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Questions à un expert dans la production d’eau potable par dessalement : « Ce procédé n’est pas une solution miracle »

Quel constat faites-vous de la situation critique actuelle de nos réserves d’eau et la gestion de ce secteur à Maurice en général au cours de ces dernières années ? 

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Il est difficile de faire un constat précis sur la situation actuelle des réserves d’eau à Maurice, car nous sommes confrontés malheureusement durement aux effets du changement climatique et c’est très inquiétant de voir se prolonger le stress hydrique d’année en année. L’île Maurice a longtemps été confrontée à des problèmes de gestion d’eau en raison de la croissance démographique rapide et de la surexploitation des ressources en eau, et surtout aux pertes dans nos canalisations. Si, déjà, on pouvait limiter ces pertes, alors, ce sera très bénéfique sans même avoir recours aux autres techniques de potabilisation. Aussi, malheureusement, un autre point est que le prix de vente du mètre cube est beaucoup trop bas, ce qui ne responsabilise pas les consommateurs.

Le ministre de l’Énergie et des Utilités publiques, Joe Lesjongard, a déclaré mercredi que le projet de dessalement d’eau de mer est envisagé par le gouvernement et que l’expertise étrangère est actuellement recherchée pour la mise en place de ce projet. Comment accueillez-vous cette annonce ?

Le dessalement d’eau de mer peut aider à augmenter les réserves d’eau potable disponibles pour les besoins domestiques, industriels et agricoles, mais il est important de noter que le dessalement de l’eau de mer n’est pas une solution miracle, car il est coûteux en termes d’énergie et de maintenance. Il est donc important que le gouvernement de Maurice évalue soigneusement les coûts et les avantages potentiels de ce projet avant de se lancer dans sa mise en œuvre. Par contre, il existe de nouvelles solutions de dessalement basées sur les énergies renouvelables qui pourraient changer drastiquement le paradigme.

Expliquez-nous les techniques et les procédés utilisés par les usines de dessalement d’eau de mer à Maurice…. et que fait-on concrètement des sels dissous de l’eau ? 

Il existe plusieurs techniques couramment utilisées pour dessaler l’eau de mer, chacune ayant ses propres avantages et inconvénients. Les principales techniques de dessalement d’eau de mer sont :

La distillation : cette technique consiste à évaporer l’eau de mer pour la séparer des sels dissous, puis à condenser l’eau évaporée pour la recueillir

L’osmose inverse : cette technique utilise une membrane semi-perméable pour séparer les sels dissous de l’eau

Le dessalement électrodialytique: cette technique utilise un champ électrique pour séparer les sels dissous de l’eau.

Après le dessalement, les sels dissous sont généralement concentrés dans un liquide appelé « saumure ».

Il existe plusieurs options pour gérer la saumure, qui dépendent de la qualité de la saumure, de la quantité produite et des réglementations environnementales locales. Certaines des options courantes pour gérer la saumure incluent :

Le rejet dans la mer : cette option est généralement utilisée lorsque la saumure est de bonne qualité et que les réglementations environnementales le permettent

Le stockage : cette option est généralement utilisée lorsque la saumure est de mauvaise qualité ou que le rejet dans la mer n’est pas autorisé

La réutilisation : cette option consiste à réutiliser la saumure pour des applications industrielles ou agricoles, telles que l’irrigation.

Il est important de noter que chacun de ces procédés a des coûts énergétiques, environnementaux et économiques différents, et qu’il est important de bien les évaluer avant de choisir celui qui convient le mieux à la situation locale.

N’existe-t-il pas d’autres solutions qui sont plus économiquement et écologiquement viables que le dessalement de l’eau, à l’instar de la création de réservoirs régionaux ou de river dikes ? La question du fléau de la non-revenue water, affichant un taux avoisinant les 50% annuellement, ne constitue-t-elle pas un obstacle à l’application du projet de dessalement à Maurice ? 

