2012 : l’année des élections municipales et villageoises
L’année 2012 entrera dans les annales comme celle des élections villageoises et municipales organisées durant la première quinzaine du mois de décembre. Ces scrutins auront permis de connaître le profil politique de la population sur la base d’un échantillonnage national à mi-mandat du gouvernement de Navin Ramgoolam qui a été reconduit au pouvoir en 2010 et dont l’ambition est d’y rester jusqu’en 2015.
Ces premières élections régionales, organisées après sept ans, sont d’autant plus marquantes qu’elles ont donné lieu à des manoeuvres et des spéculations politiques pendant pratiquement toute l’année 2012. Elles ont été au centre des préoccupations des partis de l’opposition dès le début de janvier dans les premières déclarations des leaders politiques. Ainsi, dès la première conférence de presse du MMM, son leader déplorait que le Premier ministre n’ait fait aucune mention de l’organisation de ces élections pour cette année.
De son côté, le leader du MSM, Pravind Jugnauth, envisageait à ce moment la possibilité pour son parti d’aller seul à ces élections. Ce parti fit d’ailleurs de la loi proposée par le ministre des Administrations régionales, Hervé Aimée, son cheval de bataille. Il logea même une motion auprès de la présidence, occupée alors par sir Anerood Jugnauth, contestant le découpage des arrondissements dans les municipalités. Le soin et l’intérêt apportés par la présidence à cette motion devaient participer à l’exaspération des tensions entre sir Anerood Jugnauth et le chef du gouvernement, d’autant que cela a permis l’organisation des premières rencontres à la State House entre SAJ et Paul Bérenger. Les administrations régionales devaient maintenir le haut du créneau avec les débats sur le Local Government Bill, présenté comme révolutionnaire par le gouvernement mais comme un recul par l’opposition qui dénonçait ce qu’elle considérait être des pouvoirs excessifs confiés au ministre des Administrations régionales. Cette législation aura toutefois permis d’introduire pour la première fois dans nos législations et dans la Constitution des dispositions garantissant la participation des femmes aux élections régionales et par conséquent dans l’administration des affaires municipales et villageoises.
Finalement, c’est avec les élections villageoises et municipales que se termine l’année 2012. C’est désormais à l’aune des résultats de ces élections que sera évaluée la force sur le terrain des principaux partis évoluant sur l’échiquier politique mauricien.
Les leaders politiques l’ont d’ailleurs bien compris puisque dans ses premiers commentaires, le jour de la proclamation des résultats des élections municipales, Navin Ramgoolam a affirmé derechef que le Ptr et l’alliance gouvernementale ont le soutien d’une large majorité des Mauriciens à la lumière de leur performance aux élections villageoises et municipales. Le leader du Ptr s’est flatté d’une forte présence dans les régions rurales et d’une percée significative dans les régions urbaines.
Pour le leader mauve, Paul Bérenger, fort de la performance du Remake 2000 aux élections avec le contrôle de trois municipalités sur cinq, les résultats de ces élections ont démontré que le MMM est toujours le plus grand parti du pays. De plus, il estime que le Remake, plus fort que jamais, s’apprête à provoquer un tsunami en sa faveur lors des prochaines élections générales.
Pour sa part, le sociologue et observateur politique, Malenn Oodiah, constate que 2012 a vu l’affaiblissement du Premier ministre sur l’échiquier politique alors que Paul Bérenger s’est positionné comme l’incontournable. « Les municipales ont montré que le potentiel d’un changement de la donne politique avec le retour de SAJ est réel. Mais rien n’est joué encore », observe-t-il.
La surprise, lors des élections municipales, est venue du MMSD d’Éric Guimbeau, à Curepipe. Son parti le MMSD a réussi à se faufiler entre les deux principaux blocs politiques à savoir le Ptr/PMSD et le Remake 2000 qui ont terminé la course sur la même ligne avec sept élus chacun. Non seulement il s’est retrouvé dans une position d’arbitre entre les deux principaux protagonistes mais il a réussi grâce à une manoeuvre habile à placer son candidat élu, Mario Bienvenu, à la tête de la municipalité de Curepipe en tant que maire de la ville pour les quatre prochaines années.
Certes, les élections municipales n’ont pas été les seuls moments forts de l’année 2012, qui a été marquée par des activités politiques fébriles tant du côté de la majorité gouvernementale que de celui de l’opposition. Pour Jocelyn Chan Law, de l’Université de Maurice et observateur de la vie politique, les événements politiques marquants de cette année qui s’achève ont été « la démission de SAJ et les rumeurs du renversement du gouvernement, la prolongation du parlement, le cooling-off du Remake et la victoire du MMM/MSM aux municipales ».
