PATRIMOINE : Le trafic de pierres continue de défigurer nos sites historiques

Le reportage que nous avons effectué sur le site archéologique du Moulin à Poudre à la mi-mars montrait déjà les traces fraîches des vols de pierres de taille qu’avait subis ce site, depuis qu’il était mis au jour par les chercheurs. Depuis, les voleurs sont retournés sur place pour s’en prendre à la section qui venait d’être découverte par les scientifiques. Leur commerce crapuleux à forte plus-value représente à l’inverse une perte irremplaçable pour les historiens et la valorisation culturelle de l’histoire nationale. Une loi est attendue, encore faudra-t-il qu’elle soit mise en oeuvre. Aussi, force est de constater que les moyens en ressources humaines ainsi qu’en mesures et équipements de protection des sites manquent cruellement.
Les techniciens du NHF et les nombreux bénévoles, majoritairement des étudiants de l’Université de Maurice, ont achevé leur dernière campagne de fouille au Moulin à Poudre à Pamplemousses à la mi-mars. Depuis, ils travaillent à analyser et interpréter le fruit de leurs découvertes sur ce site exceptionnel, autant par sa taille que par ce qu’il représente dans l’histoire de l’industrie militaire mise en place par les colons dans l’Isle de France de l’époque française. La campagne est terminée, mais les responsables de ces recherches font des visites hebdomadaires sur le site notamment pour veiller à leur préservation.
Au cours de l’une d’entre elles, le 23 mars dernier, ils ont découvert avec effroi que de nouveaux vols de pierres taillées et cette fois-ci également de pièces de ferronnerie d’époque, avaient été perpétrés, justement dans la section de la raffinerie qui venait d’être mise au jour grâce aux chercheurs et étudiants pour la plupart bénévoles qui ont participé à la dernière campagne de fouille. Les techniciens du NHF ne sont nullement étonnés lorsqu’ils découvrent ce type de forfait, mais le désoeuvrement et la colère les assaillent car ces vols anéantissent en quelques nuits des mois de travail accompli par ces équipes sur le terrain et dans les archives du pays.
Pour un commerce illicite très rarement puni, ou trop peu lorsqu’il l’est, ces forfaits portent atteinte à l’histoire de Maurice, au récit national qui fait le ciment de notre société et aux savoirs en devenir qui seront enseignés demain à nos enfants. Ces voleurs avilissent par un commerce juteux qui ne satisfait que leur inique cupidité, des pièces archéologiques dont la valeur est en réalité tout à fait inestimable, parce qu’historique et unique, et donc en aucun cas monnayable. Ces fripouilles insultent aussi par-delà les siècles les centaines d’esclaves qui ont taillé ces pierres et bâti ces édifices ainsi que ceux qui ont travaillé dans la seule manufacture de poudre à canon que comptait alors fin XVIIIe siècle, l’ensemble des colonies françaises. Les historiens savent que ce site militaro-industriel exceptionnel fournissait la flotte napoléonienne, et estiment qu’il approvisionnait peut-être l’ensemble des armées et colonies françaises.

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