Pour marquer le troisième anniversaire de l’échouage du Wakashio, le parti écosocialiste Rezistans ek Alternativ (ReA) a posé une réplique en carton d’une stèle à Mahébourg, qui avait été enlevée précédemment par les autorités. Dans un devoir de mémoire, ReA persiste et signe, avec ou sans l’autorisation des personnes concernées, il continuera à commémorer chaque année cet événement fatidique de l’histoire du pays. Stefan Gua répond à nos questions, où il évoque la mise en mouvement des citoyens mauriciens et les discussions entamées pour un changement systémique de la société mauricienne, 55 ans après son indépendance.
ReA a-t-il finalement pu installer une stèle à Mahébourg ?
Non, ReA n’a pas installé de stèle à Mahébourg. Ce que nous avons fait le 6 août 2023, c’est de poser une réplique en carton de la stèle qui a été enlevée précédemment sous les directives du ministre des Collectivités locales, Anwar Husnoo. Nous l’avons fait à la date correspondant au troisième anniversaire de la mise en mouvement suite au naufrage du Wakashio. Dans ses déclarations publiques, le ministre des Collectivités locales a avoué la motivation politique de la démarche, qui est d’oblitérer la contribution de ReA et par extension celle de milliers de personnes. Ce n’est pas pour autant que Rezistans ek Alternativ cédera sur les propos gravés sur la plaque qui fût enlevée. Ces propos reflètent ce qui s’est réellement passé. Dans un tel cas, nous savons que refaire une demande auprès des autorités mènera à un refus de leur part. Mais nous continuerons à commémorer l’élan de solidarité du peuple chaque année. Nous insisterons aussi sur la nécessité d’un monument de mémoire avec les mêmes propos que nous avions tenus en août 2021, n’en déplaise à Anwar Husnoo et au gouvernement MSM.
Trois ans après les différentes mises en mouvement citoyennes liées au Wakashio, quel est votre constat de la société mauricienne ?
Autant le drame Wakashio a été la pire catastrophe écologique de Maurice post-indépendance, autant cela a été une fenêtre sur la capacité du peuple mauricien de se prendre en main de façon magistrale. Je pense que cette prise de conscience est bien là , mais ce qui manque à la société mauricienne, c’est un rendez-vous pour le prouver. D’ailleurs, le gouvernement MSM et les partis politiques parlementaires ont bien compris cela. Pour le premier, c’est une des raisons du détournement démocratique en n’octroyant pas les élections municipales. Pour les partis politiques parlementaires, cela se traduit par la nécessité de s’aligner avec les partis extraparlementaires. C’est une des raisons pour laquelle le projet de Rezistans ek Alternativ d’un gouvernement unitaire de transition en faveur d’un changement constitutionnel séduit. Il séduit pour ces partis, en partie pour son contenu, mais aussi parce que ces derniers ont réalisé que cette prise de conscience émane d’une frange non négligeable de la société qui est en capacité de changer le paysage politique mauricien.
Quid des discussions entamées avec l’opposition parlementaire et extraparlementaire ?
Pour l’heure, ReA a entamé une première tournée de discussion avec tous les partis, mais aussi des mouvements de la société. Nous pouvons dire que le projet de changement constitutionnel est accueilli favorablement puisque le constat de verrouillage de notre démocratie est partagé par les autres interlocuteurs.
Ce qui ne fait pas l’unanimité, c’est bien la transition proposée, parce que certains ne semblent pas comprendre le caractère inédit de ce moment présent dans l’histoire de notre pays. Il ne suffit pas de dire qu’il faut changer de système pour que nous soyons des alliés. Ce que ReA propose, c’est de partir du constat du danger qui pèse sur notre société et sa démocratie, avec la pente qu’a prise le gouvernement MSM suite à la mort de l’agent Kistnen et de l’instrumentalisation des appareils étatiques pour museler toute opposition au régime actuel. De ce constat, nous pouvons nous aligner pour des changements constitutionnels pour que plus jamais aucun autre gouvernement ne puisse en faire autant. D’où l’idée d’un gouvernement unitaire pour créer les conditions d’une majorité requise pour les amendements constitutionnels.
Maintenant, sur les questions d’orientations économiques, écologiques, etc., nous avons des divergences de fond avec les partis parlementaires et aussi émergents. C’est pour cela que ce gouvernement que propose ReA ne pourra être que transitoire, pour assainir notre paysage démocratique afin que tout un chacun puisse proposer ses idées et être plébiscité là -dessus.
Nous maintenons le cap au sein de ReA pour cette idée et conviendrons pour bientôt une conférence constitutionnelle pour discuter des changements constitutionnels. À ce propos, nous avons l’accord de principe de tous les partis. Quant au projet que nous proposons, il y va de la responsabilité de tout un chacun pour éviter le basculement vers lequel nous pousse le régime du Sun Trust.