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Grands-parents : Ces grands laissés-pour-compte

Être grands-parents est un moment souvent attendu dans l’existence d’une personne. Pour certains, la réalité est loin d’être de tout repos. La Journée des grands-parents, observée le 26 septembre, a pour but de sensibiliser l’opinion publique sur le respect que les enfants et les petits-enfants doivent à leurs aînés. Mais ce sont souvent les coups, les injures, le délaissement et l’abandon qui sont le lot quotidien d’une partie de nos seniors, comme en témoignent les cas de violence et de maltraitance de ces derniers mois.

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Ils vivent un véritable cauchemar et ne savent plus à quel saint se vouer. “Ce n’est pas facile de vivre seule. Quand leur père était encore vivant, tout se passait bien. À sa mort, ils m’ont tous lâchée et ne me laissent plus voir ceux que je considère comme mes petits-enfants”, confie Lourdes, 66 ans, le cœur gros. “Je ne vois pas la couleur de ma pension de vieillesse, car mon fils en prend la totalité pour se procurer sa drogue. Pour survivre, je travaille encore dans lakour madam”, raconte Rakshmee, 70 ans. Rosemond, 85 ans, avoue “souvan dormi vant vid akoz bann zanfan inn bizin sorti ek travay tar”.

Vulnérabilité des aînés.

Trop souvent, nos aînés sont victimes de leur vulnérabilité. La découverte récente à St-Pierre du corps de Dhanon Dawoonath, 85 ans, agressé par nul autre que son fils en est encore la preuve. “Les enfants et les personnes âgées sont souvent les plus fragiles”, souligne Pascale Dinan, présidente de la Fédération internationale des associations de personnes âgées (FIAPA). “Mon époux et moi sortons de chez nous dans la peur. C’est chaque fois la même histoire : nous nous retrouvons avec notre poubelle enfoncée et autres biens saccagés par des jeunes qui, sous l’effet de produits illicites, abusent de notre vulnérabilité”, confie Floriane Atin, la soixantaine.

Par rapport à la montée des cas de maltraitance envers nos aînés, Pascale Dinan, “fait un parallèle avec la montée du trafic illicite des drogues chez les jeunes. Ils sont de plus en plus consommateurs mais deviennent aussi des dealers, des proies faciles pour les gros bonnets pour une infiltration réussie auprès des adolescents. Le goût de l’argent facile, le besoin de faire partie d’un groupe, d’être intégré, l’accès facilité aux drogues peuvent entraîner une escalade de violence”. L’époux de Floriane ne peut plus parler, “kar zot menas pou al sers sab”. La plupart du temps, “les autorités font la sourde oreille ou se renvoient la balle car c’est un quartier chaud”. Floriane vit dans la peur, car ces jeunes ont menacé de mettre le feu à sa maison.

Perte de valeurs.

Pascale Dinan met en évidence “une perte de valeurs dans la société. Nos aînés sont certes vulnérables, mais s’il y a quelqu’un qui les soutient, une solidarité interfamiliale qui apporte une sécurité, cette vulnérabilité est prise en charge. En revanche, si la personne est isolée, c’est plus compliqué”.

Tout comme Rakshmee, Rosemond n’est plus autonome et ne peut récupérer et gérer lui-même sa pension de vieillesse. Le veuf a des problèmes de vue et sa mobilité est réduite. “Mo pa dir zot kokin li, me zot pa fer ase zefor pou aste seki neseser pou mwa. Kan ou koze ou vinn move e zot dir zot pa pou pran ou sarz.” Une situation que l’octogénaire vit très mal, se sentant prisonnier du bon vouloir de sa descendance. Il a le choix entre souffrir en silence et aller dans une maison de retraite.

Parlant de son fils, Rakshmee a la gorge nouée. “Depuis trois ans, je ne le reconnais plus. Devant mes petits-enfants, il détruit tout dans la maison et profère des jurons si je refuse de lui donner mon argent.” La présidente de la FIAPA explique que “financièrement, une personne âgée peut devenir une victime si sa pension de vieillesse n’est pas utilisée comme il se doit mais récupérée à d’autres fins”. Un avis que partage Jacqueline, travailleuse sociale. Elle confie que le respect envers les parents et grands-parents n’est plus ce qu’il était. Certains aînés sont maltraités et tolérés uniquement pour leur pension.

Manque de communication.

Rolande Françoise, présidente du Club de troisième âge Nazareth, raconte que les personnes du troisième âge sont de plus en plus isolées. “Naguère, nous étions pauvres mais les familles vivaient ensemble dans une entente commune. Aujourd’hui, les murs sont érigés de plus en plus haut entre voisins et au sein même d’une maison. Le silence et le manque de communication sont beaucoup plus étouffants pour les aînés.”

C’est pourquoi eux qui en ont l’opportunité se tournent vers les clubs de troisième âge et des structures plus spécialisées. “Le manque de lien familial que certains ressentent à la maison, ils le retrouvent au sein de ces structures où ils se sentent comme dans une famille. Autrefois, entre parents et enfants, il y avait un rapprochement solide. Aujourd’hui, c’est chacun pour soi”, souligne notre interlocutrice. Les membres du club se retrouvent, discutent, jouent et font des activités indoor et outdoor. C’est aussi la fierté de se sentir valorisé au sein d’un groupe, confie Shrootee Purgus, la Chairperson du Soroptimist Day Care Centre for Elderly. “Trop souvent, les personnes du troisième âge sont livrées à eux-mêmes dans la journée.

