Le dossier de revendication de la souveraineté de Maurice sur l’archipel des Chagos constituera une préoccupation majeure de la délégation, dirigée par le Premier ministre Pravind Jugnauth, au Commonwealth Heads of Government Summit (CHOGM) de Londres. C’est ce qui transpire du programme des rencontres bilatérales établi par le Prime Minister’s Office avec d’autres chefs de gouvernement participant au sommet de ce club britannique qui se déroulera à Londres et au château de Windsor du 16 au 20 courant.
Toutefois, à la veille de l’arrivée du Premier ministre à Londres, aucune confirmation de Londres quant à une éventuelle rencontre en tête-à-tête avec son homologue britannique, Theresa May, même si des contacts en séance plénière ne sont pas à écarter. Mais, dans la conjoncture, Londres ne s’attendait nullement à cette initiative de la Shadow Foreign Secretary, Emily Thornberry, le no 2 au leader du Labour britannique, Jeremy Corbyn, dans The House Magazine, publication officielle des membres de la Chambre des communes.
La frontbencher de l’opposition n’a trouvé mieux que d’enjoindre Theresa May à emboîter le pas à un de ses prédécesseurs, David Cameron, qui l’avait fait sur le dossier de l’apartheid, pour présenter des excuses sur les Chagos à Maurice en pleine séance du Sommet du Commonwealth. Ce développement est intervenu jeudi, le No 10 Downing Street se réfugiant derrière un épais silence à ce sujet jusqu’ici. Aucune réaction officielle, même du Foreign Secretary, Boris Johnson, à cette proposition à ce jour.
Dans le camp mauricien, qui a pour objectif principal l’étape des auditions de la Cour internationale de Justice de La-Haye à partir du 3 septembre pour la Request for an Advsiory Opinion sur le démantèlement du territoire mauricien à la veille de l’indépendance du 12 mars 1968, l’on accueille favorablement ce move politique et diplomatique. “Cela apporte de l’eau au moulin de ceux qui parlent d’isolement de Londres dans son entêtement sur les Chagos”, dit-on. Dans d’autres milieux, l’on fait comprendre qu’à partir du postulat de la Shadow Foreign Secretary, “il y a un coup de poker à tenter sur les Chagos à Londres ou une belle carte à jouer”. En effet, dans le texte publié dans le magazine officiel de la Chambre des communes, la no 2 du Labour britannique n’occulte pas cet isolement de Londres au sein du Commonwealth sur les Chagos : “We must also listen to our partners, including to those 33 Commonwealth countries – led by Mauritius – who voted in June last year to refer Britain to the International Court of Justice, and correct the historic wrong done by our country to the people of the Chagos Islands”, écrit Emily Thornberry en prévision du sommet de Londres. Dressant le parallèle avec les prises de position de Margaret Thatcher en faveur de l’apartheid dans les années 1980 et la démarche de David Cameron, qui a présenté des excuses formelles subséquentes à l’ancien président sud-africain, Nelson Madela, lors du CHOGM de 2006, elle somme Theresa May d’en faire autant avec Maurice sur les Chagos.
“That is how I would urge the Prime Minister to approach this summit, and – in that same spirit – I would like her to start it by saying sorry to the other Heads of Government, not just for the wrong done to the Chagos Islanders, but for the actions of Margaret Thatcher in the 1980s”, s’appesantit la Shadow Foreign Secretary britannique. Elle ne manque pas d’ajouter que,“I believe Theresa May and the Conservative government in Britain also owe an apology to the Commonwealth as a whole – and indeed Her Majesty The Queen – for ignoring the efforts of every other member 30 years ago to bring Apartheid to an end. This week would be an appropriate moment to correct that historic mistake, and would send a wider signal to our Commonwealth cousins that we in the UK truly recognise that the days are gone when our union was described – in colonial terms – as the British Commonwealth”.
“Toute décision sur le ‘resettlement’ des Chagossiens ne relève que de l’autorité souveraine de la République de Maurice”
Emilt Thornberry a également pris l’engagement qu’un éventuel gouvernement britannique sous le Labour ouvrira de nouvelles avenues pour le Commonwealth. “So, for a Labour party under Jeremy Corbyn whose foreign policy hinges on multilateralism, internationalism, and the centrality of human rights, the Commonwealth remains a vital force for good. And if we form the next government here in Britain, we will ensure that promoting and engaging with the Commonwealth is one of our top foreign policy priorities”, dira-t-elle.
En tout cas, Pravind Jugnauth aura l’occasion d’entendre ces engagements de la bouche même du leader du Parti travailliste en début de semaine. Au programme du Premier ministre à Londres figure une séance de travail avec des membres du l’All-Party Parliamentary Group de la Chambre des Communes sur les Chagos. Cette instance parlementaire est présidée par Jeremy Corbyn. Ce rendez-vous découle de la demande des Britanniques et le Premier ministre compte brosser un tableau des revendications de Maurice sur cette partie de son territoire et de les convaincre que “toute décision sur le ‘resettlement’ des Chagossiens ne relève que de l’autorité souveraine de la République de Maurice”. La partie mauricienne soulignera également que “la question du rétablissement sans équivoque de la souveraineté fait partie du processus de décolonisation au terme des résolutions entérinées par les Nations unies”.
Le Premier ministre prévoit également une série de rencontres bilatérales avec des homologues du Commonwealth, dont Narendra Modi, de l’Inde, Andrew Holness de la Jamaïque et également ceux des Etats africains, dont les Seychelles et le Ghana. Le soutien des Etats membres du Commonwealth lors de l’adoption de la résolution du 22 juin 2017 aux Nations unies, aussi bien que le maintien de cette solidarité entre anciennes colonies britanniques, seront à l’ordre du jour de ces discussions de haut niveau. Maurice compte battre le rappel d’un maximum d’Etats membres du Commonwealth pour soutenir la cause des Chagos devant la Cour de La-Haye, les audiences démarrant le 3 septembre prochain et un éventuel ruling vers le début de 2019.
Pravind Jugnauth profitera également de son passage à Londres pour des séances de travail avec le Legal Panel sur les Chagos, animées par le Pr Philippe Sands, QC, axées sur la trentaine de Written Submissions en faveur de la Request for an Advisory Opinion sur les Chagos et surtout pour mettre au point les Counter Submissions aux points soulevés par la Grande-Bretagne et ses alliés, en particulier les Etats-Unis. Avant l’étape du début de septembre, Maurice se prépare à présenter “des observations écrites sur les autres exposés écrits conformément au paragraphe 4 de l’article 66 du Statut” au plus tard le 15 mai.