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LA VALETTE: Une évaluation sociologique identifie les forces et faiblesses du projet

Le manque de facilités de transport constitue le problème majeur qui freine la bonne intégration sociale des habitants du village La Valette à Bambous. En découlent principalement des difficultés d’approvisionnement pour les familles, de stabilité d’emploi pour ceux en âge de travailler et de fréquentation scolaire pour les enfants. Ces observations proviennent d’une intéressante évaluation sociologique menée par Alternet Research & Consulting, dont le rapport a été rendu public mardi par Jean Claude Lau Thi Keng, docteur en sociologie, qui en est le directeur associé avec Pynee Chellapermal, le directeur général.
Intitulée « Évaluation sociologique d’une première expérience de réintégration sociale : La Valette », l’étude d’Alternet est indépendante et entendait mesurer le degré de réussite de ce nouveau concept à Maurice qu’est le village intégré, d’en identifier les forces et les faiblesses. Objectif : apporter d’éventuelles corrections et améliorations à La Valette mais aussi d’en tirer des leçons dans la perspective de la création d’autres villages du même type ailleurs dans l’île. La méthodologie adoptée consistait en des entretiens menés auprès des ONG et des autorités responsables du projet ; auprès des habitants, qui ont été choisis selon leurs profils sociologiques (appartenance communautaire, âge, origine géographique, etc.) pour obtenir la palette la plus large possible d’opinions ; les enquêteurs ont aussi privilégié l’observation participante, qui consiste à recueillir sur le terrain des informations indirectement en partageant certaines activités des habitants, par exemple une partie de foot ou attendre le bus à l’arrêt avec eux. Et enfin, un sondage par questionnaire auprès des villageois.
Ruptures
Le rapport nous apprend qu’avant d’élire domicile au village, 52,26 % des habitants n’avaient pas de loyer à payer car ils étaient squatters ou logeaient chez des proches ; 5,8 % avaient un loyer de moins de Rs 1 000 ; 39,3 % entre Rs 1 000 et Rs 5 000 et 2,5 % Rs 5 000 et plus. Un tiers des chefs de famille (30,5 %) sont chômeurs ou ont des emplois précaires ; 15,6 % travaillent dans la construction ; 13 % dans le nettoyage ; 4,5 % dans l’agriculture et idem pour la mécanique. 
Les deux tiers sont originaires des villes ou des faubourgs des villes (40,9 % de Port-Louis et des environs ; 23,4 % de Beau-Bassin/Rose-Hill). Leur arrivée à Bambous a entraîné un certain nombre de ruptures : au niveau professionnel (37,7 %), dans la vie des enfants et sur le plan des réseaux sociaux. Les trois-quarts des familles ont au moins un enfant scolarisé (74,7 %) ; 47,4 % ont dû changer d’école, et, précise le rapport, « quand ce n’est pas le cas, les enfants vivent dans la semaine chez des parents qui habitent dans la localité de leur école d’origine ». Pour un tiers des enfants, la rupture avec leurs amis d’antan est complète, les autres ne rencontrent leur anciens amis que sporadiquement. L’appartenance à des groupes ou réseaux sociaux est rendue plus difficile (seulement 13,6 %) ; les adhésions se portent autant vers les organisations non gouvernementales (ONG) hors village que vers les organisations de base locales, mais restent très limitées.
Isolement
L’isolement du village est doublement ressenti dû au manque cruel de moyens de transport. « Un jour nous avons fait l’expérience d’attendre le bus à un arrêt. Pas un seul autobus n’est passé de toute la journée », confiait mardi lors de son discours le Dr Lau Thi Keng. En effet, le rapport souligne que l’absence de transport demeure le problème majeur des habitants. Sur l’ensemble des problèmes cumulés, il occupe 61,7 % et est étroitement lié à d’autres, dont le premier cité par les répondants concerne l’approvisionnement. Celui-ci est perçu comme étant le deuxième plus gros problème (44,8 %), suivi d’un troisième tout aussi important : celui de l’accès au travail (26,6 %) puisque le village est situé loin des pôles de développement générateurs d’emplois. Par ailleurs, il n’existe aucun commerce dans le village, à part une petite tabagie ; 39,6% ressentent fortement le manque de boutique/bazar/foire ; 26,6 % le manque de loisirs ; 14,3 % le manque d’un terrain de sport ; 7 % pour l’école/garderie.
Droits limités
Parmi les avantages ressentis d’habiter La Valette, le principal cité est le fait d’avoir un toit à soi (31,8 %). Les habitants apprécient aussi l’atmosphère calme et sécurisé (17,5 %). Le rapport indique que « cet avantage perçu qu’est la possession d’une maison à soi, et d’autant plus en dur, compense en quelque sorte tous les inconvénients qui y sont rattachés. » À propos du contrat social, le rapport souligne que « le respect de l’environnement physique et social est largement intériorisé et fait consensus ». Cette condition est vue comme positive par 32,5 % des habitants. Cependant, l’interdiction d’héberger d’autres personnes est en revanche incompréhensible pour beaucoup (13 %) et, souligne le rapport, « surtout lorsqu’on a squatté chez quelqu’un ou été hébergé par des proches. Il en est de même pour l’interdiction de commercer (NdlR : 17,5 %) ou de modifier « leur » maison (NdlR : 9,7 %) perçue comme une limitation de leur droit de jouissance de celle-ci ». Ces conditions, dont celle de vendre ou de louer leur maison, figurent parmi les points du contrat social les plus mémorisés par habitants. Ce qui est aussi le cas pour la régularité des paiements.
Sur l’ensemble des habitants, 26 % sont satisfaits de vivre au village, 40,3 % assez satisfaits, 9,7 % pas du tout satisfaits. À la question de savoir ce qu’ils feraient s’ils avaient la possibilité de vivre ailleurs, un tiers (33,1 %) des habitants répondent qu’ils le feraient alors que les deux tiers (62,3 %) disent qu’ils ne partiraient pas. Ce clivage correspond à celui observé entre le premier groupe de résidents à élire domicile au village et le deuxième groupe d’arrivants (voir hors texte).
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