Situé dans le sud-est à quelques kilomètres de l’aéroport de Plaisance, Plaine Magnien jouit d’une atmosphère sereine malgré ses routes fréquentées. Le village abrite des boutiques, des écoles, des supermarchés, des banques, des ateliers de mécanicien, des boulangeries… Malgré les nouvelles infrastructures, Plaine Magnien a conservé son charme d’antan.
La boutique qui a marqué les esprits
Connue des villageois et des passants qui empruntent la route principale de Plaine Magnien pour aller à l’aéroport, St Esprit Prestige Store existe depuis plus de cinquante ans. La vieille boutique rouge est incontournable. Les rideaux de fer baissés peuvent induire les passants en erreur. À l’intérieur, les vieilles étagères remplies d’aliments et de produits renvoient les gens à une époque révolue.
Le sourire et l’accueil de Roland Keemew, le propriétaire, sont légendaires. Il nous raconte que la boutique appartenait à son père, Ah Miow. “Mon père est d’origine chinoise. Il a vécu pendant de nombreuses années dans la localité.” Les aiguilles défilent, les clients investissent la boutique. Son fils, Jason Keemew, s’attelle à les servir. “Mon fils prendra la relève. Après le collège, il ne voulait pas continuer ses études et voulait reprendre le business familial. Ça tombe bien pour moi. De nos jours, les jeunes ne veulent plus exercer ce métier”, confie le boutiquier de 62 ans.
Père et fils travaillent côte à côte pour que ne meure pas leur héritage. Grâce à la bonne réputation du père de Roland, les villageois continuent à leur faire confiance. “Se mo papa so nom ki pe res marse la. Ziska ler dimounn dir nou al laboutik Ah Miow.” Comme bon nombre de ti-laboutik sinwa, il opère toujours à l’ancienne. Les habitants viennent pour acheter des produits qui leur manquent. “Dimounn ankor met kont ek nepli ena ki vinn fer rasion. Je sais qui sont les bons et les mauvais payeurs”, dit le boutiquier.
Natif de ce village, Roland a vu naître les autres boutiques des environs. “À l’époque, il y avait moins de voitures et de boutiques. Avant la construction de la route menant vers l’aéroport, beaucoup de touristes empruntaient ce chemin. Ils venaient acheter des petits souvenirs chez moi. Aujourd’hui, la route est moins mouvementée.”
Roland Keemew continue tranquillement son travail. “Une fois, un touriste qui avait vu le nom de ma boutique est entré et m’a dit : Je pense qu’il y a de tout ici car elle s’appelle St Esprit.”
“Landrwa-la bien zoli”
Après la banque, la station-service et plusieurs autres boutiques, un joli paysage tapisse le fond du bourg. Des monticules de pierres, que certains appellent “pyramides”, peuvent être aperçus. “Je ne sais pas exactement de quoi il en retourne mais je sais que les pierres ont été placées par la propriété Mon Trésor Mon Désert”, dit James Claude.
De l’autre côté du chemin, presque en face de l’arrêt d’autobus, vivent Fleurette Claude, la mère de James, ainsi que toute sa famille. La dame de 75 ans habite la région depuis sa naissance. “Avant de me marier, j’habitais au tout début du bourg.” Son village, elle l’adore. “Quand je sors, j’ai hâte de rentrer chez moi. J’aime la vie ici. Landrwa-la bien zoli”, dit-elle en riant.
Fleurette savoure chaque moment de la vie, après les nombreuses années où elle a exercé comme bonne à tout faire. Elle se livre avec beaucoup de pudeur et raconte que le village était quelque peu différent. “Il y avait peu de monde mais énormément de plantations de cannes à sucre. Avan, mo lakaz ti an lapay. Aster ena bel bel lakaz. Partou inn bien ranze. Ti ena enn ta laboutik kraz kraze.”
Le vendeur de dholl puri ambulant
Pour mieux découvrir Plaine Magnien, rien de mieux que de sillonner le village à pied. À quelques kilomètres de la maison de Fleurette Claude, nous nous retrouvons au cœur de Plaine Magnien. Été comme hiver, il fait bon de vivre dans ce hameau. Les maisons en paille n’existent plus et les boutiques et les bâtiments ont fleuri. Ateliers de mécanicien et échoppes se succèdent le long de la route principale où les commerçants s’adonnent tranquillement à leurs activités.
Rien ne gâche la balade. Les villageois continuent leur chemin, d’autres s’arrêtent pour faire la causette et font la queue devant Raffick Uteem. Depuis quinze ans, ce dernier vend des dholl puri sur sa motocyclette équipée d’une malle. “Avant, j’étais laboureur. Pour des raisons de santé, j’ai tout quitté pour vendre des dholl puri”, dit cet homme de 62 ans. “Je travaille uniquement pour avoir de quoi remplir mon caddie et non pour me remplir les poches. Je me contente de ce que j’ai et je remercie le bon dieu”, dit-il, avant de servir l’un de ses clients habituels, Sylvano Bachelier, membre de Mahela & The Unity Vibes.
Murvin Clélie et Sylvano Bachelier, les chanteurs de Plaine Magnien
À Plaine Magnien, les gens apprennent à se connaître, à partager et à vivre ensemble. L’ambiance est très animée. “Je conseille aux Mauriciens de visiter Plaine Magnien”, confie le chanteur et musicien Sylvano Bachelier, qui vient de sortir le mois dernier un album intitulé Limanite. La vie au village l’inspire, au point d’écrire des chansons et de faire sa musique posément.
C’est aussi le cas de Murvin Clélie. “Li pou difisil pou mo kit mo landrwa mo ale. Se la ki mo’nn viv ek mo anvi fini. C’est aussi là que je compose et que je trouve l’inspiration.”
Sylvano Bachelier poursuit : “Nous sommes soudés malgré les hauts et les bas. Il n’est pas difficile de se faire des amis. Kan ou korek ek enn dimounn, dimounn-la pou korek ar ou. Il existe quelques soucis, comme partout dans l’île. Mais j’aime mon village comme il est.”
Sylvano Bachelier raconte que tous les ans, durant la période des festivités, un concert est organisé à Cité Paul Langlois, avec notamment Murvin Clélie. “Tout est gratuit. Entre artistes, nous sommes unis car nous ne sommes pas nombreux dans la région du sud. Cela fait quelques années que nous le faisons. Les gens sont contents. Le concert réunit tout le monde.”