La nouvelle, consternante, tombée samedi dernier à l’effet que deux enfants en bas âge aient été utilisés comme passeurs de drogue n’a pas fini de susciter des réactions. Le choc, l’incrédulité et l’indignation, pour la plupart d’entre nous : comment en vient-on à se servir d’innocents bambins pour transporter de la drogue ? Inimaginable. Incroyable, mais pourtant, vrai.
Dans les colonnes du Mauricien, en juin 2016 déjà, le travailleur social Danny Philippe tirait, pour la énième fois, la sonnette d’alarme. Sous le titre « Des gosses utilisés pour le trafic de drogue », cet intervenant connu des Mauriciens parce que régulièrement présent sur les plateformes concernant la drogue et ses méfaits, prévenait déjà tant ses compatriotes que les autorités à l’effet que des trafiquants sans scrupule que rien n’arrête, se servaient des enfants dans leurs réseaux.
Danny Philippe déclarait ainsi dans Le Mauricien du 17 juin 2016 : « Il y a de très jeunes victimes à différents niveaux. Il y a d’abord ceux qui sont utilisés par les trafiquants pour vendre et stocker leur came. Dans plusieurs régions, actuellement, des enfants, entre 8 et 13 ans, sont impliqués dans le système de trafic comme ‘jockey’, c’est-à-dire qu’ils ‘portent’ le cargo de drogue… Nous avons des enfants, scolarisés, qui transportent dans leurs cartables ces produits, les gardent avec eux le temps d’aller à l’école et de retourner. Cela parce que ces trafiquants savent que des enfants sont au-dessus de tout soupçon et que les policiers n’iront pas fouiller leurs cartables !» Notre interlocuteur n’anticipait pas que le réseau était encore plus rôdé : que les routes internationales avaient déjà été infiltrées ! Ladite déclaration lui valut d’ailleurs de vertes réprimandes de la part de certains politiques…
L’idée n’est certainement pas de venir dire « Voilà : on l’avait dit ! On vous avait prévenus ! » La situation est bien plus complexe, puisqu’elle implique des gosses. L’on sait déjà que le propre des trafiquants, c’est d’avoir une longueur d’avance sur les autorités. Toujours. C’est ce qui fait, entre autres, que leurs astuces ne sont pas facilement détectées aux frontières gardiennées. L’idée d’inclure les enfants dans le trafic, même s’il parait pour nous aussi odieux, n’est, au final, pour eux qu’un moyen parmi d’autres de s’assurer le transport de leurs « produits » ! Puisque payer des mules pour ingurgiter des boulettes d’héroïne dans leurs corps ou les receler dans leurs parties intimes n’est plus un médium fiable. Puisque les cylindres, boîtes de biscuits, objets décoratifs, chaussures, fonds cachés des valises et on passe, sont désormais passés au crible, plus possible donc d’y camoufler leur came !
L’idée, si l’on réfléchit comme le trafiquant, c’est d’exploiter au maximum le filon le plus insoupçonnable. D’où l’enfant. Qui irait penser qu’un gosse transbahute de la drogue dans ses affaires: son cartable, une valise ou un sac à dos ? Avant ce samedi 11 mai, personne ne doutait des enfants. Mais désormais, on y pense à deux fois. Et nos gosses sont mal barrés !
D’abord, est-ce qu’il y a d’autres enfants impliqués dans le même type d’opération ? Comment les identifier et les en extraire ? Quel encadrement leur donner ? Peut-on les renvoyer dans leur environnement habituel, si c’est là qu’ils ont été identifiés pour devenir des mules ? Quelles législations appliquer dans leur cas ? Comment les accompagner pour leur faire prendre la mesure de ce qu’ils ont fait ? Et comment les aider à ne pas répéter le schéma, devenant ainsi des victimes du trafic ? Maurice ne semble pas du tout paré à ces éventualités.
L’on pencherait déjà dans un premier temps pour une vaste et régulière campagne de prévention et de conscientisation dans nos écoles primaires et secondaires. Dans le but d’informer nos gosses pour qu’ils ne deviennent pas des victimes innocentes des crapules que sont les trafiquants; pour qu’ils soient éveillés aux dangers qui les guettent. Les parents devraient également être sensibilisés sur le sujet, parce que rien ne dit que certains parents ne sont pas de mèche avec des marchands de la mort… Pour sortir en un claquement de doigt de la pauvreté, par exemple. Voyager, mener un train de vie de prince et de princesse, entouré de luxes. Encore du pain sur la planche pour le ministère de l’Éducation !
Husna RAMJANALLY