Dans le tumulte de nos vies chargées, le silence, si précieux, devient de plus en plus rare. Il est comme une étoile filante qui passe sans que nous la percevions et, comme un instant fugace, qu’il faut savoir saisir.
Ces moments où nous nous retrouvons seuls, enveloppés dans le doux cocon du silence, sont devenus un luxe que nous pensons ne pas pouvoir nous payer. Nous ne prenons même plus le temps de nous l’approprier, alors qu’il est à proximité, à tout instant.
Quand nous fermons les yeux et que nous nous laissons porter par l’absence de bruit, quelque chose de magique – je dirais même quelque chose de divin – opère.
Les pensées, d’habitude en ébullition, s’apaisent. Les idées, comme des petits papillons, surgissent, dansent dans les différents coins de notre tête, se posent, puis s’estompent. Nous éprouvons alors une sensation de clarté, de sérénité, de tranquillité où chaque souffle nous rapproche toujours plus de nous-mêmes. Les sens s’éveillent.
Le silence, c’est aussi une invitation à l’introspection. La présence des émotions enfouies se manifeste, des souvenirs oubliés et des rêves étouffés se croisent. Dans ces instants de recueillement, nous redécouvrons la beauté du monde : le chant lointain des oiseaux, le bruissement du vent dans les arbres, les vagues qui déferlent et s’écrasent contre les rochers, et le simple battement de notre cœur. Dans cette bulle silencieuse, tous ces sons s’accordent pour devenir un rythme rassurant qui rappelle que la vie résonne.
Dans ce silence, nous nous sentons encore plus vivants et nous rétablissons le lien avec nous-mêmes, nos besoins, nos désirs, et avec ce qui est profondément bon pour nous. Ces moments nous enseignent l’attente, la patience, la gratitude et la reconnaissance. Nous avons alors le désir de chérir et de cultiver le luxe, sans prix et privilégié, du calme.
Après tout, c’est en ce calme que s’épanouissent les plus belles réflexions et que nous pouvons faire la vérité sur notre vie et nos sentiments. Ainsi, nous ne pouvons longtemps nous cacher de notre réalité et de notre état profond. S’affronter est la meilleure façon d’avancer et de se dépasser.
Nietzsche disait que le silence est d’or, et il avait bien raison. Il y a un temps pour rire et pour chanter, un temps pour pleurer et pour crier, un temps pour dire et un temps pour se taire. Un temps pour s’éloigner, pour faire face, pour se résoudre, pour reculer et progresser, pour se désemplir et se ressourcer, sans jamais faire le vide. Un temps pour s’arrêter sans rien abandonner. Ces temps-là ont une valeur inestimable.
Par ailleurs, il est possible de faire silence en soi et autour de soi au milieu de la nature. Cela apporte une dimension poétique à ce que nous vivons. La nature se pare de ses plus beaux atours. Le sol s’habille de terre, de cailloux et d’herbe. Les branches se dressent de feuilles et le ciel se voile de nuages. Le soleil nous câline et la fine pluie nous désaltère. La nuit, les étoiles racontent des histoires : celles que nous voudrions voir commencer, celles qui nous rendraient heureux et celles qui nous éloignent de nos tumultes.
Tout cela a de quoi faire résonner la douceur de la vie et révéler nos brisures qui, parfois, se révoltent. Tant bien même que le désespoir n’a plus de voix, le silence permet de crier et de laisser éclater. Les sans voix s’expriment alors, pour que le volcan enfoui en eux n’entre en éruption que pour apaiser et soulager, et non pour briser et détruire.
Le silence ne se vit pas nécessairement seul. En groupe, il devient la langue de tous, il est le signe qu’un regard ou qu’un sourire suffit pour se comprendre. Vécu avec d’autres, il permet d’aller au-delà des apparences, de palper l’être de loin, de compatir et de se réjouir avec lui. Il permet de beaucoup donner sans rien faire et de recevoir en abondance sans avoir pris. Il consent à accompagner les uns à l’aube de leur vie, à réconcilier les autres au crépuscule, et à aider d’autres encore à sortir des ténèbres.
Le silence n’est pas signe de solitude, d’égoïsme ou de renfermement. Il est source de don inlassable et éternel.
Il est le murmure de la nécessité de se poser et la clameur qui s’oppose au brouhaha permanent. Il est affirmation de soi. Il est le cri le plus strident pour dire : “Ça suffit ! Je me tais et me refais.”
Nous pouvons encore écrire, dire et raconter le silence, mais le seul moyen de vraiment le comprendre est de faire silence. Alors, chuuuuuut !