Tout d’abord, il faut bien intégrer que nous vivons des changements climatiques qui font que nous allons recevoir de moins en moins de pluie avec tous les problèmes qui en découlent. Donc, il y a aussi un risque d’investir dans des solutions décrites plus bas, mais sans l’eau escomptée. Il existe effectivement d’autres solutions pour augmenter les réserves d’eau potable qui peuvent être plus économiquement et écologiquement viables que le dessalement de l’eau de mer.

La création de réservoirs régionaux : il s’agit de construire des réservoirs pour stocker l’eau de pluie et de ruissellement, qui peut être utilisée pour les besoins domestiques, industriels et agricoles

Les digues de rivière : il s’agit de construire des digues pour retenir l’eau de la rivière et l’utiliser pour les besoins domestiques, industriels et agricoles.

La récupération des eaux usées : il s’agit de traiter les eaux usées pour les rendre potables à nouveau et les réutiliser pour les besoins domestiques, industriels et agricoles.

Il est important de noter que ces solutions doivent être évaluées économiquement en fonction de la situation locale pour déterminer leur pertinence. En ce qui concerne la question de la non-revenue water, il est vrai qu’un taux élevé de non-revenue water peut rendre difficile la mise en œuvre d’un projet de dessalement, car cela signifie qu’une grande quantité d’eau potable est gaspillée et ne peut pas être utilisée. Il est donc important que les autorités et les organisations de la société civile travaillent ensemble pour résoudre les problèmes de non-revenue water et améliorer la gestion de l’eau avant de se lancer dans un projet de dessalement.

Des centaines de millions de roupies ont été investies pour le dessalement de l’eau à Rodrigues, qui est servie à toute la population. Son application ne semble pas avoir eu l’effet escompté si l’on se fie à la situation de crise hydrique que traverse l’île depuis des lustres…

Malheureusement, Rodrigues est dans une situation plus que difficile depuis des dizaines d’années, et les Rodriguais en subissent de plein fouet les effets. Étant doublement insulaire, il est impératif de penser d’abord à la maintenance à long terme des installations en ayant les pièces de rechange et produits en stock. De plus, il faut encore plus responsabiliser toutes les parties prenantes sur ce bien précieux, quitte à confier cette responsabilité à des prestataires privés avec de lourdes pénalités en cas de défaillances, par exemple faire un IPP Water qui serait payé uniquement au mètre cube délivré sur le réseau d’eau. Sans cela, point de salut. Il est vrai que l’île Rodrigues, qui fait partie de l’archipel des Mascareignes, a été confrontée à des problèmes de pénurie d’eau depuis de nombreuses années, malgré l’investissement dans des projets de dessalement d’eau de mer. Il est possible que l’application de ces projets n’ait pas eu l’effet escompté pour plusieurs raisons :

L’insuffisance des capacités de stockage : si les capacités de stockage de l’eau dessalée sont insuffisantes, il peut y avoir des pénuries d’eau, même lorsque les usines de dessalement fonctionnent à plein régime

La mauvaise qualité de l’eau dessalée : si la qualité de l’eau dessalée n’est pas suffisamment bonne pour répondre aux besoins de la population, cela peut entraîner des pénuries d’eau

La mauvaise gestion de l’eau: si les systèmes de distribution d’eau dessalée ne sont pas suffisamment bien gérés, cela peut entraîner des pénuries d’eau

Les besoins en eau croissants : si la population de Rodrigues continue à croître, cela peut entraîner une augmentation des besoins en eau, même si des projets de dessalement ont été mis en place.

Il est important de noter qu’il est difficile de donner une réponse définitive sans plus d’informations sur les projets de dessalement mis en place à Rodrigues, leur mode de fonctionnement, leur capacité, leur maintenance et leur gestion. Il est possible que ces projets aient été bien conçus et appliqués, mais que les conditions locales, comme les besoins en eau croissants, le changement climatique, l’urbanisation, la croissance démographique, etc. aient rendu difficile de répondre aux besoins en eau de la population de Rodrigues. Il est donc important de continuer à évaluer et à améliorer les systèmes de gestion de l’eau existants pour assurer une distribution équitable et suffisante de l’eau potable par tous les citoyens.

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