THIERRY MERVEN, GROUP CHIEF EXECUTIVE OFFICER, GROUPE BEAU VALLON : « Le Privy Council ne préjuge en rien de l’impact du projet sur l’environnement »

Le jugement du Privy Council reconnaissant le droit à un Locus Standi à Eco-Sud dans le litige autour du projet de Pointe d’Esny Le-Village suscite des intérêts. Les différents Stakeholders ont eu l’occasion de se prononcer sur les attendus de ce jugement et ses répercussions sur la société civile. Le-Mauricien donne la parole à Thierry Merven le Group Chief Executive Officer du groupe Beau-Vallon, le promoteur de ce projet de développement dans le Sud-Est.

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Tout d’abord, comment et pourquoi le Groupe Beau Vallon décide-t-il de développer le projet de Pointe d’Esny le Village et où en est ce projet aujourd’hui ?

Le groupe Beau Vallon est implanté dans la région Sud-Est depuis 200 ans, initialement à travers la canne à sucre et les produits agricoles. Par la suite, le groupe s’est diversifié dans les secteurs de l’immobilier, de l’hôtellerie et des loisirs. Ces dernières années, nous avons développé quelques projets immobiliers dans la région, dont fait partie Pointe-d’Esny Le Village.

Il faut bien comprendre que Beau-Vallon a pris son temps pour développer ses terres pour plusieurs raisons, entre autres pour se donner le temps de bien faire les choses. Voyez-vous, nos équipes comptent avant tout, des amoureux de cette région, de sa beauté, de sa diversité. Certains la connaissent sur le bout des doigts, y vivent et y travaillent depuis toujours.

C’est donc en nous entourant des meilleurs experts et consultants, et en prenant toutes les précautions nécessaires, que nous avons conçu ce projet. Pointe-d’Esny Le Village se veut un lieu de vie convivial développé autour d’un village avec des services de proximité, des commerces et de la restauration, situé dans un cadre naturel idyllique et protégé.
Ce développement nous permet la valoriser la zone humide à l’arrière de Pointe-d’Esny et de redynamiser la région en créant de l’activité, Mahébourg et sa périphérie étant un peu les « parents pauvres » du développement depuis de nombreuses années.
Quant à l’avancement du projet ; les travaux d’infrastructure de la phase 1 sont terminés depuis octobre 2023. Nous avons commencé les travaux de restauration des zones humides depuis mars 2022, et ceux-ci vont se poursuivre sur quelques années. Plus récemment, nous avons lancé la construction du premier bloc d’appartements.

Avez-vous connaissance de projets similaires ailleurs dans le monde ?

Effectivement, nous nous sommes inspirés de projets similaires à l’étranger, projets visionnaires contemporains qui ont su intégrer les préoccupations et contraintes environnementales au cœur même de leur développement.

À titre d’exemple, certains projets en Europe ou en Australie (connue pour sa règlementation très stricte en matière d’environnement) intègrent la nature dans leur développement de manière harmonieuse et respectueuse. Cette évolution en matière d’urbanisme favorise une meilleure intégration entre les zones naturelles et les zones périphériques déjà urbanisées, comme celles du littoral de Pointe-d’Esny. C’est précisément ce que nous souhaitons réaliser ici.

Comment avez-vous accueilli le jugement du Privy Council du 4 juillet dernier ?

Suite au jugement des Law Lords, notre développement se retrouve égratigné dans les médias. Le Privy Council, adoptant une interprétation plus large de notre législation, a en effet statué sur le fait que les ONG et associations de défense de l’environnement ont la légitimité, le Locus Standi nécessaire pour contester un projet.
Nous avons, en revanche, été surpris par les commentaires des juges dans le dernier paragraphe du jugement (paragraphe 96), qui va bien au-delà du point de droit jugé dans cette affaire.

Il nous semble que ces commentaires font abstraction de tous les permis déjà obtenus pour le développement, dont certains remontent à cinq ans. Nous ne parlons pas uniquement du EIA mais aussi des différents permis de construire (BLUP) et du Clearance du Comité Ramsar.

En évoquant l’éventualité d’un retour en arrière pour un projet qui a obtenu l’intégralité de ses permis et les respecte scrupuleusement, ces commentaires remettent non seulement en cause la crédibilité des autorités et institutions mauriciennes en la matière, mais viennent aussi affecter la confiance des investisseurs, développeurs et acquéreurs de biens immobiliers dans l’île.

