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SUGUMAR JOHN RATNAM : Un expert en «art de la paix»

Sugumar John Ratnam, citoyen sri-lankais résidant a Dubai, est un quatrième dan d’aïkido qui enseigne cet art martial très particulier. Il vient régulièrement à Maurice pour superviser les cours donnés par les instructeurs réunis au sein du groupe Aikido Ryu (Mauritius). Il existe à Maurice deux groupes, issus d’un club initial, qui pratiquent l’aïkido. L’Association Aïkido et Aïbido et Affinitaires est rattachée à la Fédération française d’aïkido, tandis que l’autre, l’Aikido Ryu, est affilié à des associations internationales basées au Japon. L’Aikido Ryu regroupe une centaine de membres répartis dans sept clubs à travers l’île. C’est lors de son dernier séjour à Maurice que nous avons eu l’occasion de rencontrer Sugumar John Ratnam. Dans son portrait que nous vous proposons ce dimanche, il nous présente l’aïkido, art martial japonais qui a pour objectif de promouvoir « l’art de la paix ».
Comment un habitant du Sri Lanka devient-il un expert d’un des plus originaux art martial japonais ? Par une série de rencontres. Né en 1955 dans une famille de six enfants, Sugumar John Ratnam fait des études tout en s’intéressant jeune au sport. Dès l’âge de douze ans, il commence par apprendre les techniques de la lutte, puis prend des cours de karaté. Dans le milieu des années 70, le monde entier découvre les arts martiaux japonais et chinois au cinéma à travers les films de Bruce Lee. Comme des millions d’adolescents à travers le monde, Sugumar John Ratnam se lance à corps perdu dans le kung fu, puis s’intéresse d’avantage au judo, moins violent que le kung fu. « Je savais que j’étais fait pour pratiquer les arts martiaux, les différentes ceintures que j’ai obtenues le prouvaient, mais j’étais conscient, de manière confuse, que je n’avais pas encore trouvé celui qui me convenait tout à fait. »
C’est en 1980 qu’il va découvrir, par hasard, l’aïkido, en allant assister à une démonstration donnée au YMCA de Colombo par un japonais en poste au Sri Lanka, Sakamoto Sensei. « Ce fut une révélation pour moi, c’était exactement ce que je recherchais sans le savoir. C’était un art martial qui mélangeait grace and elegance, balance and coordination, beauty and smoothness. » Conquis, il commence tout de suite des cours, donnés par les étudiants les plus expérimentés de Sakamoto Sensei. Mais les premiers cours ne seront pas faciles pour le débutant, en raison de son passé de pratiquant de karaté et de kung fu. « J’avais le corps dur et j’arrivais difficilement à faire certaines figures de l’aïkido. Je n’arrivais pas, par exemple, à tomber par terre avec grâce et légèreté comme les autres étudiants et je me faisais mal à chaque fois. » C’est la découverte d’un livre, Aikido in daily life de Koichi Thohei, qui va permettre au débutant de changer d’approche pendant les cours et de mieux comprendre le concept même de l’aïkido. « J’ai appris à relaxer complètement mon corps, point par point. Ce livre, que je recommande à tous ceux que la question intéresse, vous apprend à voir la vie et chacun de ses moments de façon différente, nouvelle. J’ai mis en pratique ses enseignements et j’ai commencé à vivre différemment, plus intensément. J’ai découvert que la vie était un cadeau, et ma manière de penser, de me comporter et mes attitudes ont changé avec la pratique régulière de l’aïkido. »
Ne sommes-nous pas en train de mélanger les sujets et, au lieu de parler des caractéristiques d’un art martial, d’aborder plutôt un concept de vie, plus basé sur la spiritualité ? « Vous posez cette question parce que, comme des millions de gens à travers le monde, vous associez arts martiaux à agressivité, violence. C’est un idée répandue dans le monde, surtout avec les films d’arts martiaux des années 80, qui mettaient l’accent sur le côté violent et spectaculaire de ces techniques, en ignorant le volet spirituel. Il y a une chose qu’il faut bien comprendre : l’aïkido n’est pas un sport de compétition, comme la majeure partie des arts martiaux. Ce n’est pas une technique d’attaque, mais une de dissuasion de la violence. C’est en quelque sorte la mise en pratique du concept de la légitime défense par la résistance à la violence. C’est surtout un moyen d’acquérir la vie et l’harmonie à travers le contrôle de son corps et de son esprit. Plus qu’un sport, c’est surtout une manière de vivre. »
