« Aret kouyonn dimounn ! » D’emblée, situons cette réprimande qui sert de marqueur à ce billet. Elle aurait aussi bien pu émaner de beaucoup de Mauriciens désillusionnés. Il s’agit ici de l’une de nos voix les plus pertinentes et engagées, en l’occurrence Reaz Chuttoo, à propos de la compensation salariale. Il fustige le calcul censé corriger la perte de pouvoir d’achat : l’inflation mesurée à 3,6 % est fondée sur un revenu moyen mensuel de MUR 27 000 et elle est loin de corroborer le vécu d’un citoyen percevant un salaire de, disons, MUR 8 500. En clair, une grande majorité de Mauriciens sont en général sous-compensés et subissent ainsi une perte de pouvoir d’achat réelle et constante.
Les répercussions sont multidimensionnelles. Comme dans le cas du prétendu taux élevé de citoyens propriétaires d’une résidence, les politiques nationales sont fondées sur des chiffres farfelus. Résultat, rien de plus prévisible : quasiment aucun résultat. Si ce ne sont que des inadéquations systémiques et pour sauver la face, le recours au firefighting, à la recherche du “feel good factor” éphémère ou, pire, au blâme du citoyen pour la démotivation dont il n’est pas totalement responsable. Dans une petite économie très ouverte, la performance de la monnaie locale se révèle déterminante dans la quête d’un développement équilibré. Pour parodier le dicton supposément gagnant : quand les résidences de luxe pour étrangers vont, rien ne va ! Souveraineté alimentaire comprise.
Pratiquement tous les centres financiers arriment leur monnaie. Ce qui, de surcroît, sert à minimiser les distorsions inévitables quand des fonds « blanchis » s’infiltrent dans l’économie locale. S’ouvrir davantage à la Dubaï, Hong Kong ou Singapour est certes incontournable, mais comparons le parcours de leurs monnaies respectives à la roupie
En effet, c’est notre monnaie dévalorisée qui fait que ce soit, d’une part, des enseignes en déclinaison outlet ou des discounters, et d’autre part des articles fake, entre autres, qui occupent nos shopping malls « haut de gamme » ! Elle ronge aussi insidieusement l’identification au Mauritius-building, la productivité et l’innovation (surtout en justifiant moralement le piratage intellectuel) tout en contribuant à alimenter le repli identitaire, le tribalisme et la xénophobie. La monnaie dévalorisée et la corruption tendent à se renforcer mutuellement pour envenimer les inégalités.
Et si pour canaliser les frustrations, au lieu de rendre plus accessibles les loisirs (les plages, comptant parmi les rares, rétrécissent sans évoquer le coût prohibitif du transport public), ce sont les betting houses qui intègrent l’habitat ? Common non-sense et mensonges forment manifestement un cocktail explosif qui hélas monopolise les unes ! Aux leaders éclairés de la politique, d’opinion, du monde syndical et du business de sortir de leur zone de confort afin de mettre un terme à ce leurre de négociations tripartites et stimuler, en revanche, un écosystème vertueux.
Comment ? Commençons par exiger un taux d’inflation bas, donc une roupie (au moins) stable.
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MORIS ZINDABAD