RELIGION : Marie, Reine de la Paix et ses grandes célébrations

Le 15 août est l’occasion de rappeler certaines dates historiques associées à la dévotion mariale des Mauriciens au sanctuaire Marie, Reine de la Paix, lequel a été partie prenante de quelques-unes des plus belles pages de l’histoire du pays. Mgr. James Leen, évêque de 1925 à 1949, veut d’une part ériger un monument national dédié à Marie et, d’autre part, réparer l’outrage d’un sanctuaire marial en Pologne dévastée par les nazis. Cette statue de la Vierge haute de trois mètres nous rappelle que nous sommes aussi riches que les Brésiliens avec le Christ-Roi qui domine leur ville au coeur des Jeux olympiques de Rio.
Tout commence en 1940 avec le débarquement de la statue de Marie pour être aménagée sur un piédestal qui s’élance à une hauteur de 26 pieds sur un terre-plein situé à 175 pieds d’altitude. Sept terrasses en gradins reliées entre elles par 82 marches mènent à la plate-forme supérieure d’où l’on jouit d’un panorama splendide: la ville, le port, les plages avec la mer comme fond de tableau.
15 août 1940 : Dévoilement de la statue de Marie Reine de la Paix qui constitue, selon Père Jacques Giraud, « une prise de possession de la ville et du pays par Notre-Dame.» Dès 1941, les pèlerinages se multiplient: les pionniers qui partent pour la guerre, les mouvements de jeunesse, ceux qui travaillent pour les chemins de fer, les associations mariales, la communauté chinoise.
15 août 1943 : Célébration de la messe sur un autel en pierre taillée qu’on est venu ajouter au monument : « Le plus beau joyau offert par ses enfants de Maurice à la Très Sainte Vierge en 1943 cet autel taillé dans la pierre du pays.»
15 août 1944 : Pour la première fois, le monument est illuminé de sept à neuf heures du soir, même si c’est en pleine guerre mondiale: l’effet est grandiose.
15 août 1945 : C’est à Marie, Reine de la Paix où sont réunis quelque 20 000 pèlerins qu’est faite la première annonce publique que la Seconde Guerre mondiale est terminée et la paix proclamée. Il y avait à cette période 7 000 pionniers mauriciens à l’étranger et 1 500 jeunes sous les drapeaux.
15 août 1947 : Inauguration de la chapelle-crypte de la Montagne de la Vierge dédiée au Coeur Immaculé de Marie qui veut ainsi marquer un hommage de filiale reconnaissance du peuple mauricien pour la protection de la Vierge pendant la guerre.
16 octobre 1947 : Messe de Minuit au Monument Marie, Reine de la Paix dans le cadre des célébrations du centenaire du Diocèse. Le délégué apostolique est entouré de six évêques au terme d’une grandiose procession aux flambeaux : « Une manifestation de foi comme on n’en avait jamais vu dans le pays, entre quarante et cinquante mille personnes se pressent sur les terrasses. »
1950 : Premier pèlerinage du monde du Travail. C’est en cette année que le 1er mai, fête du Travail, est pour la première fois à Maurice décrétée jour férié. Cette fête coïncide avec celle de Saint Joseph, ouvrier, instituée à la fin des années 1950. Le pèlerinage au monument Marie, Reine de la Paix de 1950 est raconté comme suit: « La classe ouvrière a choisi sa patronne… Reine de la Paix et Reine de Maurice, la Très Sainte Vierge n’a qu’à faire un signe: on accourt. Comment mieux comprendre le jour du travail qu’en le consacrant à celle, dont par une heureuse coïncidence, c’est le premier du mois qui lui est consacré ? Ainsi, l’a entendue la classe ouvrière qui, depuis l’an passé, a choisi pour patronne l’épouse du charpentier Joseph, la mère de Jésus, l’ouvrier de Nazareth. »
15 mai 1951 : Le premier pèlerinage annuel des malades est pris en charge par l’Association des Brancardiers, fondée en cette même année 1951. C’est le seul pèlerinage qui a continué, année après année, jusqu’à ce jour, avec une fidélité exceptionnelle au Monument de Marie, Reine de la Paix.
Quelques pèlerinages spéciaux
1950 : Année sainte et Assomption de la Sainte Vierge proclamée comme dogme de foi à l’effet que Marie a été élevée au ciel avec son corps. Les pèlerinages de 1950 se succèdent dans un ordre parfait, ayant chacun son cachet respectif.
5 mai : Pèlerinage des Enfants de Marie.
7 mai : Pèlerinage traditionnel des Cheminots catholiques.
20 mai : Pèlerinage de la Mission chinoise.