« L’aïkido n’est pas un sport de compétition, comme la majeure partie des arts martiaux. Ce n’est pas une technique d’attaque, mais une de dissuasion de la violence. C’est en quelque sorte la mise en pratique du concept de la légitime défense par la résistance à la violence. »
Après avoir été élève, Sugumar John Ratnam devient instructeur d’aïkido au YMCA de Colombo, tout en continuant à parfaire ses connaissances dans cette matière. C’est ainsi qu’il reçoit son premier dan en 1994 en Grande Bretagne, des mains de Chris Moslin. Ce titulaire d’un sixième dan va l’inciter non seulement à pratiquer l’aïkido au niveau personnel, mais à l’enseigner au Sri Lanka. L’année suivante, Sugumar ouvre un dojo à Colombo. N’est-ce pas paradoxal d’ouvrir un dojo consacré à l’art de la paix dans un pays comme le Sri Lanka, ravagé pendant des années par une guerre civile ? « Je suis un Tamil, mais pas un Tiger. C’est surtout dans les pays où règne ce genre de situation de guerre et de violence qu’il faut faire des efforts pour instaurer la paix. Dans le dojo que je dirigeais au Sri Lanka, je faisais constamment appel à la paix, au refus de la violence. Il faut faire des efforts dans ce sens, éduquer les gens à la non violence. »
Après Colombo et des cours suivis au Japon auprès des grands maîtres, il ouvre plus tard un deuxième dojo à Dubai, où il se rend pour pratiquer son métier de graphic designer. Car en sus d’être enseignant d’aïkido, Sugumar a plusieurs cordes, artistiques, à son arc. Il est directeur d’une compagnie de publicité, a été peintre d’affiches murales, chorégraphe, magicien, cascadeur et instructeur pour les services de police. Quel genre de cours un enseignant d’aïkido peut-il donner à des policiers ? « J’ai travaillé comme enseignant d’aïkido pour les officiers de la police de Dubai, pour leur apprendre la maîtrise de soi, qui est importante pour leur travail. Le policier n’est pas là pour attaquer mais pour prévenir les désordres possibles, les contenir. Plus que le commun des mortels, le policier doit apprendre à garder le contrôle de soi dans toutes les circonstances. Il doit apprendre à maîtriser son corps par le pouvoir de son esprit, ce qui est une des bases de l’aïkido. » Si l’aïkido est aussi efficace que vous le dites, pourquoi est-il moins populaire que le judo, le karaté ou le kung fu ? « Sans doute parce que l’aïkido est l’art de la défense et non celui de l’attaque, et qu’il nécessite un apprentissage mental plus poussé. Il est plus facile, dans un sens, d’apprendre les sports que vous avez cités que l’aïkido. Il est plus facile de développer son corps que son esprit. L’aïkido n’est pas un art martial pour ceux qui s’intéressent aux médailles et aux trophées : la récompense vient de sa capacité à se maîtriser soi-même. La force vient plus de la volonté que des muscles entraînés. »
C’est à Dubai que Sugumar va rencontrer des travailleurs mauriciens, déjà pratiquants d’aïkido, qui s’inscrivent à son dojo et qui vont l’inviter à venir à Maurice vérifier le niveau des cours de l’Aikido Ryu. Au niveau personnel, Sugumar John Ratnam est aujourd’hui, après 28 années de pratique, quatrième dan d’aïkido et s’en déclare très satisfait. « Il existe dix grades dans la hiérarchie de l’aïkido. J’en suis au quatrième, mais je ne pense pas que j’atteindrai un jour le sommet. Les grades, c’est important, mais la connaissance de soi l’est aussi. Il faut beaucoup de temps, souvent celui d’une vie, pour maîtriser totalement l’aïkido. Ce qui est important, c’est d’apprendre à nous découvrir et à vivre en paix et en harmonie avec nous-mêmes et ceux qui nous entourent. C’est ça le principe de base de l’aïkido, l’art de la paix. »
 

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