Alors que la Journée internationale des zones humides a été célébrée le 2 février, Maurice permet une énième construction au sein d’une zone humide à Grand-Baie. Les travaux ont commencé la semaine dernière et le Forum Citoyen Libre prévoyait de mettre une injonction en cour. Même si le pays est signataire de nombreuses conventions internationales environnementales, en l’occurrence celle de Ramsar, qui l’incite à protéger ses zones humides, les autorités démontrent une fois de plus que le développement aura toujours la priorité sur la protection de l’environnement.
Bien que championne dans la signature des traités environnementaux, Maurice a pris la fâcheuse habitude de figurer parmi les pays qui ne les respectent pas toujours. Nos décideurs font souvent fi de la protection de l’environnement lorsqu’il s’agit du développement. Signataire de la Convention de Ramsar, qui assure la protection des zones humides, le pays a pourtant trouvé le moyen d’y autoriser des constructions. Résultat : plus de la moitié de nos wetlands a été comblée.
Les exemples sont nombreux : Flic en Flac, Trou aux Biches, Cap Malheureux et Grand-Baie ont tous été témoins de comblement de zones humides pour permettre des constructions d’habitations ou la mise en place de projets IRS. À Centre de Flacq, un supermarché a été érigé au beau milieu d’une wetland.
Dernier exemple en date : le développement d’appartements dans une wetland à Grand-Baie, dont les travaux ont commencé la semaine dernière. À l’heure où nous mettions sous presse, le Forum Citoyen Libre (FCL) prévoyait de mettre une injonction en cour pour stopper les travaux. “Nous avons contesté l’EIA en cour en août 2017 et nous sommes en attente d’un jugement. Nous devons à tout prix mettre une injonction pour stopper ces travaux, qui causeront des dommages irréversibles à cette zone humide”, confie Georges Ah Yan, porte-parole du FCL.
Zone inondée en temps de pluie.
Les gens du voisinage se sont vite révoltés, demandant aux autorités de faire marche arrière. “On ne nous a jamais consultés avant de permettre une telle construction. Depuis des années, personne ne construit autour de cette zone humide car elle est inondée en temps de pluie. Cela fait un an et demi que nous avons vu un panneau indiquant la construction d’appartements. Nous avons demandé au gouvernement de ne pas aller de l’avant”, explique un habitant de la région. Dans certains endroits comme Pointe D’Esny, le développement a contribué à changer la face des wetlands. La route côtière a entravé l’interaction entre la mer et la wetland, mettant en péril les espèces de mangliers et d’animaux marins qui y habitent.
Quand on ne construit pas directement dans les wetlands, on ne se soucie pas des effets que peut avoir le développement dans leur proximité. C’est le cas à La Cambuse, où la construction d’un hôtel, couplé à celle d’une route, a été contestée, il y a quelques années. Selon Georges Ah Yan, les deux constructions mettent en péril les zones humides de la région : le parc marin de Blue Bay, un des trois seuls sites Ramsar de Maurice, et la wetland de Mare aux Songes, où on a retrouvé des squelettes du dodo. “Il est clair que construire un hôtel à deux pas du parc marin de Blue Bay, qui est un site Ramsar, met en péril ce site. La route qui mène à l’hôtel passe à moins de 30 mètres de la wetland de Mare aux Songes, ce qui est interdit par les lois.”
Waste lands
Certaines zones humides sont devenues des décharges publiques. Vikash Tatayah, directeur de la Mauritian Wildlife Foundation, le souligne : “Les wetlands ont longtemps été considérées comme des waste lands. La population n’a pas compris leur valeur écologique. Les gens ont pris l’habitude d’y jeter leurs déchets.”
Mais le comblement des zones humides pose aussi un problème pour ceux qui habitent alentour. En effet, un des rôles des zones humides est d’empêcher les inondations, car ces zones captent l’eau. Comblées, elles ne peuvent plus remplir cette fonction. En témoignent les inondations fréquentes qui se produisent à Flic en Flac après de grosses averses. “Les zones humides agissent comme des éponges. Quand on les détruit, cela provoque des inondations, voire des flash floods”, précise Vikash Tatayah.
Il regrette qu’il n’y ait pas une loi Ramsar. “La convention demande que les sites classés Ramsar bénéficient d’une protection, mais elle n’a pas force de loi. Il y a certes une Wetlands Bill qui est en préparation, mais elle tarde à venir. Cela dit, il y a des provisions dans les lois existantes qui peuvent protéger les wetlands. Encore faut-il que les autorités s’en servent.”