L’ancien juge qui enquêtera sur les 16 kilos d’héroïne (Rs 160 M) manquants des 135 kilos de la cargaison de Navind Kistnah du 9 mars 2017 sur le point de mettre à exécution son mandat
Un autre casse-tête : le mystère des drogues synthétiques de Kusraj Lutchigadoo saisies lors de la descente dans la nuit du 29 au 30 mars dernier à Triolet
3 kg de cocaïne d’Angsana Hotel : un suspect déjà en fuite en France et un autre, un dénommé Colosse, appréhendé in extremis à l’aéroport, vendredi soir, alors qu’il s’apprêtait à s’embarquer pour Paris
L’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) est déjà under fire même avant la publication du rapport de la Commission d’enquête sur la drogue, présidée par l’ancien juge de la Cour suprême, Paul Lam Shang Leen. En effet, administrant une gifle des plus sonores au commissaire de police, Karl Mario Nobin, à l’Assemblée nationale, mardi dernier, pour ses explications bancales sur les 16 kilos d’héroïne manquants d’une valeur marchande de Rs 160 millions, dans la cargaison de 135 kg de Navin Kistnah du 9 mars 2017, le ministre mentor, Sir Anerood Jugnauth, a annoncé la nomination d’un ancien juge de la Cour suprême pour faire la lumière sur ce scandale.
A peine ce développement survenu, l’ADSU se trouve en train de se dépêtrer d’un autre sinistre épisode de la Lutchigadoo Saga. Des proches de Kusraj Lutchigadoo, le principal protagoniste dans l’escapade du 23 avril du Vacoas Detention Centre, avancent qu’un rapport des exhibitssaisis lors de l’opération de l’ADSU à Triolet dans la nuit du 29 au 30 mars, n’aurait décelé aucune présence de drogues synthétiques. Et dans l’enquête sur les trois kilos de cocaïne d’une valeur marchande de Rs 45 millions dans l’enceinte de l’hôtel Angsana, Balaclava, un des trois suspects dénoncés par le Franco-Mauricien et Chief Security Officer de cet établissement hôtelier, Ibrahim Soopee, est déjà hors de portée de l’ADSU, ayant déjà pris l’avion pour Paris. Un deuxième a failli se faire la belle : un dénommé Jean-Noël Bundhoo, aussi connu sous le nom de “Colosse”, âgé d’une quarantaine d’années, a été appréhendé in extremis, alors qu’il tentait de s’embarquer pour Paris dans la soirée de vendredi. L’identité du troisième protagoniste de cette French Connection est, semble-t-il, encore floue.
Tout semble indiquer que dans un avenir pas trop lointain, l’ADSU sera prise entre deux feux ou pourrait même subir des tirs croisés. D’un côté, les conclusions et recommandations de la Commission d’enquête sur la drogue ne devront nullement épargner ce qui fut jadis le fleuron des casernes centrales. Dans la conjoncture, la question qui reste posée est quand l’ancien juge Lam Shang Leen et ses deux assesseurs, Sam Lauthan et le Dr Ravind Dhoomun, se rendront à la State House pour déposer le rapport, déjà complété.
Une question de jours, disent certains qui prétendent être dans les secrets du Rotin Bazaar, même si pour la publication, il faudra repasser après l’ajournement de l’Assemblée nationale pour les vacances d’hiver. Au cas où le rapport Lam Shang Leen est déposé cette semaine, les observateurs de la scène politique voient mal le Premier ministre, Pravind Jugnauth, rendre public ce document après les délibérations du Conseil des ministres de vendredi prochain, soit à quelques heures de l’arrivée du président de la République populaire de Chine, Xi Jinping, pour un stop over de 24 heures.
Par contre, aucun obstacle ne se dresse sur la route de l’enquête confiée à un ancien juge de la Cour suprême sur l’ADSU en ce qui concerne l’une des plus importantes saisies de drogue : 135 kilos d’héroïne le 9 mars 2017 et subséquemment 20 autres kilos dans le port à peine une dizaine de jours après. Le nom de l’ancien juge a été choisi dans une short list de trois, soit Bushan Domah, Devianee Beesoondoyal et Paul Lam Shang Leen. Le concerné a déjà été approché et a donné son aval. Et il ne reste que des procédures à compléter avant qu’il ne puisse débarquer au QG de l’ADSU pour un constat des conditions dans lesquelles les cargaisons de drogues saises sont stockées, ou encore de convoquer les responsables et de consigner la version des officiers de l’ADSU concernés.
