Petit village de pêcheurs à l’origine, Albion s’est transformé ces quinze dernières années pour devenir une zone résidentielle prisée. Les morcellements ont poussé comme des champignons, avec une migration d’habitants des villes; le Club Med, érigé en 2006, a apporté un attrait touristique. Mais des projets dangereux pour l’environnement, source de grande préoccupation pour les habitants, sont venus briser la tranquillité du village ces dernières années. Jérôme Malherbe, agent immobilier résidant à Albion, a gentiment accepté de nous faire visiter son village.
Une vague de tranquillité envahit celui qui se rend à Albion en semaine. L’atmosphère y est agréable, l’air pollué des villes y est étranger. La température en hiver est agréable, le sable est fin, la mer attirante. Une balade près du phare rafraîchit l’âme. Marcher pieds nus sur le sable fin de la plage publique est un vrai délice. Autant de raisons qui ont incité les Mauriciens à s’y installer ses dernières années. Comme le souligne notre guide, Albion a considérablement changé en l’espace de quinze ans.
“Les gens des villes, notamment des retraités, ont voulu s’éloigner du stress et de la pollution pour venir se poser dans ce lieu tranquille et paisible.” Albion compte désormais entre 12,000 et 15,000 habitants.
Cette migration se poursuit encore, avec de nombreuses constructions dans plusieurs quartiers du village, près du phare, près du Club Med ou près de l’église. Dans ces morcellements, de belles et grandes maisons ont été construites, donnant un autre cachet au village. Ceci, couplé à la présence de l’hôtel, a drastiquement changé le rythme de vie des habitants. Cela a fait travailler les commerces de l’endroit, à l’instar des supérettes, tout en invitant des investisseurs à ouvrir des restaurants ou des échoppes pour vendre de la nourriture, à l’instar d’Ah Kong et de ses fameuses boulettes. Seul bémol pour l’instant : les habitants se plaignent de l’absence d’un centre commercial. Mais leur souhait pourrait bientôt se réaliser puisque le propriétaire de Dodo Supermarket, supérette très connue de la région, projette d’élargir ses activités.
Des projets contestés.
Petit village dans le nord-ouest du pays, calé entre Bambous et Pointe aux Sables, Albion a souvent été dans l’actualité pour différentes raisons. Le viol et le meurtre de Nadine Dantier en 2003 demeurent toujours dans la mémoire collective. Plus récemment, le projet d’une centrale à charbon a provoqué l’ire des habitants, mais a été abandonné, avant de faire place à un autre projet d’envergure, une jetée pétrolière. Un acharnement qui a eu des effets néfastes sur les prix des terres et des maisons des alentours, avec l’éventuelle pollution qui pourrait en résulter.
Quant aux pêcheurs, communauté désormais très petite d’Albion, ils se plaignent des projets annoncés, qui menaceraient leur gagne-pain. “Ces projets vont beaucoup nous affecter. S’ils construisent une jetée pétrolière, les bateaux vont faire le va-et-vient et leurs ancres vont certainement détruire les coraux. Les poissons en viendront plus ici. Qu’allons-nous pêcher à ce moment-là ?” Ils s’insurgent que leurs casiers aient été détruits par des travaux qui ont eu lieu il y a quelques semaines. “Des bateaux sont venus passer de longues cordes, abîmant nos casiers. Ils auraient dû nous prévenir. On n’aurait pas placé les casiers là-bas.”
Manque de loisirs.
En amont, à Camp Créole, l’atmosphère est agréable. Non loin de l’école primaire, nous apercevons des maisons en tôle et en bois. Joanna Luchooman, 28 ans, confie qu’il fait bon vivre dans cette région mais que quelques inconvénients sont à déplorer. “À chaque fois qu’il y a de grosses averses, ma maison est inondée. Nous avons fait plusieurs plaintes à ce sujet. Ils sont mêmes venus creuser des drains mais ils ne sont pas efficaces car les inondations se poursuivent.”
Christelle Moussa, travailleuse sociale, craint le fléau de la drogue, qui touche de plus en plus les jeunes des quartiers défavorisés. “Il y a pas mal de petits garçons qui fument des cigarettes et beaucoup d’autres qui sont touchés par la drogue, notamment les drogues synthétiques. À mon avis, le manque de loisirs et d’encadrement en est la cause. Il suffirait qu’on les encadre autour d’une équipe de volley-ball, de football ou un autre sport pour éviter qu’ils ne tombent dans ces fléaux.”
Le village dans l’ensemble jouit d’une grande tranquillité en semaine. Le week-end, c’est une tout autre histoire, selon les habitants. Un Albionnais, qui n’a pas souhaité dévoiler son nom, affirme que les pique-niques sur la plage publique les week-ends finissent souvent en bagarres. “C’est toujours comme ça ici. Ce sont des gens qui viennent d’autres endroits qui viennent gâcher notre réputation. Zot bwar zot sou, apre zot lager. Je ne compte plus les fois où la police a dû intervenir sur la plage pour empêcher que cela ne dégénère. J’habite tout près de la mer mais je n’y vais presque pas pour cette raison. Je préfère rester chez moi tranquillement.”
Hemma Bappoo, marchande de légumes, abonde dans le même sens. “Souvent, les chauffeurs de bus doivent s’arrêter au poste de police car les gens sont saouls et ne veulent pas payer leurs trajets.
Le phare d’Albion
L’une des principales attractions d’Albion est son phare, qui surplombe fièrement les falaises de Pointe aux Caves. Dernier phare encore en activité à Maurice, celui-ci est d’une extrême importance car il guide les navigateurs et les pêcheurs dans la nuit, leur évitant de s’échouer sur les falaises ou les coraux. Le naufrage le plus célèbre de la région est celui du Banda en 1615, qui avait à son bord un certain Pieter Both.
Le phare a été construit en 1810 pendant l’occupation anglaise. Son inauguration porte la signature du gouverneur britannique Sir Cavendish Boyle. L’ensemble de sa structure culmine à 46 mètres de haut; la tour elle-même mesure 30 mètres. Pendant une quarantaine d’années, le phare a fonctionné au pétrole, avant d’être alimenté par des batteries à partir de 1952. En 1973, il a été connecté au réseau du Central Electricity Board (CEB).
Terre de Paix
Albion abrite l’une des organisations caritatives les plus connues du pays, Terre de Paix. Situé à Camp Créole, dans le village d’Albion, Terre de Paix a pour mission de venir en aide aux personnes rencontrant des difficultés pour s’insérer socialement. Rebaptisé Fondation pour l’enfance, l’organisme s’est tourné vers la prise en charge d’enfants vulnérables avec sa structure de services résidentiels. Il est également doté d’une école spécialisée pour des enfants éjectés du circuit normal. La fondation abrite également une garderie et une école maternelle.
Depuis quelques années, Terre de Paix s’est doté d’un jardin d’éveil, situé non loin du Club Med. Actuellement, Terre de Paix accueille une cinquantaine d’enfants.
Rappelons que Terre de Paix a été construit à l’initiative du frère Julien Lourdes. Le centre a été bâti en 1979 à partir de matériaux provenant d’une maison close détruite à Cité Barkly.