Comment pouvez-vous prouver, face à cette victoire d’Eco-Sud, que le projet Pointe-d’Esny Le Village ne nuit pas à l’environnement ?

Je me permets de rectifier quelque peu votre question qui sous-entend que notre projet nuit à l’environnement, alors que le jugement confirme essentiellement la légitimité d’Eco-Sud à contester un projet sur le volet environnemental et ne porte pas sur le fond de notre projet.

Il est important que vos lecteurs et le public en général comprennent que le Conseil Privé a essentiellement tranché sur un point de droit par rapport à l’interprétation de notre législation sur l’environnement, et que cela ne préjuge en rien de la qualité du projet ni de son impact sur l’environnement.

Le conseil privé n’a pas statué sur le fait que Pointe-d’Esny Le Village nuisait à l’environnement. Cet aspect s’il doit être jugé, relève du tribunal de l’environnement (l’ELUAT).
Malheureusement, de nombreux amalgames sont faits à ce sujet et sont largement relayés par la presse et les réseaux sociaux.

Nous sommes confiants d’avoir pris toutes les mesures nécessaires et même dépassé les exigences des autorités et de la législation en vigueur pour garantir la préservation de l’environnement, des Wetlands et du lagon de Pointe-d’Esny.
Ce projet est à ce jour le premier dans l’île à préserver intégralement une zone humide sur une superficie de 30 arpents et surtout à la restaurer, car cette zone humide est fortement dégradée, colonisée et envahie par de la végétation exotique qui menace le bon fonctionnement des Wetlands.

Le plan de restauration des Wetlands a démarré en 2022 avec une équipe de 15 personnes sous la conduite d’un spécialiste de la faune et de flore locale. Il consiste, après enlèvement de la végétation exotique envahissante, à réintroduire des milliers de plantes endémiques adaptées au climat de la région afin de recréer un écosystème dynamique constitué d’espèces locales.

À ce jour, plus de 600 arbres, arbustes et palmiers indigènes ont été plantés sur le site et près de Rs 8 millions ont déjà été investies dans ce plan de restauration.
Le projet de Pointe-d’Esny Le Village est également parmi les projets immobiliers développés dans l’île, celui qui compte une proportion extrêmement importante de sa superficie consacrée aux espaces verts et en reconquête écologique (près de 30%). À titre d’exemple, le pourcentage d’espaces verts requis dans un lotissement résidentiel est de 2% et le dernier budget fait provision de mini-forêts de 4% de la superficie développée pour tout nouveau projet.

Le projet a également fait l’objet d’études et d’audits approfondis quant au respect de l’environnement et à l’intégration de techniques d’adaptation au changement climatique de la part d’experts indépendants mandatés par des institutions internationales et bailleurs de fonds. Ceci a permis notamment au projet de Pointe-d’Esny le Village de bénéficier du financement du programme SUNREF, mode de financement vert de l’Agence Française de Développement réservé aux projets respectueux de l’environnement.
Le projet fait également l’objet, dans sa mise en œuvre, d’un suivi rigoureux et régulier de la part des autorités et de ces mêmes bailleurs de fonds pour s’assurer du respect des conditions de nos permis, et de nos engagements vis-à-vis de la protection de l’environnement.

Par ailleurs, notre groupe étant aussi un acteur important du secteur hôtelier de la région avec deux hôtels à Pointe-d’Esny, nous avons toujours été extrêmement vigilants par rapport au risque de pollution du lagon et des zones humides, non seulement par conviction, mais aussi parce que nos activités touristiques en dépendent.

Cette affaire intéresse aussi les parlementaires et a fait l’objet d’une PNQ à l’Assemblée nationale. Votre réaction ?

Force est de constater, malheureusement, qu’il y a encore une fois de nombreux amalgames et de contre-vérités qui sont véhiculés et nous vous remercions de nous donner l’occasion de rectifier ou de clarifier un certain nombre de choses.
Je me permets de remettre en perspective certains faits pour que les échanges puissent se faire sur une base saine.

Ces faits sont les suivants : le projet a obtenu le Clearance du Ramsar Committee depuis 2018 (le comité a donc bien été consulté), l’EIA Licence depuis 2019, lequel contient une série de conditions avec lesquelles nous sommes en stricte conformité (ce n’est pas au ministère de produire un EIA report mais bien au promoteur), et les permis de construire (BLUP) entre 2019 et 2023.