Malenn Oodiah, sociologue, partage cet avis. « La démission de SAJ de la présidence et la constitution du Remake 2000, l’échec des discussions sur la réforme électorale mettant par la même fin — temporairement ? — à une alliance Ptr-MMM, les élections régionales surtout municipales où le MMM a renoué avec la victoire après douze ans et le Ptr et son leader, avec la défaite, sont les moments marquants de cette année. »
De fait, le retour de SAJ dans l’arène politique a modifié sensiblement la donne politique dans l’île. En effet, alors que beaucoup s’attendaient à ce que ce termine son mandat présidentiel avant de se retirer dans ses pantoufles à La Caverne, cette bête politique a choisi ce qui semble être la voie la plus difficile. Laissant de côté les apparats, il a choisi de reprendre casquette, foulard et blouson pour engager un combat politique contre le leader du Ptr Navin Ramgoolam. Même si les spéculations qui se sont développées autour de cette démission, notamment que des éléments travaillistes se rallieraient à lui et pourraient remettre en question la majorité dont dispose le Premier ministre, ne se sont pas avérées, ce retour a donné un nouvel élan à l’opposition, forçant l’alliance gouvernementale et son leader à la défensive. Avec le retour de SAJ, c’est le Remake 2000 qui fait surface, c’est-à-dire une alliance avec SAJ comme leader et Paul Bérenger comme adjoint. Ils devraient se partager le pouvoir sur la même base qu’en 2000 en cas de victoire aux élections générales. À ses détracteurs qui l’accusaient de vouloir sauver son parti, le MSM pris dans l’embroglio de l’affaire MedPoint et des intérêts de sa famille, sir Anerood Jugnauth a soutenu qu’il s’était fixé pour mission de sauver le pays et de forcer le Premier ministre Navin Ramgoolam hors du pouvoir.
La première sortie de cette mouvance politique à Port-Louis, à l’occasion des meetings traditionnels du 1er-Mai, avait laissé un sentiment mitigé d’autant que le Parti travailliste avait réussi la mobilisation de ses partisans à Vacoas. À la faveur des absences du Premier ministre du pays, dont une prolongée pour cause de maladie, des réunions et meetings à travers le pays et l’action des parlementaires et des PNQ du leader de l’opposition, le Remake a gagné graduellement du terrain. La relation entre les partenaires du Remake n’a pas toujours été rose. Le MMM a dû faire un forcing afin de s’assurer que les réunions des chefs du Remake soient par sir Anerood Jugnauth. À un certain moment, la situation entre les deux partenaires s’est échauffée, nécessitant une cool-off period sans que le Remake ne soit nécessairement mis en cause.
Autre fait qui a dominé la vie politique en 2012 : les négociations interminables entre le leader du Ptr, Navin Ramgoolam, et celui du MMM, Paul Bérenger, dans un premier temps et ensuite avec le leader adjoint des mauves, Alan Ganoo. Les Mauriciens se souviendront de ces négociations comme une symphonie inachevée et qui, à ce stade, ressemblent à une cacophonie. Les principaux interlocuteurs sont semble-t-il tombés d’accord sur 99 % des points sauf sur le sort qui doit être réservé au système actuel de best losers. Navin Ramgoolam est en faveur de son abolition alors que Paul Bérenger insiste pour son maintien, même pour une période temporaire. Le MSM et SAJ ne veulent rien entendre et se prononcent pour le maintien du système électoral actuel à moins qu’un système respectant l’esprit du best loser system soit trouvé. Le délai accordé au gouvernement pour donner au Comité des droits de l’homme des Nations unies les raisons pour lesquelles les Mauriciens ne doivent pas spécifier la communauté à laquelle ils appartiennent lors des recensements expire bientôt. Nous sommes impatients de connaître la tournure que prendront les débats sur cette question liée au système de best losers au début de l’année.
Sur un plan général, malgré les assauts de l’opposition, le gouvernement de Navin Ramgoolam dispose d’une majorité, même faible, au parlement. Durant l’année, il a réussi à faire adopter des projets de loi majeurs dont la définition des conditions pour pratiquer l’IVG, la réforme des Administrations régionales, la participation des femmes aux élections. L’économie du pays s’est maintenue à flot malgré la crise économique mondiale jusqu’ici. L’année se termine, cependant, avec un sentiment de malaise créé par la perception d’abus de pouvoir, du recours abusif à la police pour neutraliser les adversaires politiques, la perception que le pouvoir aurait pu être utilisé dans l’intérêt des personnes proches du gouvernement.
Terminons par cette remarque de Malenn Oodiah : « Certes le Remake 2000 avec SAJ comme leader s’est consolidé. Le Ptr et Navin Ramgoolam ont connu un affaiblissement. Mais tout va dépendre de la façon dont Navin Ramgoolam va tirer les leçons des événements qui ont marqué l’échiquier politique en 2012. Il a intérêt à faire son autocritique de même que celui de son gouvernement pour rectifier le tir dans plusieurs domaines touchant à la gestion de la vie publique ».
En 2013, pourra-t-il renverser les dynamiques qui l’ont affaibli en 2012 ? C’est la grande interrogation. Les premières semaines de 2013 seront décisives !
Bilans : 2012 dans le rétroviseur
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