23 mai : Rassemblement de la Jeunesse : 5 à 6 000 enfants des écoles primaires et secondaires viennent de tous les quartiers de l’île.
15 août : Pèlerinage diocésain annuel : 10 000 personnes réunies à 9h30 pour la messe pontificale.
1954 : Année mariale, centenaire du dogme de l’Immaculée Conception. Le 28 avril 1954, la paroisse de l’Immaculé inaugure son nouveau centre social Marie, Reine de la Paix. De multiples activités sont proposées durant cette Année mariale. La statue de Notre-Dame-du-Grand-Pouvoir, la statue de la Vierge la plus ancienne connue à Maurice, est accompagnée  de Vieux-Grand-Port jusqu’à Port-Louis par une procession nautique de 35 bateaux.
La procession des chars reproduit les Mystères de la vie de la Vierge Marie. Douze chars provenant de douze paroisses sont répartis en deux séries: sept symbolisent Marie, Mère du Christ et cinq autres Marie, Mère des hommes.
Le journal Advance publie ce commentaire : « L’impression qui demeure de cette grandiose manifestation religieuse est l’élan de l’amour d’un peuple pour la Vierge Marie. On peut toucher du doigt l’efficience de l’action catholique organisée. De partout on a reçu une coopération entière. Il y a eu des dévouements admirables. Ni l’argent ni les peines n’ont été ménagés. La police, les services du transport par rail et par route ont concouru au succès de cette journée mémorable. Toutes les paroisses ont leur part de ce triomphe. »
1961 : Une troisième raison d’être du sanctuaire marial de Marie, Reine de la Paix :
a partir de 1961, une nouvelle intention est exprimée dans une lettre de l’évêque en date du 5 août  1961: « Nous La prierons pour qu’elle écarte de nous un fléau pire encore : le communisme, qui ne se contente pas d’avilir les hommes en cette vie, mais essaie également de les priver de la vie éternelle. »
L’ordination de nombreux prêtres mauriciens est célébrée à Marie, Reine de la Paix : Jacques Avrillon, Michel Boullé, Jean-Claude Desjardins, Henri Espitalier-Noël et Adrien Wiehe en 1955 ; Serge Ah Kong en 1958, Robert Jauffret et Georges Piat en 1966. Après 1972, la fête de l’Assomption n’est plus l’occasion d’un grand pèlerinage diocésain à Marie, Reine de la Paix au cours de laquelle se faisait la récitation de l’acte officiel de consécration du diocèse à Marie.
Les célébrations du monde ouvrier pour la Fête du Travail se font dans les paroisses. Ce n’est qu’exceptionnellement, comme en 1975, qu’elle se tient à Marie, Reine de la Paix, le Thabor étant devenu un autre lieu de ralliement pour les marches des jeunes et les rassemblements des célébrations du diocèse. Commence aussi la pratique des célébrations d’ordinations dans les paroisses originaires des prêtres.
Quelques célébrations historiques
1969 : Ordination épiscopale de Mgr. Jean Margéot qui assume la responsabilité du diocèse jusqu’en 1993.
19 mai 1979 : La messe dans le cadre de la béatification du Père Laval est présidée par le cardinal Gantin et concélébrée par six évêques à Marie, Reine de la Paix sur le thème « Père Laval : apôtre de l’unité nationale ».  L’homélie en créole est prononcée par le père Henri Souchon. Mgr. Margéot proclame Père Laval patron du diocèse de Port-Louis.
24 octobre 1980 : 150e anniversaire de l’apparition de la Vierge à Catherine Labouré. Une belle fête mariale : « Montagne fine fleuri ».
1986 : Ordination de Jacques-Henri David à Marie, Reine de la Paix en solidarité avec le Père Diard.
1987 : Année mariale en lien avec le Festival de la Mer.
1988 : Messe d’action de grâces pour l’élévation de Mgr. Jean Margéot au Cardinalat et pour ses 50 ans de sacerdoce.
14 octobre 1989 : Le 44e voyage du Pape Jean-Paul II à l’étranger vers l’Indonésie, le mène jusqu’à l’île Maurice. La messe pontificale, qui est célébrée par le Pape le jour même de son arrivée le 14 juin, réunit plus de 100 000 personnes.
15 août 1990 : 50 ans du monument Marie, Reine de la Paix, haut lieu des pèlerinages mauriciens.
1991: Ordination épiscopale de Mgr. Maurice Piat en présence de Mgr. Matthias de Bangalore, de Mgr. Couve de Murville de Birmingham et de Mgr. Gilbert Aubry de la Réunion.