Depuis les révélations par Le Mauricien, en date du 27 juin, des discrepanciesde 16 kilos dans les 135 kilos de Navind Kistnah, la direction générale de l’ADSU avait tenté sournoisement, avec la complicité de certains, de vendre la thèse galvaudée des wrappings pour expliquer la différence de poids. Toutefois, à l’Assemblée nationale, mardi, en réponse à une PQ du député Adil Ameer Meea, Sir Anerood a voulu « set the record straight ».
« I am informed of a case where variation in weight of the drugs seized has been noted. This particular case relates to drugs seized in March 2017. I have asked for explanation thereon from the Commissioner of Police and I wish to state that I am personally not satisfied with same. I have, therefore, decided to initiate an independent enquiry to be presided by a former Judge of the Supreme Court to shed light in this matter», a-t-il fait comprendre en prenant à contre-pied le commissaire de police et ses proches collaborateurs à ce sujet.
« En dimoune ki mo konné ine dire mwa donne sa Soopee »
Mais le tour était encore loin d’être joué à l’ADSU. Dans une correspondance en date du 17 juillet et adressée au ministre mentor, une des proches de Kusraj Lutchigadoo a porté de graves allégations contre l’ADSU. Cette parente avance que les analyses des exhibits saisis par l’ADSU lors de l’arrestation du suspect à Triolet à la fin de mars, ne comportent aucune trace de drogues synthétiques et réclame sa remise en liberté.
Pourtant, lors de l’opération de l’ADSU de Grand-Baie, et à la pesée de drogues synthétiques en présence du suspect, le poids initial enregistré était de 1,1 kilo. Lors de la première séance d’interrogatoire de Kusraj Lutchigadoo, le poids évoqué avait augmenté à 1,4 kilo. Finalement, le rapport des analyses des exhibits fait état d’aucune trace de drogues synthétiques. Le legal panel du suspect roulant en BMW série 6, mené par Me Gavin Glover, Senior Counsel, compte revenir à la charge sur cet aspect de l’enquête de l’ADSU lors des débats en Cour sur la Bail Motion fixée pour le 2 août.
D’autre part, l’ADSU a failli se surprendre dans l’enquête sur la saisie de trois kilos de cocaïne de Rs 45millions à l’hôtel Angsana le 2 juillet dernier. Des trois complices dénoncés par le Chief Security Officer de l’hôtel, appréhendé pour trafic de drogue, un a déjà pris la fuite en France, un autre a été arrêté vendredi soir au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport Terminal, alors qu’il avait déjà effectué son check in pour Paris. Ce suspect, un dénommé Jean-Noël Bundhoo, alias Colosse, a été présenté, hier matin, à la Bail and Remand Court pour son inculpation provisoire de délit aggravé de trafic de drogue.
« Mo pa konne nanyen ladan. Mo pa konné ki ti ena dan sa parsel-là. En dimoune ki mo konné ine dire mwa donne sa Soopee », devait répéter Colosse en marge de sa comparution en Cour, hier. Il devra être confronté, demain, aux allégations portées contre lui par Ibrahim Soopee lors de son interrogatoire, jeudi. Le Chief Security Officer, qui est soupçonné d’être un maillon fort du French Network, avec en toile de fond le steward d’Air France, Christophe Caterino, avait fait des révélations sur la remise des trois kilos d’héroïne.
« Sa dé dimoune la ti akompagné de ene lotte dimoun. Sa bougre-là ti dir ki li li gagn passé laéroport san gagn foyé dan VIP et ki li kapav amène kantité la drog ki li anvi. Li mem ti dr sa zur là ki li kapav amène ene loto ladrog depi Lespagn »,aurait déclaré Ibrahim Soopee dans sa déposition, qui est placé dans le vault de l’ADSU HQ. Mais à ce stade, même si lors d’échanges off record, il avait donné des indications sur ce troisième homme, l’official inquiry ne contient aucun élément susceptible de mener à l’identification de cette VIP.
Affaires à suivre…