Avec les enfants qui travaillent ou presque pas présents, elles tombent dans une routine et se sentent délaissées. Elles ne sont pas toujours en sécurité.”
Des vécus très lourds dans une île Maurice vieillissante, que partagent Floriane, Rakshmee, Rosemond, Lourdes, mais aussi des centaines, voire des milliers de grands-parents qui souffrent toujours en silence.


Reshma, 69 ans, battu par son fils alcoolique

“Kan mo garson bwar, mo pa kapav koze tansion li bat mwa. Mo viv enn vre kosmar”, confie Reshma, les larmes aux yeux. Depuis la mort de son époux l’année dernière, cette sexagénaire habitant Port-Louis vit un véritable cauchemar. Ses filles refusent de lui adresser la parole et elle ne peut plus voir ses petits-enfants. “Elles me demandent de jeter leur frère dehors pour ne plus subir son comportement violent, me si mo met li deor, ki li pou fer, kot li pou ale ?”

Las du refus de leur mère d’obtempérer à leurs requêtes, les filles de Reshma ont tout simplement coupé les ponts avec elle. Aujourd’hui, Reshma se sent plus isolée que jamais, avec comme seule famille un fils tantôt violent tantôt alcoolisé. Ce qui est le plus dur pour elle, “se ki mo nepli kapav trouv mo bann ti-zanfan ki ti mo lazwa de viv ek mo rezon pou kontigne avanse. Me kouma ou le mo swazir ant mo lame ek mo lipie ?”


Soroptimist – Accueillir les seniors vulnérables

Environ trente personnes âgées sont réunies sur la terrasse du centre Soroptimist (Day Care Centre for Elderly) à Camp Levieux. Ils se passent un chapeau au rythme de la chanson de Clarel Armel Bal Souki souki avant que la musique ne s’arrête et que celui qui porte le chapeau soit éliminé. La bonne humeur, les rires et les yeux pétillant de joie de ces seniors qui respirent la joie de vivre font plaisir à voir. L’heure est à la fête.
Lorsqu’ils rentrent chez eux dans la soirée, c’est le silence, l’isolement et la tristesse que retrouvent nombre de bénéficiaires de ce centre, qui ouvre ses portes en semaine de 9h à 17h. Géré par un groupe de femmes, ce centre inauguré en 2009 accueille des personnes âgées vulnérables et nécessiteuses de la région de Camp Levieux et des alentours. Les aînés doivent être autonomes. Le petit-déjeuner, le déjeuner et le goûter sont offerts gratuitement et plusieurs activités leur sont proposées : footing, jeux, quiz, animation, causerie, tai-chi, danse, suivi sur leur régime alimentaire. “Dans les causeries, nous leur faisons prendre conscience de leurs droits et leur offrons un support psychologique”, souligne Shrootee Purgus, la Chairperson du Day Care Centre.


Ce que dit la loi !

Si vous êtes témoin ou souhaitez dénoncer un cas de maltraitance envers une personne âgée, les hotlines 172 et 199 sont à votre disposition. L’Elderly Persons Protection Unit a été mise sur pied en 2006 sous la Protection of Elderly Persons Act 2005. À travers plusieurs régions de Maurice, des elderly watches ont été mises en place et s’efforcent de prévenir les cas d’abus et de maltraitance envers les seniors, tout en assurant leur bien-être.


Micro-trottoir

Sylvie Wingard, 66 ans
“Les enfants de plus en plus désobéissants”

C’est une Journée non seulement pour resserrer les liens familiaux mais aussi pour que les jeunes puissent prendre conscience de l’importance des personnes âgées dans la société. Nos enfants sont de plus en plus désobéissants.”

Benjamin Murujan, 67 ans
“Des aînés qui sont battus”

Mes trois enfants sont mariées et ont chacun leur vie et nous avons de très bonnes relations. Cette Journée a son importance pour les enfants qui sont un peu plus récalcitrants aujourd’hui. Leur parler ne sert plus à rien. Il y a même des aînés qui sont battus”

Simone Herminette, 87 ans
“À mon époque, c’était différent”

À mon époque, c’était différent. Les enfants avaient énormément de respect envers les plus grands. Aujourd’hui, ils ne vous voient pas, ne vous écoutent pas. Je n’ai pour ma part pas ce problème car j’ai grandi mes enfants dans le respect des valeurs.

Gladys Rome, 75 ans
“Nepli ena respe pou gran”

La vie ne m’a pas épargné. J’ai eu cinq enfants et trois sont morts. Le premier alors qu’il était bébé, le deuxième d’une thrombose et le troisième dans un accident de la route. C’est par la force de la prière que j’ai pu remonter la pente. J’ai dix petits-enfants et quinze arrière-petits-enfants. C’est une Journée très importante pour mettre en lumière le respect dont les enfants doivent à leurs aînés. Kar ena nepli ena respe pou gran.”

Stenio Jean Joseph, 71 ans
“Mes enfants sont toujours aussi reconnaissants envers moi”

La façon dont j’ai grandi mes enfants se voit dans le respect qu’ils ont envers moi aujourd’hui. J’ai travaillé pour assurer leur avenir et mes enfants sont toujours aussi reconnaissants envers moi.”

Elsie Nankoo, 78 ans
“Manque de communication”

Je n’ai rien à reprocher à ma famille. Cependant, il est important de mettre en avant le manque de communication présent dans certaines cellules familiales à travers une Journée.

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