6 août 1995 : La Fête du sacerdoce est célébrée en lien avec l’ordination de Sylvio Lodoïska et d’Eddy Coosnapen et le jubilé d’argent sacerdotal de Maurice E. Piat et de Gérard Sullivan. Le pèlerinage marial diocésain des Équipes du Rosaire se célèbre en même temps que les ordinations. Il y a eu toute une préparation spirituelle avec prière et adoration dans les paroisses à cet effet.
1997 : Dans le cadre du 150e anniversaire du diocèse qui coïncide avec le 275e anniversaire de la fondation de la paroisse de la Cathédrale avec l’arrivée des premiers colons français, la Vierge pèlerine de Notre-Dame-du-Grand-Pouvoir, arrive au Caudan pour être portée à Marie, Reine de la Paix pour la messe pontificale. La procession mariale quitte le Caudan vers 13h00. Plus de 100 000 personnes sont présentes pour l’hommage à Marie. Le thème de la célébration est l’Eau Vive ; les chants en hindi, tamil et hakka témoignent du caractère universel de la foi. A partir du 27 octobre la Vierge Pèlerine va en visite de 15 jours de paroisse en paroisse pour demander à Marie, Mère de l’Église d’accompagner l’Église en synode vers le jubilé de l’an 2000. Son périple à travers l’île a commencé le 27 octobre 1997 pour retourner à l’église de Notre-Dame-du-Grand-Pouvoir le 19 décembre 1999. 
15 août 1999 : Une grande foule comprenant les membres des mouvements mariaux se rassemble pour fêter Marie. Au cours de la messe, l’homélie est prononcée par le Père Jocelyn Grégoire, il y a des prières et des chants en arabe, en anglais et en français. Les Mourides et les membres de Saï Baba chantent le Magnificat et l’Ave Maria. A la fin de la cérémonie, 500 ballons bleus et blancs aux couleurs de la Vierge et un lâcher de pigeons représentent l’appel des Mauriciens pour que vienne la paix dans le pays.
19 juillet 2009 : Les funérailles d’État, en présence de tous les dignitaires du pays, ont lieu à Marie, Reine de la Paix pour rendre un dernier hommage au Cardinal Jean Margéot (1916-2009), un Mauricien d’exception qui a marqué l’histoire du pays et de l’Église.
22 août 2010 : 70 ans de Marie, Reine de la Paix sur le thème « En famille, embarqués pour un même voyage ». L’évêque invite les Mauriciens à une préparation spirituelle en paroisse durant quatre semaines avant le grand rassemblement diocésain qui a pour but de confier à Marie le vécu des familles : « Nous pouvons demander à la Vierge Marie de nous apprendre à rendre grâce à Dieu, comme elle-même au milieu des épreuves. Rendre grâce comme Marie, c’est faire confiance au Dieu qui est présent avec nous chaque jour, qui nous aime gratuitement comme nous sommes et qui nous accompagne sur notre chemin. Il nous donne le courage de porter nos croix avec lui, et par là, de retrouver une joie spéciale, la joie qui habitait la Vierge Marie… même si nous avons des choses difficiles à vivre dans nos familles, nous pourrions devenir, comme Marie, des messagers d’espérance et de joie et nous encourager mutuellement à continuer la route de nos vies avec confiance. »
Cette célébration du 22 août 2010 a été l’occasion pour le Père Henri Souchon qui comptait, en 2010, 58 ans de vie sacerdotale, de faire ses adieux. Il avait passé 40 ans dans la paroisse de l’Immaculée-Conception : comme vicaire de 1952 à 1956 et comme curé depuis 1970. Il a été, en quelque sorte, le conservateur du Monument de Marie, Reine de la Paix, s’assurant que les jardins soient bien tenus et qu’il n’y ait pas de déprédations ou de sacrilèges dans les enceintes du sanctuaire.
C’est le Père Souchon qui, dès 1985, a commencé la célébration du Chemin de Croix sur la Montagne-des-Signaux. C’est en 1997 qu’il a commencé les traditions de messes de Noël et de Pâques au Monument de Marie, Reine de la Paix, des célébrations auxquelles participaient des ouvriers étrangers, des touristes de divers pays et les chefs religieux d’autres confessions.
Que reste-t-il des grands rassemblements populaires des années 1940 où l’on venait des coins les plus éloignés du pays, alors que les transports étaient si difficiles et que l’argent à trouver pour le payer était si rare ?
Les grands rassemblements ne sont-ils que dans les shoppings centres où dépenses pour certains et profits pour d’autres occupent l’avant-plan ?
Marie est-elle encore la Reine de nos coeurs, de nos familles et de notre pays ?
Combien d’entre nous trouvent encore important d’aller la saluer et de se confier à elle en toute confiance ?
* Ces informations sont puisées du livre « Marie Reine de la Paix, protectrice de l’Ile Maurice » que j’ai publié en 2012.

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