’éducatrices sur le terrain+. Dans le monde pro, il n’y a pas ou peu de femmes. Pourquoi? Parce que les présidents de clubs sont exclusivement des hommes, il y a juste une directrice générale à Metz (Hélène Schrub). Dans le conseil d’administration, sur 25 membres, je suis la seule femme.
Comment l’expliquez-vous?
Lors de la dernière élection d’un membre indépendant, nous avions la volonté de féminiser le conseil d’administration. Les candidates qui ont été contactées voulaient bien venir, à condition d’être sûres d’être élues. Or, le monde du foot s’apparente, en tout cas au niveau des instances, à la politique, où il faut faire campagne. On a pléthore de candidats et à un moment, il faut aller à l’élection, ce qui peut en refroidir certaines. Par rapport au monde de l’entreprise, l’univers du foot est très particulier. Les femmes sont moins à l’aise dans des mondes où c’est très viril, où on parle fort, où il y a des rapports de force qui sont plus importants.
Comment s’imposer dans un tel monde quand on est une femme?
C’est un travail de fond, culturel et sociétal. Les femmes, à mon avis, doivent accepter certains codes masculins. Les hommes ont tendance à occuper plus d’espace ou à avoir plus naturellement une force de conviction. Une femme va être davantage dans l’écoute, dans l’empathie. Ces +soft skills+, qui sont de plus en plus importants dans le monde de l’entreprise, sont des compétences ou des traits de caractère qui sont peut-être plus féminins que masculins. Cela ne veut pas dire que les hommes ne les ont pas!
Faut-il se battre deux fois plus pour se faire sa place?
Que l’on soit un homme ou une femme, sans travail, il n’y a rien. Je ne me suis jamais perçue comme une femme dans mon travail. Pour moi, le côté féminin, c’est quelque chose sur lequel je me suis interrogé tardivement parce que j’avais toujours inconsciemment intégré les codes masculins. Or il faut assumer ce que l’on est, certaines différences. Il ne faut pas avoir l’impression qu’il y a uniquement un seul modèle. J’ai eu la chance de toujours tomber sur des hommes qui m’ont fait confiance et qui ont considéré que la compétence n’a pas de genre. A partir du moment où j’avais les compétences, ils m’ont soutenue et accompagnée.
Quels sont les préjugés auxquels vous avez dû faire face durant votre carrière?
Le sexisme, je ne l’ai pas connu dans les instances dirigeantes par les présidents de clubs. Au contraire. Je peux le voir en revanche sur les réseaux sociaux où effectivement certains dépassent un peu les bornes. Sinon dans les médias, j’ai pu entendre ou lire qu’à partir du moment où vous faites preuve d’autorité, pour un homme c’est de l’autorité, alors que pour une femme on va souligner un peu le côté +maîtresse d’école+… Ce genre de (propos) n’est pas acceptable.
Quand verra-t-on un jour une présidente de club en Ligue 1?
J’espère rapidement. Les choses dans le monde du foot peuvent changer très vite. Il y a cinq ans, personne n’imaginait voir une présidente à la tête de la LFP. Je reste confiante. On a toute une génération de présidents hommes dont le regard change sur les femmes.
Propos recueillis par Yassine KHIRI.
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