— Tu as ta figure des mauvais jours. Qu’est-ce que tu as comme ça ?
— Je suis plein, je te dis !
— De qui tu es plein. Qu’est-ce qu’on t’a encore fait ? Je parie que c’est ta garce de belle-sœur qui a encore causé sur toi !
— Celle-là, ne m’en parle pas ! Je ne peux plus la voir, même en peinture. D’ailleurs, je ne la fréquente plus. On se croise dans les mariages et les enterrements, ça même tout.
— Si c’est pas ta chère belle-sœur, alors c’est sûrement ta chère belle-mère. Qu’est-ce qu’elle a encore fait.
— Ayo, celle-là non plus, je ne la prends plus compte. Je lui fais allo par la fenêtre. C’est amplement suffisant.
— Qu’est-ce que tu es en train de radoter comme ça ?
— Quand je vais quitter et reprendre les enfants qui passent la journée chez elle, je ne descends pas, je lui fais seulement allo par la fenêtre
— Tu es terrible même toi, hein.
— Mais pourquoi ? Elle ne m’aime pas, je ne l’aime pas, alors je lui fait salam de loin.
— Si c’est pas ta belle-mère, il ne reste que ton mari. Tu es en biz biz avec lui. Encore une fois.
— Mais normal, toi. C’est un vrai gunga, je te dis. Ma grand-mère m’avait bien dit de ne pas entrer dans cette famille-là. J’aurais dû l’avoir écoutée.
— Tu es en train de causer n’importe. Qu’est-ce que ton bonhomme a fait, cette fois-ci ?
— Rien. Et c’est ça le problème, je te dis.
— Mais il n’a rien fait et tu lui fou une baise ! Tu es bien fatiguée, bonne femme. Tu devrais faire un régime de sensitive pour calmer tes nerfs.
— Il n’a rien fait, il n’a rien fait. Il n’a surtout rien fait quand il fallait faire quelque chose. C’est pourquoi on est là où on est aujourd’hui. C’est pourquoi je suis plein.
— Mais dis-moi pourquoi tu es plein comme ça ?
— Tu as vu dans quel pays on vit. Maintenant les bikers vont casser les maisons des policiers qui arrêtent leurs camarades, comme ça s’est passé à Goodlands. Où on va ?
— Les bi… quoi ? C’est une nouvelle drogue synthétique, ça ?
— Pire, toi. Tu sais, ce sont ces gens qui font des rallyes de motocyclettes, surtout le soir.
— Le soir ? Où ils font leurs rallyes.
— Mais sur l’autoroute, toi et même sur la route Royale, je te dis. Tu n’as jamais croisé une file de grosses motos sur l’autoroute.
— Oui, parfois les dimanches après-midis. Mais à chaque ils vont doucement, doucement, un derrière l’autre, pour se faire admirer.
— Oui, mais le soir certains font des courses de formule 1 sur l’autoroute.
— Mais qu’est-ce que tu racontes ? Le formule 1 c’est avec des voitures. Les courses de motos c’est le motocross.
— Ayo, arrête de faire ta madame conne tout avec moi, là, hein ! Que ce soit en auto ou à moto, c’est un tapage infernal, parce qu’ils ont trafiqué leur silencieux. Le soir, ils font des rallyes sur l’autoroute. Il faut entendre le bruit, je te dis.
— Qu’est-ce qui s’est passé comme ça à Goodlands ?
— Ils ont fait un rallye et un policier a arrêté l’un d’eux. Tu sais ce qu’ils ont fait : ils sont allés jeter des roches sur la maison et la voiture du policier. C’est pas possible, toi. Tu sais combien de policiers ont été agressés depuis le début de l’année. Cinquante, toi. Cinquante ! ! ! !
— C’est pas normal, je suis d’accord avec toi. Mais pourquoi tu fais une scène à ton bonhomme ? Il n’a rien à faire dedans, lui.
— Mais enfin, tu oublies qu’il travaille dans la police. Si ça se continue comme ça, comme disait le bonhomme, un jour des voyous va venir écraser ma maison, toi !
— Mais non, ton mari est un peu chef, chef, non.
— Qu’est-ce que tu veux dire par là, qu’il est protégé parce qu’il a un cousin qui est député. C’est ça que tu veux dire, hein ?
— Mais jamais de la vie. Je veux dire que si ton mari est un chef, chef il doit travailler dans un bureau, donner des ordres aux constables, non ?
— Oui, et alors ? C’est ça son travail ! En tout cas, laisse-moi te dire une affaire : il n’est pas rentré par la fenêtre, lui. Il avait toutes ses qualifications.
— Et alors, ça veut dire qu’il travaille dans l’administration et il n’a rien à craindre, lui ? Ce sont les policiers qui sont sur le terrain qui ont des problèmes, pas ceux qui travaillent dans les bureaux.
— Tu crois… Mais n’empêche que c’est un gunga.
— Pourquoi tu dis ça ?
— Parce qu’on aurait dû être en Australie aujourd’hui ? Mais quand il a fallu faire les démarches, monsieur n’a pas voulu et a dit qu’il était patriote et voulait rester dans son pays. Un pays où quand la police arrête un quelqu’un, les amis du quelqu’un vont écrase sa maison et sa voiture. Ayo, je suis plein, je te dis. On aurait dû être en Australie à l’heure qu’il est.
— Tu crois que vous auriez eu le permis pour l’Australie ?
— Normal, toi. Si ma cousine, qui est trois fois plus brune que moi, a eu son permis, pourquoi j’aurais pas eu, moi ?