Entouré d’une nature luxuriante, Notre Dame se situe entre Montagne Longue et Terre Rouge. Loin du stress quotidien, le village a su conserver son âme d’antan. Le nombre d’habitants a augmenté, les boutiques ont fleuri et l’église Notre Dame de la Délivrance continue d’avoir de nombreux visiteurs. Tout cela contribue à faire de ce hameau un lieu rustique et agréable.
Le musicien dont le bourg est fier
Premier arrêt de notre escapade. Nous nous retrouvons sur le parvis de l’église avec Ludovic Chery, un musicien issu du quartier. Avec sa bande d’amis, il a créé il y a dix ans la formation musicale Melodious. “Les gens de la localité font souvent appel à moi pour des fêtes. Avec mon groupe, nous sommes en train de préparer la fête de la musique le 21 juin, qui se fera sur le terrain de foot.” Avec l’appui de ce trentenaire, pour qui l’épanouissement des habitants compte, des concerts ont lieu à Notre Dame les après-midi ou en soirée.
Ludovic Chery initie également les jeunes qui veulent apprendre à jouer d’un instrument de musique. “Je fais du mieux que je peux pour que les jeunes ne tombent pas dans les fléaux de la drogue synthétique. Je leur parle librement et ils me font confiance. Comme moi, beaucoup veillent au bon déroulement du village”, confie le musicien, qui accompagne Sylvio Louise, Lom Nick de Rodrigues et Daniella Résidu.
Ce père de quatre enfants nous indique la maison de son enfance, située à quelques rues de l’église. À l’époque, il y avait peu d’habitants et les enfants parcouraient toute la campagne ensemble dans un esprit de franche camaraderie. “Avec les jeunes de mon âge, nous participions aux journées d’activités organisées par les villageois. Beaucoup de fêtes culturelles étaient organisées. Maintenant, il n’y a rien de tout cela.”
Heureux de vivre à Notre Dame
À quelques pâtés de maisons de l’église, nous arrivons chez les Legallant. Yves Legallant nous accueille au salon, où son épouse Micheline et sa belle-sœur Jane Legallant sont installées. Ils nous parlent de la vie et des traditions à Notre Dame. L’endroit est connu pour son église. Les femmes enceintes viennent faire des vœux et des prières durant leur grossesse.
Ils nous parlent aussi de la propriété sucrière, Nouvelle Industrie, où la plupart des habitants trouvaient de l’emploi. “Mon mari a travaillé pendant de longues années à Nouvelle Industrie. La vie était dure mais nous étions heureux. Nous avons pu élever nos deux enfants”, confie la dame de 69 ans, son petit-fils dans les bras.
Grand-mère attentionnée, elle a été jadis enseignante dans une ti-lekol. “Je n’avais pas de boulot. Je devais aider ma mère et nous étions six enfants. La plupart des femmes étaient bonnes à tout faire.” À l’époque, la maternelle coûtait Rs 1, Rs 1.50 et Rs 2. “Lekol-la ti dan mo lakour. Les enseignantes devaient aller chercher les enfants et les reconduire chez eux. Bann paran ti pe atann lor bor sime.”
La roulotte rouge
Nous traversons plusieurs boutiques et maisons, tandis que la pluie interrompt notre balade. Une pause chez Danwantee Ujoodha, la marchande de gâteaux, s’impose. Au moment où nous nous entretenons avec la quadragénaire, le parfum de gâteaux frits envahit nos narines. Certains passants achètent quelques fritures avant de se rendre à l’arrêt d’autobus qui se trouve à moins d’une minute.
Debout dans sa roulotte rouge, Danwantee Ujoodha prépare ses gâteaux. Son fils et son mari sont dans leur champ qui se trouve à côté de la roulotte, occupés à travailler la terre. Danwantee vend des gato patat, des farata, une petite variété de curry et du jus de tamarin. “Je vends des gâteaux depuis deux ans. C’est fatigant mais il faut bien que je le fasse”, dit cette mère de deux enfants, qui habite la région depuis 25 ans.
L’amour de cultiver la terre
Les mains remplies de boue, Adarsh Ujoodha, le fils de Danwantee Ujoodha, traite ses plantes soigneusement. Il cultive du chou-fleur, de la coriandre, entre autres. “La plantation a toujours été ma passion. Je prends le temps qu’il faut pour traiter les plantes. C’est une joie inimaginable de les voir grandir”, confie cet ancien comptable de 22 ans, qui a tout plaqué pour cultiver la terre avec son père. “À Maurice, trouver un poste convenable est un peu difficile. Je me retrouve à travailler avec mes parents. Je veux faire de la plantation mon métier.”
Adarsh a baigné dans la culture de légumes depuis sa tendre enfance. Il a toujours aidé ses parents au champ. “J’ai vécu pendant trois ans au Kenya. J’ai passé un nombre d’heures incalculable à travailler. Au début tout était parfait, mais j’ai fini par m’épuiser. J’ai préféré rentrer au pays.”
Adarsh connaît toutes les méthodes pour faire pousser les légumes. Il ne sert pas trop de fertilisants et préfère utiliser du fumier. Il souligne que la région est propice à la culture de légumes. “Tout dépend de la saison. Il y a des légumes qu’on essaie de faire pousser en hiver mais ils n’arriveront pas à mûrir. Actuellement, c’est la saison du chou-fleur.”
À deux, père et fils constituent une équipe de choc. Ils passent une bonne partie de la journée au champ. Ils vendent leurs récoltes les jeudis et les dimanches à la foire de Montagne Longue.
Azad Koheratee, le camionneur
Non loin du champ des Ujoodha, nous croisons Azad Koheratee, en route pour le boulot. Il s’arrête pour nous parler. “J’aime la vie ici. Nous vivons paisiblement, hormis certains jeunes qui gâchent l’image du village. Tous les gens me connaissent car je suis camionneur. J’aide beaucoup les gens à transporter leur livraison gratuitement si besoin est”, confie cet homme de 48 ans. Azad travaille à son propre compte et transporte des matériaux de construction depuis vingt ans.
La boutique de la mama
Est-ce un hasard si la boutique de Marjolaine Lisette s’appelle Cilaos ? En tout cas, elle se situe presque sur le flanc de la montagne, au fin fond du bourg. Marjolaine nous ouvre gentiment la porte. “Après avoir déposé mes bagages à Notre Dame, j’ouvrais ma boutique un an plus tard”, confie la boutiquière de 55 ans, qui habite la région depuis onze ans. “
À 21h, toutes les boutiques sont fermées et parfois nous devons nous rendre à Montagne Longue. Si quelqu’un n’a pas suffisamment d’argent, je l’aide du mieux que je peux.”
Elle incarne l’image de la femme battante et gère seule sa boutique depuis le décès de son mari. “Je ne pense pas qu’à mon âge, j’aurais de l’emploi ailleurs. Les gens sont respectueux envers moi. Ils m’appellent tous mama, qu’importe leur âge.”
Le chouchou de ces dames
L’heure tourne, le vent souffle un peu plus fort, mais l’atmosphère est toujours sereine, hormis les aboiements des chiens. À quelques mètres de Cilaos Boutique, nous rencontrons Ismael Hossenbaccus, en pleine discussion avec ses amis. Quelques minutes plus tard, le jeune homme de 17 ans nous emmène chez lui. Il habite Notre Dame depuis dix ans. “Les jeunes manquent de loisirs et d’activités. Heureusement que quelques musiciens vivent ici et organisent des concerts pour nous divertir.”