Le jugement vous critique ouvertement, déplorant que vous ayez continué les travaux d’aménagement et, par extension, la commercialisation de cet espace. Allez-vous continuer les travaux et la commercialisation de ces terrains ?

Nous sommes dans un état de droit où les permis délivrés ont toute leur légitimité, et où prévaut « la présomption de régularité », qui est un principe universel s’appliquant à tous les permis une fois délivrés par les autorités compétentes.
À ce propos, nous faisons pleinement confiance aux autorités et institutions de notre pays.
Nous avons agi et développé en stricte conformité avec les permis que nous avons obtenus. Il est utile de rappeler que pas moins de 22 autorités, plus le Comité Ramsar, se sont prononcés favorablement au développement de notre projet pour que nous puissions obtenir notre permis EIA.

Cela fait maintenant cinq ans que nous avons obtenu notre permis EIA, trois ans que nous avons démarré les travaux. Tout cela ne date donc pas d’hier et, pendant toutes ces années, aucune demande d’injonction n’a été faite contre le projet devant l’ELUAT.
La plupart des articles publiés récemment donnent pourtant une image erronée du projet, est cela est vraiment regrettable. De plus, comme expliqué plus haut, poursuivre notre projet ne contrevient en rien au jugement du Privy Council.

Comment le Groupe Beau-Vallon aborde-t-il la suite de cette affaire devant l’ELUAT ?

Nous abordons cette affaire avec sérénité. Nous allons défendre le projet sur le fond, confiants dans la justesse de notre démarche, en rappelant que c’est à Eco-Sud de venir démontrer ce qu’ils allèguent contre le projet.

Nous ne le redirons jamais assez, de notre côté tout a été mis en œuvre de bonne foi et avec honnêteté pour garantir la protection de l’environnement et le respect des lois de notre pays dans le cadre de ce projet.

De plus, nous sommes ouverts au dialogue, mais étant donné les enjeux de ce projet pour notre groupe, il est important de souligner que toute opposition injustifiée devra également en assumer les conséquences en dommages et intérêts.

Face à la crise climatique dans laquelle nous sommes, face au fait que nous sommes une ile vulnérable, comprenez-vous la démarche d’Eco-Sud ?

Bien sûr, nous comprenons et partageons les préoccupations environnementales.
Le Groupe Beau-Vallon est attaché à préserver notre région. Nous sommes fiers des moyens que nous mettons en œuvre dans ce projet. Le projet de Pointe-d’Esny est le premier projet dans l’île à avoir intégré un dispositif d’adaptation au changement climatique (le dispositif Triton).

Ce dispositif est constitué de pas moins de 6 bassins enterrés en amont des Wetlands, lesquels permettent non seulement de s’adapter aux épisodes de pluies torrentielles mais aussi d’assurer un fonctionnement optimal de la zone humide : retardateurs de crues, filtration des eaux de surface et recharge des Wetlands. La mise en place de ce dispositif a d’ailleurs fait l’objet d’un financement vert (SUNREF) comme expliqué précédemment.
De plus, le projet est entièrement raccordé à une station d’épuration construite spécifiquement pour le desservir afin d’éviter toute contamination des zones humides.

Et comprenez-vous surtout les Law Lords du Privy Council qui réaffirment l’importance pour les citoyens de pouvoir protéger leur environnement ?
Absolument, l’environnement est l’affaire de tous, et nous partageons pleinement cette préoccupation. Les ressources naturelles de notre île sont limitées, ont été beaucoup dégradées et méritent davantage de considération.

Le projet de Pointe-d’Esny Le Village s’inscrit dans cette démarche, à travers tout ce que nous mettons en œuvre pour restaurer la zone humide de Pointe-d’Esny.
Au-delà de nos fonctions professionnelles, nous sommes aussi des citoyens conscients des enjeux environnementaux et nous nous engageons dans ce sens à ne pas polluer ou détruire à travers la réalisation de notre projet.

Si le permis EIA est remis en question et suspendu, combien coûtera la remise en état des sites et le remboursement des acomptes pour l’achat de places dans le morcellement prévu? Le groupe Beau-Vallon peut-il encaisser une telle charge?

Je crois qu’il est prématuré de poser cette question aujourd’hui, de préjuger du résultat final et du fondement des contestations devant le Tribunal. Je le répète, nous avons agi dans le strict respect des lois, nous attendons la suite de cette affaire en laissant la justice faire son travail.

Nous sommes et resterons, de bonne foi, et ouverts au dialogue durant ce processus.

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